Chapitre I : Synthèse bibliographique
1. Les différents niveaux de régulation cellulaire modulant la synthèse et l’accumulation de molécules
1.1. Les déterminants génétiques à la base du QS
1.1.2. Les protéines de type LuxR
La perception du signal AHL repose sur un senseur qui est aussi un régulateur de
transcription appartenant à la famille LuxR, en référence à la protéine régulatrice initialement
mise en évidence chez V. fisheri et régulant le phénomène de bioluminescence. L’alignement
des acides aminés des différentes protéines de type LuxR (environ deux cent cinquante acides
aminés) révèle peu de similarité entre les différentes séquences protéiques (de 18% à 25%
d’identité) ; seuls cinq résidus seraient conservés chez l’ensemble des protéines LuxR
(Whitehead et al., 2001). En revanche, les protéines homologues de LuxR possèdent une
architecture conservée composée de trois régions : une région N-terminale impliquée dans
l’interaction avec les AHLs, une région plus centrale permettant l’oligomérisation de la
protéine, et une région C-terminale possédant un motif hélice-tour-hélice impliqué dans la
fixation sur l’ADN (Fuqua & Greenberg, 2002; Stevens & Greenberg, 1997). La fixation de
l’AHL au niveau des protéines de type LuxR a été démontrée expérimentalement pour la
protéine TraR, homologue de LuxR identifié chez Agrobacterium tumefaciens ; cette dernière
a été purifiée complexée à l’AHL (Zhu & Winans, 1999). Ces protéines peuvent se lier aux
Activateur
(e.g. LuxR, TraR, RhlR, LasR)
Répresseur
(e.g. EsaR, ExpR, VirR)
ADN
Domaine
C-terminal
Domaine
N-terminal
Figure 1.5: Représentation schématique des modifications structurales induites par la
liaison des AHLs sur les protéines de type LuxR activatrices ou inhibitrices de la
transcription.
Pour les protéines de type LuxR agissant comme des activateurs transcriptionnels : en
absence d’AHLs , le domaine N-terminal (N-ter) masque le domaine C-terminal (C-ter)
impliqué dans la liaison avec l’ADN et empêche la formation du complexe ADN/LuxR. La
liaison des AHLs au domaine N-ter induit des changements conformationnels libérant le
domaine C-ter, ce qui permet l’interaction ADN/LuxR et l’activation de la transcription de
gènes cibles. LuxR, TraR, RhlR, LasR sont des homologues de LuxR identifiés
respectivement chez V. fischeri, A. tumefaciens et P. aeruginosa. Pour les protéines de type
LuxR agissant comme des répresseurs: en absence d’AHLs, ces protéines sont fixées sur les
promoteurs des gènes cibles, réprimant leur transcription. La fixation d’AHLs sur le
domaine N-ter provoque la dimérisation des régulateurs, ce qui entraîne la dissociation du
complexe ADN/LuxR et donc la levée de la répression. Ces régulateurs pourraient
également activer la transcription d’autres gènes en absence d’AHLs. EsaR, ExpR, VirR,
sont des homologues de LuxR identifiés respectivement chez P. stewartii, E. chrysanthemi
et E. carotovora.
AHLs dans un ratio protéine : ligand de 1:1, induisant leur propre multimérisation, ce qui
provoquerait des modifications conformationelles de la protéine libérant leur domaine de
fixation à l’ADN (Figure 1.5).
La partie C-terminale des protéines de type LuxR possède une symétrie axiale qui
favorise la fixation de cette protéine au niveau de séquences palindromiques d’ADN
d’environ 18-20 pb, appelées boîte lux (Whiteley & Greenberg, 2001). La fixation des
protéines au niveau des boîtes lux, qui se situent à environ 40 pb en amont des gènes régulés,
active la transcription de ces gènes cibles, en interagissant avec la partie C-terminale de la
sous unité α de l’ARN polymérase (Egland & Greenberg, 1999). Des résidus critiques pour
cette interaction ont été identifiés au niveau de la protéine TraR d’A. tumefaciens (White &
Winans, 2005). Ces séquences palindromiques ont été mises en évidence chez de nombreuses
bactéries (boîtes las chez P. aeruginosa, boîtes tra chez A. tumefaciens) ; cependant la
présence de ce type de séquences en amont des gènes régulés ne semble pas systématique.
Contrairement aux protéines de type LuxR qui régulent la transcription de gènes cibles
en réponse à la présence d’AHLs, plusieurs homologues de LuxR ont la capacité d’exister
sous forme de dimère et de se lier à l’ADN en absence d’AHLs, tel que EsaR de Pantoea
stewartii (Figure 1.5). L’expression de gènes cibles est réprimée par l’interaction de ces
régulateurs au niveau de boîtes lux chevauchant les promoteurs de ces gènes. En effet, la
présence de répresseurs au niveau des boîtes lux provoque un encombrement stérique,
empêchant l’accès de l’ARN polymérase. L’association des AHLs aux régulateurs diminue
leur affinité pour l’ADN et lève donc l’effet répresseur.
Chez de nombreuses bactéries, telles que A. tumefaciens, P. aeruginosa, V. fischeri,
les gènes codant les AHLs synthases font partie de l’ensemble des gènes régulés positivement
par le complexe LuxR/AHL. Cette boucle d’autorégulation positive provoquerait une
amplification significative de la production d’AHLs, ce qui permettrait de coordonner de
manière efficace, au niveau de la population entière, l’ensemble des phénotypes régulés par
QS. A l’inverse, pour limiter la régulation des gènes cibles lorsque les conditions ne sont pas
favorables à la bactérie, des protéines anti-activatrices telles que TraM et TrlR chez A.
tumefaciens ou QscR chez P. aeruginosa, peuvent interagir avec des protéines de type LuxR
en limitant leur activité. Ces protéines auraient pour rôle d’empêcher la régulation des gènes
cibles du QS à faible densité cellulaire et donc de limiter la synthèse d’AHLs, notamment en
bloquant le processus d’autorégulation.
Plusieurs couples de gènes homologues à luxR/I peuvent être présents chez une même
souche bactérienne ; ces différents systèmes luxR/I sont souvent organisés en réseaux si bien
qu’un système luxR/I peut exercer un contrôle transcriptionnel sur un autre système. Chez P.
aeruginosa, la régulation par QS implique deux couples de gènes homologues de luxR/I, le
système lasR/I et le système rhlR/I (Gambello & Iglewski, 1991; Latifi et al., 1995; Passador
et al., 1993). Les systèmes lasR/I et rhlR/I s’expriment de manière hiérarchique de telle sorte
que le système lasR/I exerce une régulation transcriptionnelle positive sur les gènes rhlR et
rhlI (Latifi et al., 1996). Dans ce cas, la production d’AHLs à partir de RhlI va donc dépendre
en partie de l’expression en amont du sytème lasR/I et de la formation du complexe
LasR/AHL.
1.2. Régulation du QS par des régulateurs transcriptionnels
Dans le document
Rôle du quorum-sensing et prévalence des bactériophages chez la bactérie phytostimulatrice Azospirillum
(Page 46-50)