Chapitre III : Caractérisation et régulation de gènes d’origine phagique
4. Discussion
4.1. Caractérisation de l’environnement génétique des gènes alpR/alpI
Initialement, les travaux menés sur les QS chez Azospirillum avaient permis de
caractériser les gènes alpR et alpI, codant respectivement un régulateur de transcription de
type LuxR et une AHL synthase de type LuxI chez A. lipoferum TVV3 (Vial et al., 2006a).
Le séquençage d’une région comportant les gènes alpR et alpI avait révélé la présence d’ORF
phagiques en amont et en aval de ces gènes (Vial, 2005). Le séquençage complet de la région
clonée dans le cosmide pR1.4 a donc permis d’apporter des informations complémentaires sur
l’environnement génétique des gènes alpR/alpI.
Une région présentant des homologies avec les gènes codant les toxines de type RTX
est présente en amont des gènes alpR/alpI. Ces toxines sont synthétisées par de nombreuses
bactéries Gram négatif et sont des cytolysines formant des pores dans les membranes (Lally et
al., 1999). Ces toxines de type RTX sont généralement rencontrées chez des pathogènes où
elles ont un rôle important dans la virulence de ces bactéries vis à vis des cellules eucaryotes.
Une des toxines de type RTX les plus étudiées est l’hémolysine HlyA d’E. coli qui présente
une activité cytolytique contre diverses cellules eucaryotes (Stanley et al., 1998). Une toxine
de type RTX a également été mise en évidence chez Rhizobium leguminosarum et semble
impliquée dans la compétitivité pour la nodulation (Oresnik et al., 1999). Un nonapeptide
(L/I/F-X-G-G-X-G-N/D-D-X) caractéristique de ces protéines permet la liaison au calcium et
est nécessaire pour l’activité cytolytique (Baumann, 1994). Une région de dix acides aminés
(L/I/F-X-G-G-X-G-N/D-D-X-L/I) est ainsi retrouvée dix-neuf fois dans la protéine déduite de
l’ORF 5. Les gènes codant les toxines RTX sont généralement organisés en opéron dit
CABD, le gène A codant pour la toxine HlyA, le gène C codant pour une protéine
d’activation HlyC, et les gènes B et D codant respectivement les protéines HlyB et HlyD. Les
toxines RTX dépourvues de séquence signal sont transportées du cytoplasme à la surface
cellulaire par les protéines HlyB et HlyD impliquées dans un système de sécrétion de type I.
Les ORFs 3 et 4, homologues respectifs des gènes B et D présents sur la séquence du pR1.4,
pourraient donc coder les protéines permettant le transport de la protéine de type RTX codée
par l’ORF 5. Cependant, aucun ORF correspondant au gène C n’a été identifié dans cette
séquence ; mais un autre gène fonctionnel analogue au gène C pourrait être présent dans une
autre région du génome de TVV3. Dans le génome d’A. lipoferum 4B (séquençage en cours
d’achèvement au Génoscope), une région contenant les gènes B, D, et A organisés comme sur
le pR1.4 a été identifiée ; par contre, le gène C n’a pas été identifié ni à proximité de ces
gènes ni autre part dans le génome. Cette situation a également été observée chez
Burkholderia cenocepacia J2315, mais l’absence de gène homologue au gène C dans le
génome de cette bactérie ne semble pas empêcher la production d’une protéine de type RTX
active (Whitby et al., 2006). Le fait que les ORFs 2, 4 et 5 semblent organisés en opéron et
que l’ORF 5 soit exprimé chez TVV3 (Résultats RT-PCR § 3.2.) suggère la production d’une
protéine de type RTX active. Cependant, des études complémentaires devront être réalisées
afin de déterminer la fonction de cette toxine et l’identification de cibles potentielles.
Une région présentant des homologies avec des gènes de queues de phages, et
notamment avec les gènes de queue du bactériophage P2, a été mise en évidence en aval des
gènes alpR/alpI. L’organisation dite FETUD rencontrée notamment chez les bactériophages
de type P2, le phage VHML de Vibrio harveyi et le phage phi-CTX de Pseudomonas
aeruginosa, a également été identifiée chez A. lipoferum TVV3. Toutefois, le gène noté E’
(une extension du gène E après un décalage de la traduction en –1) n’a pas été mis en
évidence sur la région séquencée (Christie et al., 2002). Deux autres ORFs codant
potentiellement des protéines de queue de phage homologues à celles du phage P2 (GpI et
GpJ) ont été identifiées à l’extrémité de la séquence du pR1.4, en aval des gènes alpR/alpI, ce
qui suggère que la région entre l’ORF 12 et 25 fait partie d’un prophage. Le séquençage d’une
région située en amont de l’ORF 25 permettrait de déterminer une des bornes de ce prophage
putatif dans le génome de TVV3. A l’opposé, deux ORFs codant potentiellement des
régulateurs transcriptionnels phagiques sont positionnés en amont des gènes alp. La protéine
Ogr, potentiellement codée par l’ORF 7, est impliquée dans la transcription tardive des gènes
du bactériophage P2 d’E. coli alors que la protéine Ner, potentiellement codée par l’ORF 8,
est un répresseur transcriptionnel des gènes phagiques précoces chez le phage Mu d’E. coli
(Kukolj et al., 1989). La protéine Ner serait ainsi impliquée dans la régulation du passage du
cycle lysogénique au cycle lytique (Levin & DuBow, 1989). Le gène codant le régulateur Ogr
est directement situé en aval du gène D chez le phage P2, ce qui suggère que les ORFs 7 et 8
pourraient également faire partie du même prophage. De plus, l’ORF 7 pourrait constituer une
borne du prophage putatif car aucun autre ORF phagique n’a été identifié en aval de celui-ci.
Ces hypothèses impliquent donc que les gènes alpR et alpI feraient aussi partie intégrante de
ce prophage. La présence des gènes alpR/alpI dans un environnement constitué d’ORFs
phagiques suggère que ces gènes aient pu être acquis par la bactérie TVV3 par transfert
horizontal de gènes via transduction. Ce phage pourrait faire partie de la famille des
Myoviridae car l’ensemble des ORFs phagiques identifiés sur la séquence du pR1.4 sont
homologues à des gènes présents dans les génomes de phage de type P2 ou Mu appartenant à
la famille des Myoviridae.
Dans le document
Rôle du quorum-sensing et prévalence des bactériophages chez la bactérie phytostimulatrice Azospirillum
(Page 182-186)