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C. Transformation des mélanocytes : le mélanome 1. Définitions et épidemiologie

II. La protéine ββββ -caténine

A. Structure de ββββ-caténine

β-caténine est une protéine d’environ 88 kDa chez l’homme. La structure primaire de cette protéine consiste en : (i) une région N-terminale d’environ 130 acides aminés, région cruciale pour la régulation du niveau cytoplasmique de β-caténine, (ii) une région centrale de 550 acides aminés qui présente 12 répétitions du domaine ARM (Armadillo), assurant les interactions protéine-protéine et (iii) une région C-terminale de 100 acides aminés portant la fonction de transactivation (Fig.10).

 La partie N-terminale de β-caténine contient quatre résidus sérine et thréonine (Ser33, Ser37, Thr41 et Ser45 chez l’homme) hautement conservés entre les différentes espèces (Peifer et al., 1994). La kinase CK1α (Casein Kinase 1α) phosphoryle le résidu Ser45 (Liu et al., 2002). La sérine/thréonine kinase GSK-3 phosphoryle les résidus Thr41, Ser37 et Ser33 de manière séquentielle (Hagen and Vidal-Puig, 2002; van Noort et al., 2002). Les résidus Ser33 et Ser37 phosphorylés constituent le site de reconnaissance de β-caténine par la protéine β-Trcp, qui est un composant de la machinerie d’ubiquitination (Aberle et al., 1997; Kitagawa et al., 1999; Winston et al., 1999).Cette ubiquitination adresse β-caténine au protéasome pour sa dégradation (Aberle et al., 1997; Winston et al., 1999).

 La région centrale de β-caténine présente 12 répétitions du domaine Armadillo (ARM). Le domaine Armadillo est un type de motif répété de 42 acides aminés et replié en hélice α . Les différentes hélices sont elles-mêmes reliées par des boucles, ce qui confère à ce domaine une structure spatiale très allongée. Des mutants de délétion ont permis de montrer que la région de liaison de β-caténine aux cadhérines (Orsulic and Peifer, 1996),à APC (Hulsken et al., 1994), aux facteurs Lef/Tcf (Behrens et al., 1996), et à Mitf (Schepsky et al., 2006), entre autres, est localisée au niveau des domaines ARM (Fig10).

 La région C-terminale de β-caténine porte la fonction de transactivation requise pour l’activation des gènes par le complexe β-caténine/Tcf (van de Wetering et al., 1997).

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Figure 10. Structure de β-caténine et domaines d'interactions protéine/protéine.

Les 12 domaines Armadillo de la protéine β-caténine sont notés de 1 à 12. Les protéines interagissant avec β-caténine, ainsi que les domaines d'interaction sont indiqués par une ligne noire.

B. ββββ-caténine une protéine multifonctionnelle

β-caténine est présente dans les différents compartiments de la cellule et joue des rôles différents en fonction de sa localisation subcellulaire (Fig.11). Au niveau membranaire, β-caténine est impliquée dans l’adhérence cellulaire en reliant les cadhérines aux filaments d’actine. Au niveau cytoplasmique, elle intervient dans la voie de signalisation Wnt/β-caténine. Au niveau nucléaire, β-caténine agit comme facteur de transcription, en association avec les facteurs Lef/Tcf (Lymphoïd Enhancer Factor/T Cell Factor). Ce complexe est capable de réguler la transcription de différents types de gènes : (i) des gènes spécifiques du lignage mélanocytaire, comme Mitf-M (Takeda et al., 2000), (ii) des gènes dont l’expression est restreinte à certains lignages, comme Brn-2 , (Goodall et al., 2004) et (iii) des gènes ubiquitaires, comme c-myc ou Cycline D1, impliqués dans le cycle cellulaire (He et al., 1998a; Shtutman et al., 1999; Tetsu and McCormick, 1999).

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Figure 11. Multilocalisation et multifonctionnalité de β-caténine.

Les différentes fonctions de caténine dépendent de sa localisation subcellulaire. À la membrane, β-caténine est associée aux cadhérines et à α-caténine et est ainsi impliquée dans l'adhérence cellule-cellule. Dans le cytoplasme, elle est impliquée dans la voie Wnt, associée à GSK3β/Axine et APC. Dans le noyau, elle interagit avec les facteurs Lef/Tcf pour réguler la transcription de ses gènes cibles.

C. Régulation de la localisation subcellulaire de ββββ

-caténine par Wnt : la voie Wnt/ββββ-caténine

Plusieurs voies de signalisation sont activées par la famille des facteurs Wnt. Ces cascades de signalisation régulent de façon importante le devenir des cellules : la voie Wnt/Calcium régule l’adhésion cellulaire et la motilité, la voie PCP (Planar Cell Polarity) régule la polarité planaire et les mouvements morphogénétiques et la voie canonique (encore appelée voie Wnt/β-caténine) régule la prolifération cellulaire et la différencation.

En absence de ligand Wnt (Fig 12A), β-caténine est recrutée au sein d’un complexe de destruction contenant les protéines APC (Adenomatous Polyposis Coli), axine et

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GSK-3β sur les sérines et thréonines de la partie N-terminale de β-caténine. Cette phosphorylation entraîne l’ubiquitination et la dégradation de β-caténine par le protéasome. Dans le noyau, les gènes cibles de cette voie sont maintenus dans un état réprimé par les facteurs de transcription de la famille Lef/Tcf complexés à des co-répresseurs de la famille Groucho/TLE (Transducin-like enhancer of split) (Brantjes et al., 2001; Cavallo et al., 1998; Roose et al., 1998). Les protéines de cette famille sont des co-répresseurs transcriptionnels recrutant des histones désacétylases ou des histones sur les promoteurs des gènes cibles (Chen and Courey, 2000; Narlikar et al., 2002). Ainsi, en absence de Wnt, les niveaux cytoplasmique et nucléaire de β -caténine sont très faibles. β-caténine est associée aux cadhérines à la membrane plasmique, ce qui la protège de la dégradation. Les gènes cibles de β-caténine sont réprimés.

En présence de ligand Wnt (Fig 12B), un complexe se forme entre Wnt, le récepteur LRP5/6 (LDL-receptor-related proteins 5 and 6) et Frizzled (Fz) (He et al., 2004). Ce complexe recrute les protéines Dishevelled (Dsh ou Dvl) et axine à la membrane (Bilic et al., 2007). Le récepteur LRP5/6 est alors phosphorylé par la CK1γ (Casein kinase 1γ). Cette phosphorylation active le récepteur LRP6. La séquestration de l'axine à la membrane inhibe l'interaction entre l'axine et GSK-3β (He et al., 2004). GSK-3 est phosphorylée par Dsh. GSK-3 inactive n'est plus capable de phosphoryler β-caténine. Il en résulte une accumulation de β-caténine dans le cytoplasme et par conséquent une augmentation du temps de demi-vie de β-caténine. Au-delà d’un certain niveau dans le cytoplasme, β-caténine est transloquée dans le noyau où elle interagit avec les facteurs Lef/Tcf pour activer la transcription de ses gènes cibles.

D. Gènes cibles de β-caténine dans le lignage

mélanocytaire

De nombreux gènes sont connus pour être des cibles de LEF/β-caténine (environ 70). Cependant, dans le lignage mélanocytaire, les gènes Mitf-M, Brn-2, Dct

(Dopachrome tautomérase) et Nr-CAM (Neuronal Cell Adhesion Molecule) sont

particulièrement importants.

L'enzyme Dct intervient dans la synthèse de la mélanine. C'est un marqueur précoce des mélanoblastes puisqu'il s'exprime à partir de E10,5 (Hou et al., 2000). Ce gène a

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été identifié comme une cible de Lef/β-caténine par une analyse de puces à ADN (Conacci-Sorrell et al., 2002).

Nr-CAM est très fortement exprimée dans les cellules de mélanomes et pourrait jouer un rôle dans l'initiation de la prolifération cellulaire et la migration.

Mitf est un facteur de transcription dont il existe plusieurs isoformes. L’isoforme M-Mitf est exprimée uniquement dans le lignage mélanocytaire. Cette isoforme est capable de réguler des gènes contrôlant deux mécanismes antagonistes : la différenciation et la prolifération cellulaire des mélanoblastes (Denat, 2007). Enfin, Brn-2 est un facteur de transcription qui appartient à la famille des protéines à domaine POU (Pit-1, Oct-1, Unc-86) qui est un domaine de liaison à l’ADN. Ce facteur a été décrit pour la première fois dans le lignage mélanocytaire comme une protéine se liant à une séquence particulière exprimée dans toutes les lignées de mélanomes malins humains testés (Cox et al., 1988). De plus, plusieurs études montrent que Brn-2 est nécessaire au maintien du phénotype mélanocytaire (Thomson et al., 1995) Enfin, Brn-2 est associé à la prolifération et à la transformation des cellules en mélanome (Thomson et al., 1995).

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Figure 12. La voie Wnt/β-caténine.

(A) En absence de ligand Wnt, β-caténine est dégradée et les gènes cibles sont maintenus silencieux. (B) En présence de Wnt actif, GSK3 est inhibée et la dégradation de β-caténine est diminuée. Le complexe Tcf/β-caténine active les gènes cibles de la voie. APC, Adenomatous Polyposis Coli ; β-cat,

β-caténine ; CBP, Creb-binding protein ; CK, Casein Kinase; DKK, Dickkopf ; DSH, Dishevelled ;

GBP, GSK3-binding protein ; GSK, Glycogen Synthase Kinase ; LRP, LDL receptor-related protein ; sFRP, secreted Frizzled-related protein; Tcf, T-cell factor.

E. Rôle de ββββ-caténine dans la prolifération cellulaire et

l’apoptose

Différentes expériences génétiques de perte et gain de fonction ont révélé le rôle de

β-caténine dans de nombreux processus cellulaires comme la détermination, la prolifération cellulaire et l’apoptose.

1. ββββ-caténine et prolifération

Au cours du développement, Lin et collaborateurs ont montré que β-caténine est impliquée de façon primordiale dans la prolifération et la survie des progéniteurs cardiovasculaires via la régulation du facteur de transcription Islet1 chez la souris (Lin et al., 2007). Dans les cellules de carcinomes du côlon, Tetsu et collaborateurs ont montré que β-caténine active la transcription du proto-oncogène cycline D1

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l’expression de l’oncogène C-Myc est activée par β-caténine dans des cellules de cancer colorectal (He et al., 1998b). Il existe également des cibles moins ubiquitaires de β-caténine impliquées dans la prolifération. Il a été démontré in vitro que l’expresion de Brn-2 - qui est un facteur de transcription restreint au lignage mélanocytaire - est régulée par β-caténine et contrôle la prolifération dans les cellules de mélanomes (Goodall et al., 2004). Enfin, Carreira et collaborateurs ont montré que la protéine M-Mitf – qui est un facteur de transcription spécifique des mélanocytes dont l’expression est régulée par β-caténine – régule la progression du cycle cellulaire à travers la régulation de p21 et de p27 (Carreira et al., 2005; Carreira et al., 2006).

2. ββββ-caténine et apoptose

Ces dernières années, des études ont mis en lumière les liens entre β-caténine et apoptose. Brault et collaborateurs ont observé qu’en inactivant spécifiquement β -caténine dans la région d’expression de Wnt-1, la quantité de CCN apoptotiques est augmentée dès E9 (Brault et al., 2001). Nishimura et collaborateurs ont montré que dans les cellules souches mélanocytaires, la perte de Bcl2 -qui est une cible transcriptionnelle indirecte de β-caténine- entraîne une apoptose sélective excluant les mélanocytes différenciés (Nishimura et al., 2005). Enfin des travaux récents ont montré qu’une inactivation de la protéine de liaison à l’ARN CRD-BP (Coding Region Determinant-Binding Protein) -qui est une cible transcriptionnelle de β -caténine- résulte en une induction de l’apoptose (Elcheva et al., 2008)

F. Rôle de ββββ-caténine dans le lignage mélanocytaire

1. Rôle de β-caténine dans le développement normal

des mélanocytes

β-caténine est impliquée dans de nombreux évènements au cours du développement, notamment la formation des mélanocytes. Les facteurs Wnt impliqués dans le lignage mélanocytaire sont Wnt-1 et Wnt-3a. Ces deux facteurs sont impliqués dans la détermination des cellules dérivées de la partie dorsale du tube neural et le devenir des mélanocytes. En effet, Ikeya et collaborateurs ont montré que les souris déficientes en facteurs wnt 1 et wnt 3a n’ont pas de mélanoblastes (Dunn et al., 2000;

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mélanocytes durant le développement (Butz and Larue, 1995). Des expériences de perte et de gain de fonction, dans de nombreuses espèces, ont permis de montrer que β-caténine est directement impliquée dans la détermination des mélanoblastes. En effet, chez le poisson-zèbre, la surexpression de β-caténine dans les cellules de la crête neurale avant leur migration induit la formation de cellules pigmentaires (Dorsky et al., 2000). Chez la souris, il a été montré que la perte de fonction conditionnelle de β-caténine dans les cellules de la crête neurale mène à une absence totale de mélanoblatses. (Hari et al., 2002).

a. Rôle de β-caténine dans les cellules souches mélanocytaires

La voie Wnt/β-caténine joue un rôle crucial à la fois dans le maintien des cellules souches mélanocytaires dans un état non différencié et le démarrage de leur programme de différenciation en mélanocytes. En effet, le devenir des cellules souches mélanocytaires est régulé par l'interaction entre Wnt et différents facteurs de transcription (Lang et al., 2005; Sommer, 2005). En absence de Wnt, Pax3 se lie aux facteurs Lef/Tcf et recrute le co-répresseur Groucho à l'ADN. Ainsi, Pax3 réprime l'expression du gène Dct et les cellules souches restent dans un état non différencié. En présence de Wnt, l'activation de β-caténine abolit la répression du promoteur du gène Dct médiée par Pax3 et Mitf prend la place de Pax3 sur le promoteur. Ainsi, l'expression du gène Dct est activée et les cellules souches commencent leur différenciation.

2. Rôle de β-caténine dans le développement

pathologique des mélanocytes

β-caténine est impliquée dans le développement pathologique des mélanocytes. Le rôle de β-caténine dans les mélanomes a été suggéré pour la première fois en 1996 par l'identification d'une forme mutée de β-caténine comme étant un antigène spécifique des mélanomes reconnus par des lymphocytes infiltrés dans la tumeur (Robbins et al., 1996). La découverte d'une surexpression de β-caténine dans environ 27% de lignées de mélanome a confirmé le rôle majeur joué par la voie Wnt/β-caténine dans les mélanomes (Rubinfeld et al., 1997). D'autres études confirment que β-caténine est retrouvée fréquemment dans le cytoplasme ou le noyau des

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montre que 9 lignées de mélanome sur 107 (soit 8,5%) présentent une mutation du gène β-caténine (Rubinfeld et al., 1997) alors que 7 mélanomes in vivo sur 210 (soit 3,3%) présentent de telles mutations (Demunter et al., 2002; Larue and Delmas, 2006; Reifenberger et al., 2002; Rimm et al., 1999). De ces résultats, nous pouvons tirer deux conclusions.

D'une part, les mutations de β-caténine retrouvées dans les mélanomes ne peuvent pas expliquer les 27% d'activation anormale de la voie Wnt/β-caténine. D'autres protéines liées à cette voie sont donc impliquées. L'expression de DKK1, DKK2 et DKK3 est diminuée dans de nombreux mélanomes (Kuphal et al., 2004). Une mutation de APC produisant une protéine tronquée a été retrouvée dans 1 lignée de mélanome humain sur 40 (Worm et al., 2004). Une mutation de APC a été retrouvée dans 1 mélanome sur 37 (Reifenberger et al., 2002). Des mutations de ICAT ont été retrouvées dans 1 mélanome sur 37 (Reifenberger et al., 2002). L'expression de ICAT est diminuée de 2 à 5 fois dans 28 mélanomes sur 36. Enfin, l'expression de LEF1 est augmentée dans certaines lignées de mélanomes (Henderson et al., 2002; Murakami et al., 2001). Cependant, ces résultats ne suffisent pas à expliquer les 27% d'activation anormale de la voie Wnt dans les mélanomes et d'autres protéines sont nécessairement impliquées.

D'autre part, la fréquence de mutation de β-caténine est plus importante dans les mélanomes in vitro que dans les mélanomes in vivo. Deux hypothèses peuvent expliquer ces chiffres: (i) soit les mutations de β-caténine surviennent de façon stochastique dans les cellules de mélanome en culture et procurent un avantage prolifératif à la cellule qui est ainsi sélectionnée au cours de la culture ; (ii) soit les mutations de β-caténine sont présentes dans la tumeur primaire et favorisent l'immortalisation et donc la mise en culture des cellules portant la mutation (Larue and Delmas, 2006).

Les conséquences de l'activation de β-caténine dans les mélanocytes ne sont pas encore connues. Cependant, il a été montré que l'expression ectopique de β-caténine dans des lignées de mélanomes n'exprimant pas de β-caténine nucléaire endogène induit la prolifération de ces cellules, ainsi que leur croissance clonale (Widlund and Fisher, 2003).

Introduction –problématique

III. Problématique : pourquoi étudier le rôle de ββββ

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