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Encore de la prospection pour la plupart des métiers, mais exercée souvent de façon plus

RATIONALISÉE

Incontestablement, la prospection continue à être présentée, la plupart du temps, comme une dimension importante du métier de commercial. Par prospection, entendons ici l’action de démarchage consistant pour le commercial à susciter l’intérêt de prospects ou de clients potentiels envers ses produits et/ou services ou plus généralement à l’égard de son entreprise, via l’obtention de rendez-vous ou l’engagement d’un échange direct à leur domicile (pour des particuliers), au sein de leurs locaux (pour des professionnels) ou lors de manifestations commerciales (salons, foires…).

La prospection conditionne encore à présent en grande partie ce qui est attendu en général d’un commercial, à savoir le développement de ses ventes, de leur niveau de rentabilité, de son portefeuille-clients. Elle incarne typiquement l’idée d’une vente « proactive » ou allant à la rencontre du client, chez lui, sur son lieu de travail ou même a priori quel que soit le lieu où il se trouve. Elle s’opère sur un secteur géographique déterminé, ou bien, ce qui est plus rare, sur un segment de marché spécifique.

1.1. Les « call centers » sont loin de faire disparaître la prospection parmi les attributions du commercial

S’il entraîne des changements importants, le développement de la télévente ne fait pas pour autant disparaître le travail de prospection de la plupart des commerciaux. Certes, certaines entreprises recourent aujourd’hui à des services de téléprospecteurs chargés de démarcher au téléphone des clients potentiels et de prendre directement des rendez-vous pour les commerciaux, davantage recentrés pour le coup sur leurs activités de vente et de négociation. Mais ces « call centers » ou centres de relation client – internalisés ou externalisés – semblent rarement les écarter de toute activité de prospection.

Bien souvent, ces entités pratiquent une sorte de pré-prospection. Celle-ci consiste, au mieux, à faire admettre auprès des prospects appelés le principe d’un rendez-vous avec un commercial à venir et à confirmer quand ce dernier les contactera à nouveau, et au moins à les « qualifier », c’est-à-dire, dans le langage commercial, à mieux les connaître et les identifier au sein du fichier clients/prospects. On parle alors d’un travail de « défrichage », utile à la prospection et à sa rationalisation (notamment pour éviter les déplacements inutiles et coûteux) mais encore loin de l’envelopper intégralement.

D’ailleurs, cette pré-prospection ne signifie pas forcément que le commercial renonce à toute prospection effectuée indépendamment de pareille intervention en amont. On a pu s’en apercevoir, par exemple, au sein d’une filiale de vente automobile d’un constructeur. Les « conseillers commerciaux – secteur » prospectent aussi bien de façon autonome qu’à partir de liste de particuliers ayant été démarchés au préalable par un centre de relation client externe. Il faut dire que ce passage par le biais de ce centre de relation client n’est guère jugé très efficace.

Il est même des entreprises, ayant à un moment donné supprimé totalement leur force de vente traditionnelle pour des centres de relation client, qui en viennent aujourd’hui à remettre en cause ce type d’organisation. Elles recréent alors des postes de commercial terrain ou itinérant, avec en particulier des missions en matière de prospection. Citons l’exemple emblématique d’une entreprise spécialisée dans la distribution et la livraison à domicile de produits surgelés. Après avoir fonctionné exclusivement avec des téléprospecteurs, rattachés à une plateforme interne et à un centre de relation client externe, elle a décidé récemment de réinventer un emploi de « commercial terrain » ayant vocation à prospecter, c’est-à-dire dans ce cas à démarcher des prospects à leur domicile et leur faire prendre une première commande en vue de leur faire expérimenter et apprécier le service de l’entreprise, et de les fidéliser à terme. Cette réinvention ne remet pas en cause le recours aux

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téléprospecteurs, qui perdure. Mais elle se justifie par les limites de leur action. En particulier, elle est conçue comme une façon de pallier le problème croissant que représente l’accès aux numéros de téléphone des particuliers, à l’ère des téléphones portables et des numéros cachés. De même, elle est censée répondre à l’agacement provoqué par l’inflation des appels téléphoniques à caractère commercial au sein de toute une partie de la population.

1.2. La planification et l’organisation de la prospection apparaissent davantage optimisées

Selon les matériaux étudiés et les interviews réalisés, la prospection du commercial reste d’abord une affaire de préparation. On entend par là même montrer le sérieux et le professionnalisme de la prospection, celle-ci étant supposée ne pas s’improviser. Une telle représentation n’est pas nouvelle : elle renvoie aux tâches dites d’« élaboration d’un projet de prospection » et d’« organisation d’une opération de prospection », énoncées au sein du référentiel du bac pro Vente.

La planification revient surtout à cibler la clientèle potentielle. Il faut « être capable de sélectionner des prospects plus chauds que d’autres » (responsable de l’observatoire des Dirigeants Commerciaux de France). Dans le domaine du commerce interentreprises, il importe aussi d’identifier les bons interlocuteurs au sein des structures a priori ciblées, quand cette identification s’avère possible à ce stade. L’organisation de la prospection consiste quant à elle à faire des choix en matière de modalités d’action (prospection téléphonique, prospection par courrier, prospection physique sans rendez-vous préalable) et à s’aménager dans l’emploi du temps des moments ou des occasions pour sa réalisation.

Ce travail de préparation peut aller jusqu’à donner lieu à la rédaction d’un « plan d’actions commerciales » (PAC) par le titulaire d’emploi lui-même, en interaction avec son supérieur hiérarchique. Toutefois, cette pratique se limite en général aux grandes entreprises, positionnées de surcroît sur des marchés « one to one » ou orientés clients, fondés avant tout sur les critères de qualité et de service, et où le rôle du commercial est reconnu comme crucial. Au sein des grandes entreprises qui restent cantonnées à des marchés de masse et des logiques de prix, les circuits de visites et les modalités de prospection (notamment les objectifs à atteindre) sont souvent imposés. Quant aux commerciaux des petites entreprises, ils procèdent rarement à une formalisation écrite de leur projet de prospection, bien qu’ils bénéficient en général d’une autonomie plus importante.

En termes d’évolution, on assiste surtout à une utilisation croissante de bases de données (outils type CRM) pour cibler au mieux les prospects. L’enjeu est d’optimiser la prospection, en lui procurant a priori le maximum de chances de réussite. Il s’agit de limiter les déplacements inutiles en voiture, surtout dans une optique de réalisation d’économies et de gains de productivité, mais aussi, dans une moindre mesure, dans une perspective écoresponsable (limitation de la pollution). L’intention est donc de rationaliser davantage l’activité de prospection. Bien sûr, elle s’avère plus ou moins vérifiée selon les entreprises et les métiers. Par exemple, toutes les firmes ne possèdent pas encore un outil CRM, et ne peuvent donc approfondir ce projet de rationalisation.

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1.3. La prospection en action se technicise en partie

On se situe à présent dans la réalisation, sur le terrain ou « sur la route », de l’activité de prospection, appréhendée actuellement par le référentiel du bac pro Vente sous la forme de l’activité intitulée

« réalisation d’une opération de prospection ».

Toutes les modalités classiques de prospection persistent : prospection téléphonique (« phoning »), par courrier (« mailing »), physique (porte-à-porte). Toutefois, si la prospection physique reste pratiquée (c’est par exemple la façon par laquelle un commercial d’une PME spécialisée dans la vente d’imprimantes et de photocopieuses opère de manière dominante), elle semble continuer à régresser au profit des autres modes de prospection.

La prospection prend des formes très spécifiques dans certains secteurs. Par exemple, au sein de l’immobilier, la prospection peut être considérée comme double, au regard du rôle intermédiaire joué par l’agent immobilier « transacteur ». D’une part, celui-ci cherche à dénicher de nouveaux clients désirant vendre ou louer un bien immobilier. Pour ce faire, il multiplie les visites et les mailings, prospecte au téléphone, se renseigne, « enquête » auprès de personnes résidant dans son secteur (comme ces « indicateurs » de premier choix que sont les concierges dans les villes). Sa technique d’accroche : proposer aux prospects des évaluations gratuites de leur bien. Son objectif à ce niveau : faire signer à des propriétaires des mandats de vente ou de location. Son souhait minimal : établir le contact et la confiance avec ces propriétaires afin qu’ils pensent à lui quand ils voudront, demain, vendre ou louer leur bien. D’autre part, l’agent ou négociateur immobilier recherche des acheteurs ou des locataires potentiels : promotion de l’appartement ou de la villa à vendre ou à louer, publication d’annonces et contacts directs en puisant dans le fichier clients.

Autre exemple particulier : la vente directe à domicile, notamment quand elle est exercée via la technique de la réunion et le statut indépendant de VDI (Vendeur Direct Indépendant). Dans ce cas, les VDI commencent à prospecter parmi leur entourage, puis étendent leur champ d’intervention en comptant sur le bouche-à-oreille pratiquée par les personnes qui participent aux réunions en tant que clientes potentielles et par celles qui acceptent d’organiser ces réunions chez elles (i.e. les « hôtes » ou de fait plus fréquemment les « hôtesses »). Cette extension est du reste capitale pour développer et pérenniser l’activité. La capacité à prospecter de cette façon et à remplir ainsi convenablement un agenda conditionne en effet la construction d’une « carrière » durable en tant que VDI. Cela a par exemple été vérifié au sein d’une entreprise de vente directe d’accessoires de mode.

Globalement, le « savoir prospecter » est présentée comme une dimension importante de la professionnalité du commercial. Il suppose des capacités d’expression écrite ou orale, des facultés de présentation de soi, d’élocution ou de langage. Dans le domaine du B to B, où la prospection téléphonique joue un rôle souvent prépondérant, le commercial doit se débrouiller pour franchir le barrage des hôtesses d’accueil et des secrétaires, et parvenir à toucher les bons interlocuteurs, ou au moins ceux qui sont susceptibles de peser sur les décisions d’achat. Il y a tout un art, toute une

« technique » qui existe alors en la matière.

Bien entendu, la prospection n’a jamais rien d’évident. Le risque d’échouer, de se voir refoulé par les prospects est grand. Les « taux de transformation » (appels téléphoniques, courriers envoyés ou visites impromptues réussis par rapport à l’ensemble des tentatives opérées) sont souvent limités. « La prospection, c’est ce qui est le plus difficile dans le métier, surtout en période de crise, comme en ce moment », affirme un VRP travaillant pour une filiale d’un groupe spécialisée dans la fabrication et la

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commercialisation d’échafaudages et de matériels pour le BTP. La prospection est particulièrement difficile dans les secteurs hautement concurrentiels, où il n’est pas aisé de se différencier et de faire admettre cette différenciation sur le marché. La pression concurrentielle se faisant plus forte un peu partout, l’activité de prospection a donc tendance à se durcir de façon générale.

Pour faire de la prospection avec efficacité, il importe donc de faire preuve plus que jamais de certains comportements ou traits de caractère. Non seulement le commercial se doit de se montrer disponible pour optimiser ses chances d’entrer en contact avec des prospects (en acceptant de travailler en horaires décalés, parfois même en fin de semaine), mais il doit aussi savoir manifester en permanence de la « volonté » et faire montre d’obstination, dans un contexte où le risque d’essuyer une grosse part d’échecs dans les tentatives de décrocher des rendez-vous ou d’intéresser a priori des prospects est la plupart du temps très important. La capacité à résister à la pression et au stress engendrés par ce risque est de fait d’autant plus déterminante dans les situations où le commercial est challengé sur le nombre de nouveaux clients amenés ou de nouveaux comptes ouverts (avec un effet direct sur sa rémunération variable).

Là encore, c’est la dimension technique qui est en priorité à mettre en évidence en termes de transformations. Dans une certaine mesure, la prospection se technicise. Le courrier électronique et les SMS tendent à se développer aux dépens des formes de publipostage traditionnelles, notamment à base de courriers anonymes. Internet est parfois utilisé aujourd’hui comme un moyen de repérer et d’attirer d’éventuels clients : on peut citer l’exemple des particuliers laissant leurs coordonnées sur des sites de concessionnaires automobiles pour recevoir de la documentation sur un véhicule déterminé, et pouvant ainsi être contactés ensuite par un commercial. Toute cette technicisation renforce ainsi l’avant-vente, la partie « marketing » ou plutôt à présent « e-marketing » de l’action du commercial.

Autres éléments participant à la technicisation de la prospection : la diffusion des outils dits de géolocalisation/géomarketing et l’usage des réseaux sociaux sur Internet comme nouveau moyen de prospection. La géolocalisation permet de positionner en temps réel le commercial au sein de son secteur. Le géomarketing autorise une gestion optimisée des visites de prospection sur un territoire donné, à l’appui d’un logiciel dédié. De plus en plus mis au service de la prospection commerciale, les réseaux sociaux (personnels ou professionnels) visent à toucher autrement la clientèle potentielle : on trouve ainsi par exemple des attachés commerciaux du secteur automobile qui s’affichent comme des fans de la marque pour laquelle ils travaillent et participent à des « tchatches » ou à des blogs spécialisés, avec la ferme intention d’attirer vers eux de nouveaux prospects.

2. UNE FONCTION CENTRALE DE NEGOCIATION QUI TEND