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Chapitre 2 Revue de litt´ erature

2.1 Polym` eres semiconducteurs

2.1.1 Propri´ et´ es g´ eom´ etriques

La microstructure des polym`eres semiconducteurs a un impact important sur leur structure ´electro- nique qui dicte les caract´eristiques du transport de charge ainsi que celles des spectres d’absorption et d’´emission. Les interactions intrachaˆınes et interchaˆınes r´egissent l’ordre et la configuration des polym`eres π-conjugu´es `a l’´echelle du nanom`etre, alors que le processus d’autoassemblage, modul´e par de nombreux facteurs intrins`eques et extrins`eques aux polym`eres, r´egit leur ordre `a plus grande ´echelle.[48] La microstructure des polym`eres π-conjugu´es est donc un param`etre de premi`ere importance `a consid´erer lors de la conception et de la fabrication de dispositifs ´electroniques organiques.

De fa¸con g´en´erale, les polym`eres π-conjugu´es en solution sont d´epos´es en couches minces sur un substrat.[18] La microstructure de chaque polym`ere π-conjugu´e `a l’´etat solide d´epend donc des param`etres de d´epˆot utilis´es.[49, 50] Pour certains polym`eres π-conjugu´es, les couches minces ordonn´ees sont obtenues en utilisant des techniques de fabrication telles que le d´epˆot suivit de l’´etirement du substrat [51] et le d´epˆot de Langmuir-Blodgett.[52] Avec ces techniques, les chaˆınes principales des polym`eres sont align´ees de fa¸con m´ecanique dans une direction pr´ef´erentielle, soit la direction de l’´etirement ou la direction du trempage du substrat. Pour d’autres polym`eres, les couches minces ordonn´ees sont obtenues en laissant les polym`eres s’autoassembler en agr´egats par l’empilement π des chaˆınes principales. La structure m´esoscopique de ces couches minces est alors compos´ee de domaines cristallins inclus dans une matrice amorphe du polym`ere.

L’autoassemblage des polym`eres π-conjugu´es est influenc´e par l’encombrement st´erique [49, 53] et les liaisons hydrog`enes entre les groupements lat´eraux des chaˆınes.[54–56] De plus, la masse mol´eculaire des polym`eres d´epos´es influence le degr´e de cristallinit´e des couches minces,[57] les caract´eristiques de l’empilement π [58, 59] ainsi que l’orientation des domaines cristallins par rapport au substrat et par rapport aux autres domaines cristallins.[60] Les param`etres des d´epˆots, tels que le choix du solvant, la concentration du polym`ere et le temps de s´echage, modulent aussi la microstructure des couches minces.[61] Par exemple, un solvant poss´edant une haute temp´erature d’´ebullition et un temps de s´echage ´elev´e m`ene `a des syst`emes `a haut degr´e de cristallinit´e.[41, 43] Finalement, le recuit des couches minces suite au d´epˆot permet d’augmenter l’autoassemblage et conduit `a une orientation plus uniforme des domaines cristallins.[62, 63] ´Etant donn´e la grande vari´et´e de microstructures possible pour les polym`eres semiconducteurs `a l’´etat solide,[49] ainsi que la grande vari´et´e de param`etres de fabrication, seul le cas du P3HT est approfondi ci-dessous. Le P3HT est compos´e d’une chaˆıne principale rigide π-conjugu´ee de polythioph`ene (PT) sur la- quelle des chaˆınes lat´erales d’alkyles, chacune form´ee de six atomes de carbone, sont ajout´ees. Ces chaˆınes lat´erales d’alkyles sont greff´ees `a la chaˆıne du polythioph`ene, soit de fa¸con al´eatoire pour former du P3HT r´egio-al´eatoire (raP3HT), ou de fa¸con r´eguli`ere pour former du P3HT r´egior´egulier

(rrP3HT).1 Les chaˆınes lat´erales d’alkyles sont utilis´ees afin de rendre le P3HT plus soluble dans les solvants organiques communs, ce qui facilite le d´epˆot de couches minces.[64, 65] La figure 2.1 (a) sch´ematise la structure r´egior´eguli`ere du P3HT.

Le P3HT est un polym`ere pouvant s’autoassembler dans les couches minces en microdomaines cristallins bidimensionnels par l’empilement π de ces chaˆınes conjugu´ees, tel qu’illustr´e `a la figure 2.1 (b). Un choix judicieux des param`etres de d´epˆots permet d’optimiser la taille et l’orientation des domaines cristallins inclus dans la matrice amorphe. De fa¸con g´en´erale, l’ordre est recherch´e dans les couches minces de P3HT afin d’am´eliorer les propri´et´es d’absorption optique et de transport de charge.[32] L’influence de l’ordre sur ces propri´et´es est d´etaill´ee dans la section suivante.

S S n (a) (b) S S S S S S

Figure 2.1 (a) Structure du rrP3HT. (b) Sch´ema de l’empilement du rrP3HT.

Tout d’abord, un haut degr´e de r´egior´egularit´e est requis pour que les chaˆınes de P3HT s’autoas- semblent en domaines cristallins.[66–68] En effet, la r´epulsion st´erique entre les chaˆınes lat´erales d’alkyles qui sont positionn´ees de fa¸con al´eatoire dans le raP3HT force la torsion des chaˆınes prin- cipales et empˆeche l’autoassemblage cristallin du polym`ere. De plus, en augmentant le degr´e de r´egior´egularit´e, la distance moyenne entre les chaˆınes principales dans la direction de l’empilement π est r´eduite.[32] Dans certaines conditions, l’orientation des domaines cristallins par rapport au substrat d´epend aussi de la r´egior´egularit´e. En effet, pour des couches minces de P3HT d´epos´ees sur un substrat de SiO2/Si, la direction des chaˆınes lat´erales d’alkyles est perpendiculaire au sub-

strat lorsque le polym`ere est r´egior´egulier `a 96 %, alors que la direction de l’empilement π s’aligne perpendiculairement au substrat lorsque la r´egior´egularit´e descend `a 81 %.[31] De plus, l’orienta- tion de l’empilement π par rapport au substrat d´epend aussi de la vitesse de trempage du substrat ou de rotation de la tournette. Les basses vitesses favorisent les chaˆınes lat´erales `a ˆetre perpendi- culaires au substrat alors que les hautes vitesses favorisent la direction de l’empilement π `a ˆetre

1. Il existe diff´erents types de couplage possibles entre les chaˆınes lat´erales d’alkyles dans le P3HT r´egior´egulier. Dans ce texte, le terme rrP3HT fait r´ef´erence au P3HT r´egior´egulier dont les chaˆınes lat´erales ont un couplage tˆete `

perpendiculaire au substrat.[69] La volatilit´e du solvant, combin´ee `a la m´ethode de d´eposition utilis´ee, influence le degr´e de cristallinit´e des couches minces. En effet, un d´epˆot par trempage doit utiliser un solvant `a haute volatilit´e pour obtenir une couche mince de haute cristallinit´e, alors qu’une d´eposition par la m´ethode de la tournette doit utiliser un solvant de basse volatilit´e pour obtenir une couche mince de cristallinit´e similaire.[70] Le degr´e de cristallinit´e des couches minces de rrP3HT peut aussi ˆetre augment´e suite au d´epˆot en effectuant un recuit de quelques minutes des syst`emes `a des temp´eratures sup´erieures `a 100◦C.[41, 71]

Aussi, la modulation de la masse mol´eculaire des chaˆınes de rrP3HT composant les couches minces met l’emphase sur la nature polymorphique du rrP3HT `a l’´etat solide. Les masses mol´eculaires des polym`eres sont g´en´eralement d´efinies en kilo dalton (kDa), o`u 1 kDa = 1 kg/mol. En effet, pour des chaˆınes de masses mol´eculaires moyennes `a ´elev´ees, c’est-`a-dire allant de 14 kDa `a 180 kDa, une phase contenant deux chaˆınes de rrP3HT par cellule de base dans la direction de l’empilement π est observ´ee tandis qu’une phase contenant une seule chaˆıne de rrP3HT par cellule de base est obtenue pour des chaˆınes de faible masse mol´eculaire ´evalu´ee `a 3 kDa.[58] Il est `a noter qu’un haut degr´e d’ordre ne correspond pas automatiquement `a de hautes valeurs de mobilit´es. Le rrP3HT de faible masse mol´eculaire forme des couches minces hautement cristallines compos´ees de domaines cristallins ´etendus en comparaison avec les couches minces form´ees de rrP3HT de haute masse mol´eculaire.[72] Cette situation est clairement illustr´ee `a la figure 2.2 qui compare les spectres de diffraction de rayons X (XRD) et les images obtenues par microscopie `a force atomique (AFM) de deux couches minces de rrP3HT ayant des masses mol´eculaires diff´erentes. Cependant, malgr´e la plus faible cristallinit´e des couches minces form´ees de rrP3HT de haute masse mol´eculaire, les plus longues chaˆınes de polym`ere dans ces syst`emes peuvent chevaucher plusieurs domaines cristallins, am´eliorant ainsi la mobilit´e des porteurs de charge.[71]

Il existe de nombreuses techniques exp´erimentales pour ´etudier la structure cristalline du rrP3HT, telle que la XRD et la diffraction d’´electrons d’une r´egion s´electionn´ee (SAED). En raison des nombreux param`etres d´efinissant la g´eom´etrie ainsi que de la nature m´esomorphe des couches minces de rrP3HT, une description pr´ecise de l’empilement des chaˆınes et de la structure cristalline tridimensionnelle de ce polym`ere n’est pas encore ´etablie. Les caract´eristiques de la structure cristalline du rrP3HT, d´efinie par la cellule de base et par l’ensemble des param`etres internes `a cette cellule, semblent toutefois s’´etablir. Tout d’abord, la cellule cristalline de base est d´efinie par les vecteurs a, b et c qui sont respectivement dans la direction des chaˆınes lat´erales d’alkyles, la direction de l’empilement des orbitales π et la direction des chaˆınes π-conjugu´ees. Cette cellule est orthorhombique [73, 74] ou monoclinique [57] avec un angle γ, l’angle entre les vecteurs a et b, `a quelques degr´es d’un angle droit. De plus, chaque cellule de base contient deux chaˆınes de polym`ere dans la direction de l’empilement π.

(a) (b)

Figure 2.2 Spectre XRD et images AFM de deux couches minces de rrP3HT ayant des masses mol´eculaires de 3,2 kDa et 33,8 kDa. Figure adapt´ee avec permission.[72] (a) Les pics du spectre XRD sont plus intenses pour le rrP3HT de 3,2 kDa que pour celui de 33,8 kDa. (b) Images AFM de phase en mode modulation d’amplitude. Le rrP3HT de 3,2 kDa forme des domaines cristallins plus ´etendus que le rrP3HT de 33,8 kDa.

Les diff´erents param`etres internes, illustr´es `a la figure 2.3, sont les suivants : θ1 est l’angle entre

le vecteur a et la projection de la chaˆıne principale le long du vecteur c ; θ2 est l’angle entre

le vecteur a et la projection des chaˆınes lat´erales d’alkyles le long du vecteur c ; θ3 est l’angle

entre le vecteur a et la projection des chaˆınes lat´erales d’alkyles le long du vecteur b ; θ4 est

l’angle de torsion des chaˆınes lat´erales d’alkyles autour du lien σ liant le thioph`ene `a sa chaˆıne lat´erale d’alkyle ; δc est l’´ecart dans la direction c entre deux chaˆınes principales adjacentes dans la

direction de l’empilement π. Les param`etres obtenus par les diff´erentes techniques exp´erimentales et computationnelles sont r´esum´es au tableau 2.1. Malgr´e que le tableau 2.1 ne pr´esente aucune valeur pour le param`etre θ2, cet angle est non nul tel que sch´ematis´e dans les articles de Prosa et

al.,[73] Tashiro et al.[74] et Northrup.[75]

Tableau 2.1 Param`etres de la cellule de base du rrP3HT cristallin.

Technique a b c γ θ1 θ2 θ3 θ4 δc

(˚A) (˚A) (˚A) (deg.) (deg.) (deg.) (deg.) (deg.) (kck)

XRD (Exp.) [73] 16,80 7,66 7,70 90,0 5 – 15 89 0,5

XRD (Exp.) [74] 16,63 7,75 7,77 90,0 – – – – 0,5

SAED (Exp.) [57] 16,00 7,80 7,80 93,5 – – – – –

a b θ1 θ2 γ S S θ4 θ4 a c S S a c S S δc θ3

Figure 2.3 Sch´ema de la structure cristalline du rrP3HT. Les vecteurs a, b et c sont respectivement les directions des chaˆınes lat´erales d’alkyles, de l’empilement des orbitales π et des chaˆınes π- conjugu´ees. Les param`etres θ1, θ2, θ3, θ4 et δc d´ecrivent la structure interne `a la cellule de base du

rrP3HT cristallin.