• Aucun résultat trouvé

1.2 Propri´ et´ es des cristaux semiconducteurs de nitrures d’´ el´ ements III

1.2.3 Propri´ et´ es ´ elastiques

Lors de la mise en ´epitaxie de deux mat´eriaux cristallins de param`etres de mailles diff´erents, des contraintes ´elastiques sont syst´ematiquement mises en jeu. Ces contraintes sont `a l’origine de d´eformations cristallines. La structure de bandes ´electroniques, qui d´epend de ces variations, s’en trouve modifi´ee, et en cons´equence les propri´et´es opto´electroniques. Dans le cas des nitrures d’´el´ements III, l’effet peut ˆetre consid´erable selon la direction de croissance [0001] o`u des champs d’origine pi´ezo´electrique peuvent profond´ement modifier la structure de bande (voir section 1.2.4). Dans tous les cas, le d´epˆot d’un mat´eriau cristallin sur un autre s’accompagne d’une accumulation de contraintes, c’est `a dire d’une augmentation de l’´energie ´elastique totale du syst`eme. Cette accumulation peut ˆetre le moteur de la transition d’une couche plane vers une couche 3D, sous forme d’ˆılots par exemple, d’´energie ´elastique plus favorable (voir section 1.3.2.3).

1.2.3.1 Loi de Hooke

L’anisotropie qui caract´erise un cristal dans le cas g´en´eral, ainsi que l’anisotropie de la contrainte appliqu´ee `a ce cristal, ne sont correctement appr´ehend´ees que dans un formalisme tensoriel. Habituellement, les trois directions de l’espace, x, y et z sont remplac´ees par les indices 1, 2 et 3. Le tenseur de rang deux des contraintes Σ = σij inclue les contraintes en compression et dilatation selon sa diagonale et les contraintes de cisaillement en dehors. Ces contraintes sont `

a l’origine de d´eformations, d´ecrites par un tenseur de rang deux  = εkl, qui sont d´eduites par la loi de Hooke [Nye 79] :

σij = X

k,l

cijklεkl (1.2)

C = cijklest le tenseur de rang quatre des constantes ´elastiques, sp´ecifique du mat´eriau. L’´equa- tion 1.2 peut ˆetre invers´ee, afin de d´eduire les d´eformations des contraintes. Remarquons que

l’´equation 1.2 n’est valable qu’au premier ordre, et que pour des d´eformations trop importantes, il convient d’envisager des termes d’ordre sup´erieur. Les termes lin´eaires sont pourtant le plus souvent suffisants, les ´ecarts se manifestant d’abord par l’apparition de d´eformations irr´eversibles telles que des d´efauts structuraux (voir section 1.3.2.4).

Pour un cristal hexagonal, en rempla¸cant {11, 22, 33, 23, 31, 12} par {1, 2, 3, 4, 5, 6}, le tenseur des constantes ´elastiques s’´ecrit en fonction de six coefficients, dont cinq sont ind´ependants (2c66= c11− c12) [Kittel 70] : c =         c11 c12 c13 c12 c11 c13 0 c13 c13 c33 c44 0 c44 c66         (1.3)

Le tableau 1.1 regroupe des valeurs th´eoriques des constantes ´elastiques pour GaN, AlN, et InN [Kim 96, Wright 97]. Des valeurs exp´erimentales, tr`es dispers´ees, sont par ailleurs donn´ees par de nombreux auteurs (voir par exemple [McNeil 93, Deger 98, Polian 96, Schwarz 97]).

1.2.3.2 D´eformation biaxiale selon un plan (0001)

L’exemple le plus simple de la croissance par ´epitaxie d’un mat´eriau cristallin sur un autre est probablement celui de deux couches pseudomorphiques 2D infinies. Pour simplifier davantage, envisageons un cristal d´eformable, une surface (0001) d’AlN par exemple. Sur cette surface est d´epos´ee une couche de GaN dans la mˆeme orientation cristalline. Dans la polarit´e m´etal, la couche AlN est termin´ee par des atomes d’Al, et `a l’interface AlN/GaN, ce sont d’abord des liaisons Al-N qui sont form´ees, suivies des liaisons N-Ga, et ainsi de suite. Sous l’influence de l’AlN ind´eformable, GaN croˆıt ainsi avec un param`etre de maille aGaN = aAlN diff´erent de celui de GaN relax´e. La croissance se poursuit avec une contrainte uniquement dans le plan (0001). Aucune relaxation n’est possible dans ce plan puisque GaN et AlN sont infinis ; en revanche, selon la direction perpendiculaire, la maille cristalline peut se d´eformer (voir figure 1.8). Cette d´eformation est qualifi´ee de biaxiale.

Plusieurs composantes des tenseurs des d´eformations et des contraintes se simplifient dans ce cas particulier. Dans la couche GaN, ε1 = ε2, σ1 = σ2, σ3 = 0 et σ4 = σ5 = σ6= 0. La loi de Hooke (eq. (1.2)) s’´ecrit :

 σ1= (c11+ c12) ε1+ c13ε3 0 = 2c13ε1+ c33ε3 (1.4) soit ( σ1=  c11+ c12− 2c11 2 c33  ε1 ε3 = −2cc1333ε1 (1.5)

o`u ε1= aAlN− a0GaN /a0GaN, et a0GaN est le param`etre de maille de GaN relax´e.

La derni`ere relation indique qu’une contraction dans le plan (0001), comme c’est le cas pour GaN sur AlN, ou pour AlN sur SiC, s’accompagne d’une expansion dans la direction perpendiculaire. L’amplitude de cette expansion d´epend des coefficients ´elastiques (voire table 1.1).

La densit´e volumique d’´energie ´elastique emmagasin´ee dans une couche biaxiale s’exprime :

eel´ = 1 2 X i σiεi =  c11+ c12− 2 c112 c33  ε21 (1.6)

Fig. 1.8 : Contrainte biaxiale (fl`eches horizontales) impos´ee par un mat´eriau petit, suppos´e ind´eformable, d´epos´e sur un mat´eriau plus gros, et d´eformation r´esultante. Ce cas recouvre celui de GaN d´epos´e sur un substrat AlN.

et l’´energie emmagasin´ee par une couche de hauteur h :

Eel´ = 1 2 X i σiεi=  c11+ c12− 2 c112 c33  ε21h (1.7)

Cette ´energie augmente tr`es rapidement avec la d´eformation dans le plan, et lin´eairement avec l’´epaisseur de la couche. La relaxation de cette ´energie conduit `a la formation d’objets 3D en surface (section 1.3.2.3) ou `a la formation de d´efauts (section 1.3.2.4).

1.2.3.3 D´eformation biaxiale selon un plan (11¯20)

Dans le cas d’une couche 2D infinie de GaN d´epos´ee en ´epitaxie sur un substrat AlN ind´e- formable, selon l’orientation (11¯20), les contraintes exerc´ees selon chacune des deux directions perpendiculaires et dans le plan, [1¯100] et [0001], sont diff´erentes (voir section 1.2.2). En prenant pour axe x (ou 1) [11¯20], pour axe y (ou 2) [1¯100] et pour axe z (ou 3) [0001], la d´eformation dans la couche selon [11¯20] s’exprime [Craven 03] en fonction des deux d´eformations dans le plan :

ε1 =

−c12ε2− c13ε3 c11

(1.8) o`u ε2 = aAlN − a0GaN /a0GaN et ε3 = cAlN− c0GaN /c0GaN, a0GaN et c0GaN sont les param`etres de maille de GaN relax´e. Pour GaN sur AlN, la maille est comprim´ee dans les deux directions [1¯100] et [0001] ; la maille cristalline est donc dilat´ee dans la direction [11¯20]. Pour AlN sur SiC, la maille est comprim´ee selon [1¯100] et dilat´ee selon [0001] : les deux effets se compensent presque pour ce qui est de la direction [11¯20], qui est seulement tr`es l´eg`erement dilat´ee. L’´energie ´

elastique emmagasin´ee peut ˆetre exprim´ee de la mˆeme fa¸con que pour la croissance sur un plan (0001).