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Propriétés physico-chimiques et utilisation des actinides transuraniens

2. Contamination par les actinides transuraniens

2.1. Propriétés physico-chimiques et utilisation des actinides transuraniens

L’industrie nucléaire est à l’origine de la production la plus importante de radionucléides artificiels que l’on retrouve dans les centrales, les usines de retraitement et les centres de stockage des déchets radioactifs. Cependant, la principale source d’énergie d’une centrale nucléaire classique consistant en un réacteur à eau pressurisée, provient de la fission des noyaux de deux actinides dits « majeurs » : l’uranium 235 et le plutonium 239 qui est lui-même produit par la réaction nucléaire ou préexiste dans le combustible lorsqu’il s’agit du combustible MOX (oxydes mixtes d’uranium UO2 et de plutonium PuO2) (Rollin, 1997).

L’uranium naturel est un mélange de trois isotopes tous radioactifs que l’on retrouve en tous lieu de l’écorce terrestre dans les proportions suivantes : 99,28% de 238U, 0,714% de 235U et 0,006% de 234U. Un combustible est dit enrichi lorsque son taux en 235U est augmenté. A titre d’exemple, pour un combustible neuf (non MOX) avec un taux d’enrichissement de 3,3% en uranium naturel 235 fissile (classiquement l’enrichissement est compris entre 3 et 4%), 1 tonne de combustible est alors composée de 33 kg d’uranium 235 et de 967 kg d’uranium 238 non fissile mais fertile et qui peut donner naissance à d’autres actinides dits « mineurs » (présentant peu d’intérêt sur le plan énergétique) par capture neutronique (Fig. 1).

Après 3 ans de fonctionnement d’un réacteur, 1 tonne de combustible usé est alors constituée de 943 kg d’uranium 238 et d’environ 57 kg dont la composition se répartit comme suit :

• 35 kg de produits de fission (principalement ruthénium 103 et 106, zirconium 93 et 95, technétium 99, césium 134, 135, 137 et 144, yttrium 91, baryum 140, xénon 133, strontium 89 et 90, iode 129 et 131…)

• 9 kg d’isotopes du plutonium

• 8 kg d’uranium 235 résiduel

• 4,6 kg d’uranium 236

• environ 0,16 kg principalement d’américium 243 + curium 244

• autres actinides mineurs (neptunium 237, américium 241 et 242, curium 243 et 245…) C’est donc au sein du combustible que sont formés les éléments transuraniens à partir de l’uranium 238 notamment les isotopes du plutonium (239Pu, 240Pu, 241Pu), le neptunium 239 et

l’américium 241 provenant du plutonium 241 par désintégration bêta. L’américium 241, émetteur alpha de 433 ans de période donne lentement naissance à du neptunium 237, lui-même émetteur alpha de période 2 millions d’années.

Combustible enrichi à l’entrée du réacteur

238

U

235

U

neutrons

239

U

239

Np

fissile fertile

n

235

+

U n +

238

U

239

Pu n +

239

Pu

fission fission non fission non fission

236

U

237

Np +

Uranium appauvri

Actinides mineurs Produits de fission Isotopes

lourds du Pu Technétium 99

Étain 126 Iode 129

Plutonium 240 Plutonium 241

Figure 1 : Schéma de filiation de l’uranium enrichi.

Du point de vue des applications militaires, les actinides majeurs 235U, 238U et 239Pu ont également été utilisés dans la conception des armes nucléaires et hormis les produits de fission libérés ou des produits induits dans l’air par les essais d’explosions atmosphériques, les isotopes 239 et 238 du plutonium ainsi que des transuraniens contribuent de façon non négligeable aux radiocontaminants atmosphériques (Court, 1997). Le plutonium retrouvé provient de la volatilisation dans l’atmosphère de plutonium non fissionné et de plutonium produit par activation de 238U. Les isotopes 238Pu (T = 87,7 ans), 239Pu (T = 24 390 ans), 240Pu (T = 6570 ans), 241Pu (T = 14 ans) et 242Pu (T = 38 700 ans) et les transuraniens 242Am (T = 152 ans) et le 244Cm (T = 19,2 ans) sont les plus abondants.

A l’exception du californium 252 (T = 2,6 ans) dont l’utilisation ne fait que croître dans le domaine biomédical (Paquet et Nénot, 1997), les actinides ne sont que peu utilisés dans les activités médicales. Le thorium 232, deuxième élément de la série des actinides a été utilisé entre 1928 et 1955 comme agent de contraste radiologique et injecté sous forme de solution colloïdale de dioxyde de thorium (Thorotrast®) en substitution des molécules iodées mal tolérées. Son utilisation a cependant été arrêtée suite à la découverte en 1947 des premiers cancers radioinduits chez des patients ayant reçu des injections de thorium (Galle, 1997).

En ce qui concerne les activités de recherche, le plutonium est l’un des éléments radioactifs les plus étudiés. Et quelle que soit son origine, ce radionucléide est souvent accompagné d’américium et, en quantité moindre, de neptunium qui ont tous deux également fait l’objet de très nombreuses études. Compte tenu de leur chaîne respective de décroissance, ces deux derniers éléments transuraniens seront les actinides artificiels dominant dans les millénaires à venir. Par la suite, nous nous intéresserons essentiellement à ces trois actinides transuraniens qui se distinguent de l’uranium d’une part par leur forte toxicité radiologique ou toxicité chimique particulière et d’autre part, parce que les traitements des contaminations par ces transuraniens ne sont pas efficaces sur l’uranium (voir le Tableau I des caractéristiques radiologiques des principaux actinides).

Tableau I. Propriétés radiologiques des principaux actinides étudiés.

Cet élément chimique transuranien de numéro atomique 94 a été découvert par Glenn Seaborg, Edwin McMillan, Joseph Kennedy et Arthur Wahl en 1940. Le Pu est le second élément transuranien de la famille des actinides à avoir été synthétisé par l'homme. Le premier isotope de masse 238 a été obtenu en 1940 par Seaborg et ses collaborateurs par bombardement de l'uranium avec des deutons (noyaux d’atome de deutérium, formés d’un proton et d’un neutron). Puis, en 1941, la même équipe identifiait l'isotope 239, lors de l'irradiation de l'uranium par des neutrons (Métivier, 1997).

La réaction et les désintégrations nucléaires conduisant à sa formation sont les suivantes : γ

Le plutonium 239 (émetteur alpha, d’énergie 5,14 MeV et de période T = 24 390 ans) est aujourd’hui obtenu dans les réacteurs nucléaires. L’intérêt de ce processus est de transmuter l’uranium 238, qui est abondant, puisqu’il constitue 99,3% de l’uranium naturel, mais n’a qu’une faible probabilité de subir la fission dans un réacteur, en plutonium 239, qui subit aisément la fission dans un réacteur nucléaire. Une partie du plutonium qui se forme

dans un réacteur est consommé par fission dans le réacteur lui-même et contribue à la production d’énergie. Le reste s’accumule dans les éléments combustibles et peut être extrait de ceux-ci après leur déchargement. Parmi les isotopes produits, le plutonium 239 et 238 sont les plus abondants mais d’autres isotopes plus lourds peuvent apparaître (240Pu, 241Pu, 242Pu).

Le plutonium 239 récupéré dans le combustible usé peut-être utilisé soit comme combustible fissile dans les réacteurs, soit pour réaliser des armes nucléaires. En ce qui concerne les réacteurs, le plutonium 239 trouve son utilisation optimale dans les réacteurs à neutrons rapides (ou surgénérateurs).

Le plutonium 238 (émetteurs alpha d’énergie 5,5 MeV et de période T = 87,7 ans) est utilisé comme source thermoélectrique dans l’industrie spatiale et dans les stimulateurs cardiaques (pacemakers).

On connaît actuellement 15 isotopes du Pu dont les masses atomiques s’échelonnent entre 232 et 246. Tous sont artificiels et la plupart émetteurs alpha avec quelques exceptions comme c’est le cas du 241Pu à demi-vie plus courte (T = 13,2 ans) qui donne naissance à l’américium 241 par émission β+ comme nous l’avons déjà évoqué précédemment.

Cependant, dès 1942 et de nombreuse fois depuis, le plutonium 239 a été isolé du minerai d’uranium (pechblende, carnotite). Sa concentration est approximativement 1011 fois plus faible que celle de l’uranium. Son existence est due à la capture neutronique de 238U.

Par contre, la découverte, en 1971, du plutonium 244 (T = 8,3.107 ans) dans un minerai de terres rares (bastnaésite) à une concentration très faible (1 partie pour 1018), est la seule preuve de la présence des éléments transuraniens dans la nature et de leur production lors de la formation du système solaire il y a 4,5 milliards d’années.

La chimie du plutonium est particulièrement complexe puisqu’on peut le retrouver en solution aqueuse sous cinq états d’oxydation différents, de III à VII. A l’exception de l’état heptavalent dont l’existence nécessite des conditions particulières (forte basicité et présence d’oxydants) il est possible de rencontrer simultanément tous les états d’oxydation en solution aqueuse. Toutefois, l’état tétravalent est prépondérant et le plus stable dans de nombreuses conditions par formation de complexes minéraux ou organiques (Métivier, 1997).

2.1.2. Les actinides mineurs

2.1.2. a. Le neptunium

Le neptunium (Np) de numéro atomique 93, est dans la série des actinides le premier des éléments transuraniens. Tous ses isotopes sont radioactifs et la plupart sont émetteurs alpha. La production de neptunium 239 par l’action de neutrons sur l’uranium 235 a été rapportée par McMillan et Abelson en 1940. Les isotopes 238 et 237 ont été découverts par Wahl et Seaborg respectivement en 1941 et en 1942. Le neptunium a enfin été isolé en quantité pondérale (45 g d’oxyde) par Magnusson et Lachapelle en 1944 (Boulahdour et al.

1997).

L’isotope 237 du neptunium est certainement celui qui doit être considéré avec le plus d’attention puisqu’il est utilisé comme cible dans les réacteurs pour générer du plutonium 238, source d’énergie d’un certain nombre d’applications industrielles, spatiales ou médicales et, surtout parce que cet isotope apparaît dans les déchets en provenance des réacteurs nucléaires. Enfin, parmi les actinides, le neptunium 237 est de loin celui qui a la période la plus longue (T = 2,14 millions d’années) et dont l’activité sera prépondérante dans les déchets dans quelques centaines de siècles. Il est produit dans les réacteurs nucléaires par les IV. Il est donc possible, a priori, de prévoir un comportement métabolique différent de celui du plutonium et des autres transuraniens (Boulahdour et al. 1997).

2.1.2. b. L’américium

L’américium est un actinide transuranien de numéro atomique 95 qui a été découvert en 1944 par Seaborg et ses collaborateurs, en irradiant du plutonium avec des neutrons. C’est un émetteur alpha qui fait partie des éléments les plus toxiques produits lors d’un cycle électronucléaire et son utilisation ne fait que croître dans les domaines de la recherche et de l’industrie (Paquet et Stather, 1997). Il existe plus de quinze isotopes connus dont les plus important sont l’américium 241 et 243 isolés et produits en grandes quantités à partir de réacteurs nucléaires. Ces deux isotopes constituent en outre une partie importante de la radioactivité totale d’un combustible après refroidissement. L’américium 241 est utilisé en tant que source radioactive pour des applications diverses, notamment dans la fabrication de détecteurs de fumées ou de stimulateurs cardiaques. Les isotopes 241 et 243 sont également employés pour la production de curium 242 et de curium 244, dont l’utilisation permet d’obtenir des puissances spécifiques très importantes susceptibles d’être exploitées dans les applications spatiales comme générateur d’énergie.

L’américium peut exister en solution aqueuse aux états d’oxydation III à VI mais l’état trivalent est le plus stable. Les états III, V et VI sont les états de valence prédominants et existent en solution acide sous forme d’ions Am3+, AmO2+ et AmO22+. La forme Am (II) a été préparée sous la forme solide AmCl2 et AmBr2 mais n’existe pas en solution aqueuse. La forme Am (IV) n’est stable que dans des milieux complexants et l’Am (VII) n’existe qu’en solution alcaline. L’américium forme des complexes avec des composés anioniques et des alliages avec d’autres métaux. Au pH physiologiques, les composés de l’américium sont peu solubles et ont une forte tendance à l’hydrolyse (Paquet et Stather, 1997).