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Actualisation des données sur la vectorisation liposomale

5. Vectorisation liposomale

5.2. Actualisation des données sur la vectorisation liposomale

Les formes liposomales sont présentes depuis les années 1970 en cosmétologie et dans la recherche, mais les premiers médicaments ne sont apparus que depuis le début des années 1990 (Barrat, 2000 ; Barenholz, 2001). Cette réalité clinique résulte avant tout des progrès réalisés au niveau galénique et technique : étude physico-chimique rigoureuse, stabilité des liposomes et production en grand volume.

D’autre part, des études sur le comportement in vivo de ces liposomes après administration parentérale, ont permis de mieux connaître les mécanismes à l’origine de leur efficacité ainsi que leurs limites. La compréhension des mécanismes de leur élimination et de leur capture par les tissus cibles, qui nous intéressent pour notre travail, repose sur deux constats (Devoisselle, 1997) :

− Après introduction dans la circulation sanguine, le devenir des liposomes est intimement lié aux interactions qui se produisent à leur surface. Les caractéristiques de celle-ci sont donc déterminantes.

− Les liposomes sont des particules colloïdales et ne pourront s’échapper du compartiment sanguin que dans la mesure où les parois endothéliales le permettent.

Nous nous sommes donc intéressés à deux types de vecteurs : les vecteurs dits

« conventionnels », ciblant principalement le foie, et les vecteurs dits « furtifs » (du terme anglo-saxon « Stealth »®), qui permettraient d’échapper à une capture prématurée par le système immunitaire constitué des phagocytes mononucléés (MPS) indifféremment appelé système réticulo-endothélial (SRE) et ainsi d’accéder potentiellement à des compartiments profonds tel le squelette.

5.2.1. Vecteurs de type liposomes conventionnels : ciblage passif du foie

Ces vecteurs sont dits conventionnels par opposition aux vecteurs modifiés de façon à avoir des caractéristiques cinétiques particulières. Ils ne sont donc ni furtifs, ni pH-sensibles, ni couplé à des ligands tels que des anticorps par exemple… De tels vecteurs ont déjà fait l’objet d’études sur le DTPA il y a une vingtaine d’années comme nous l’avons vu dans les paragraphes précédant.

Après administration intraveineuse, les vecteurs conventionnels (liposomes, micro- ou nanoparticules) s’accumulent principalement au niveau des organes du Système des Phagocytes Mononucléés (MPS), comprenant le foie, la rate, les poumons et la moelle osseuse. Au niveau du foie par exemple, la structure histologique particulière des capillaires (endothélium discontinu) permet aux liposomes de diamètre inférieur à 100 nm d’interagir avec les hépatocytes. En revanche, les liposomes de plus grosse taille (les plus souvent utilisés étant de 200 nm environ) ne seront captés que par les cellules de Küpffer, dont une partie du cytoplasme « déborde » dans le compartiment vasculaire (Chow et al, 1989).

De plus, il a été montré que la capture rapide par le MPS des vecteurs conventionnels est due à l’adsorption de certaines protéines sériques (opsonines) sur la surface des vecteurs présentant un caractère hydrophobe (Storm et al, 1995). Ces opsonines favorisent la phagocytose en formant un « pont » entre la particule et le macrophage. Le mécanisme impliqué dans l’opsonisation et la clairance des vecteurs à caractère hydrophobe après injection intraveineuse n’est cependant pas encore totalement éclairci, mais il est établi que le système du complément y joue un rôle majeur. Il semble agir de façon synergique avec les autres opsonines afin de rendre les particules reconnaissables par les macrophages (Peracchia et al, 1997 ; Allemann et al, 1997).

Le liposome suit donc un mécanisme d’élimination mettant en jeu un processus cellulaire se traduisant par sa capture par phagocytose ou endocytose et sa dégradation intracellulaire. Ainsi, il est habituel de penser que cette biodistribution particulière des vecteurs conventionnels vers les organes du MPS peut être exploitée dans le traitement ou la prévention de pathologies à localisation hépatique. De même, des applications peuvent être envisagées dans le traitement de contaminations intracellulaires lorsque les macrophages sont impliqués (Couvreur et al, 1988, Adler-Moore, 1994 ; Fielding et al, 1999 ; Schiffelers et al, 2001). Ces possibilités seront évaluées dans le cadre de notre travail expérimental afin d’accroître la spécificité d’action par concentration sélective, efficace et régulière des principes actifs au niveau de la cible cellulaire au niveau du foie.

Cependant, en raison du passage rapide (de l’ordre de quelques minutes) du compartiment sanguin vers les organes du MPS, le ciblage d’autres tissus, comme le tissu osseux, à l’aide de vecteurs conventionnels administrés par voie intraveineuse est rendu difficile et demeure peu efficace.

Au moins trois stratégies sont envisageables pour le ciblage de sites autres que le MPS : 1. Administration locale du vecteur. Cette technique est difficilement exploitable dans le cas

du ciblage de tissus profonds tel le tissu osseux.

2. Blocage de l’activité des phagocytes du MPS. Ce blocage peut être réalisé temporairement par l’utilisation de diverses substances, tels du sulfate de dextran ou du palmitate de méthyle. On peut également injecter dans un premier temps une forte dose de vecteurs non chargés pour saturer les macrophages, puis injecter le principe actif encapsulé. Cependant, bien que réversible, cette approche affaiblit le système immunitaire et n’est donc pas envisageable en usage thérapeutique (Storm et al, 1995).

3. Occultation de la capture des vecteurs par les organes du MPS, en modifiant la surface des vecteurs afin d’échapper à toute reconnaissance ou bien pour retarder celle-ci afin de prolonger le temps de circulation des vecteurs (Allen, 1994 ; Harashima et al, 1996). Cette dernière technique qui est largement développée dans la littérature sera retenue pour notre étude.

5.2.2. Vecteur de type liposomes « furtifs » : évitement du MPS et ciblage du squelette

Pour obtenir des vecteurs furtifs après injection intraveineuse, c’est-à-dire évitant la capture par le MPS et donc pouvant espérer accéder à d’autres secteurs par augmentation de leur temps de circulation sanguine, des critères de taille et de surface (composition, charge) de ces vecteurs devront être satisfaits. En effet, le temps de circulation plasmatique des vecteurs qui dépend essentiellement des ces caractéristiques doit être suffisamment long pour permettre leur accumulation passive au niveau osseux par une imprégnation prolongée de ce tissu.

La modification de surface disponible à l’opsonisation peut-être obtenue indirectement en réduisant la taille des vecteurs (Abra et Hunt, 1981) ou bien en modifiant la composition de surface des vésicules (Allen et al, 1989 ; Allen, 1994 ; Harashima et al, 1996) ou encore par une combinaison des deux approches dont les effets s’additionnent généralement (Awasthi et al, 2003 ; Charrois et Allen, 2003).

Comme nous l’avons vu, la taille des particules aura une influence sur l’organe impliqué dans leur capture. Des liposomes, même furtifs, de diamètre inférieur à 80 nm seront capturés par le foie, cependant: leur petite taille leur permet de passer à travers l’endothélium

sinusoïdal du foie et d’accéder ainsi aux hépatocytes. Des liposomes de diamètre supérieur à 400 nm sont en revanche filtrés de façon mécanique par la rate (Allen et al, 1989).

Finalement, dans l’intervalle 80-400 nm, la clairance des vecteurs lipidiques par les organes du MPS augmente en fonction de leur taille (Woodle et al, 1992). De façon générale, des vecteurs de 100 à 200 nm de diamètre sont stables et le plus souvent utilisés.

D’autre part, la surface de ces vecteurs doit présenter un caractère hydrophile, non chargé et dynamique pour être « invisible » au MPS. Ainsi, le recouvrement de la particule par un polymère inerte, flexible, bien solvaté et possédant une polarité proche de celle de l’eau entraîne un encombrement stérique empêchant l’adsorption des opsonines sur ce vecteur (Torchilin et al, 1995 ; Gref et al, 1995).

Parmi les polymères hydrophiles étudiés, nous pouvons distinguer surtout le polyéthylèneglycol (PEG) et ses dérivés : les poloxamères et les poloxamines (Storm et al, 1995). Par exemple, les chaînes polymères de PEG, dont une extrémité est en interaction avec la membrane lipidique du vecteur, adoptent une configuration étalée (dite en brosse), créant ainsi un encombrement stérique et rendant la surface hydrophile (Jeon et al, 1991). De plus, grâce à leur flexibilité, les molécules d’eau piégées entre ces chaînes sont chassées et rejoignent la phase aqueuse externe. Une fois « asséchées », les chaînes de PEG empêchent la diffusion d’agents d’opsonisation ou d’autres solutés hydrophiles vers la surface hydrophobe ainsi obtenue du liposome (Torchilin et al, 1995 ; Gref et al, 1995) (Fig. 13). Cet effet

« dysopsonique » semble maximal pour du PEG de poids moléculaires compris entre 2000 et 5000 Da (Storm et al, 1995 ; Allen, 1994).

Les liposomes recouverts de PEG (dits « PEGylés » ou « peggylés ») ont été les premiers vecteurs à mettre en évidence une forte augmentation du temps de rémanence sanguine (Storm et al, 1995), ainsi qu’une nette diminution de l’accumulation hépatique. Ces deux effets sont attribuables à la présence du PEG « en brosse » à leur surface (Torchilin, 1998). La modification de la surface d’un liposome peut être obtenue à l’aide d’un dérivé de PEG, l’ester méthoxysuccimide de PEG, auquel est ajoutée une partie hydrophobe, comme par exemple une longue chaîne d’acides gras. Cette partie hydrophobe va s’incorporer dans la bicouche phospholipidique du liposome, alors que la chaîne de PEG se déploie à la surface (Klibanov et al, 1990). Ce mécanisme est bien établi et relativement simple.

La conséquence directe de cette stabilisation du vecteur par encombrement stérique et augmentation de son hydrophilie de surface est donc la modification de sa biocinétique (pharmacocinétique et biodistribution). En effet, les vecteurs, administrés par voie intraveineuse, ne sont captés que tardivement par les organes du MPS, et restent confinés à l’intérieur du compartiment sanguin où ils agissent comme des microréservoirs circulants pendant plusieurs heures. Ainsi, et dans l’hypothèse d’une libération du DTPA après distribution des liposomes dans les tissus, l’accessibilité aux secteurs profonds et/ou peu irrigués, tel le compartiment osseux, peut être facilité.

Ce type de liposomes sera donc envisagé dans le cadre de notre travail expérimental.

Figure 13 : Schéma des liposomes « conventionnels » (C), des liposomes PEGylés dits

« furtifs » (stealth en anglais) (S) et de leur interaction avec les protéines plasmatiques opsonines (d’après Allen, 1994).

Representations of liposomes sterically stabilized with polyethylene glycol (PEG) (S-liposomes) and conventional liposomes (C-liposomes). PEG attracts water to the liposome surface and the hydrophilic surface inhibits opsonization of the liposome by plasma proteins, leading to increased survival times of S-liposomes in the circulation. The liposomes contain entrapped drug molecules (Allen, 1994).

C-liposomes S-liposomes

opsonin

membrane bilayer

drug molecules

small hydrophilic region

large hydrophilic region

PEG

opsonin