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2.6 Les expériences actuelles de détection directe de matière noire

3.1.2 Propriétés des neutrinos

La théorie de Fermi, présentée dans la section précédente, fut la première théorie décrivant l’interaction des neutrinos avec les autres particules. Aujourd’hui, cette interaction est appelée interaction faible. L’interaction faible est décrite dans le modèle standard de la physique des particules et, bien que ce modèle soit une théorie très complète et ayant réussi à prédire l’existence de plusieurs particules, il existe aujourd’hui plusieurs limitations à ce

modèle. L’une de ces limitations3 est la découverte de la masse des neutrinos présentée en

détail dans la section suivante. Dans cette section, les propriétés des neutrinos, permettant de comprendre la découverte de leurs masses, sont présentées.

Le modèle standard de la physique des particules - Le modèle standard de la

physique des particules est une théorie qui décrit précisément les constituants fondamentaux

de la matière, appelés fermions, de spin4 demi-entier, et leurs interactions se traduisant

par l’échange de bosons, de spin entier. Les fermions regroupent deux types de particules : les quarks et les leptons. Ces deux types de particules fondamentales sont réparties en trois familles, comme indiqué figure 3.3.

3 interactions fondamentales sont incluses dans le modèle standard et sont portées par différents bosons :

— L’interaction électromagnétique : échange de photons (γ) — L’interaction nucléaire forte : échange de gluons (g).

— L’interaction nucléaire faible : échange des bosons Z0 et W±.

La quatrième interaction fondamentale, la gravité, n’est pas incluse dans le modèle standard.

2. Les neutrinos ont une section efficace très faible : un antineutrino électronique de 1 MeV a un parcours moyen dans l’eau d’une année-lumière !

3. On peut citer comme autres limitations, la présence de matière noire dans l’Univers, présentée en détail dans le chapitre 2.

4. Le spin d’une particule peut être vu comme le moment angulaire intrinsèque de la particule. C’est une propriété quantique qui ne peut prendre que des valeurs entières ou demi-entières.

Fig. 3.3 – Représentation du modèle standard de la physique des particules.

La représentation mathématique du modèle standard est basée sur la théorie des champs. On parle alors de théorie de jauge, pour laquelle chaque interaction est représentée par un groupe de symétrie :

SU(3)C ⊗ SU(2)L⊗ U(1)Y

SU(3)C est le groupe de symétrie correspondant à l’interaction forte. Le C indique que

ce groupe de symétrie concerne les particules possédant une charge de couleur, c’est à

dire les quarks et les gluons. SU(2)L⊗ U(1)L est le groupe de symétrie correspondant à

l’unification des interactions électromagnétique et faible : l’interaction électrofaible. L est le nombre leptonique et Y (l’hypercharge faible) est reliée à la charge de la particule et à un nombre quantique traduisant son lien avec la force nucléaire faible (on parle d’isospin faible)5.

Cette description actuelle fut construite au fil des ans et des découvertes de nouvelles particules, que ce soit au sein de rayons cosmiques ou dans les grands accélérateurs de particules. L’une des plus grandes réussites du modèle standard fut la prédiction du boson de Higgs, découverte au LHC en 2012. Ce boson est responsable de la masse des fermions, ainsi que celle des bosons de l’interaction électrofaible (W et Z).

Interaction faible et neutrinos - Dans la représentation actuelle du modèle standard

de la physique des particules, les neutrinos sont sans masse et sont des fermions de Dirac. C’est-à-dire que neutrino et antineutrino sont considérés comme distincts. Nous verrons dans la suite de cette thèse que ce n’est pas forcément le cas. Les neutrinos interagissent par interaction électrofaible, cette dernière étant basée sur le groupe de symétrie local

SU(2)L× U(1)Y.

5. Q = 1

En 1956, il fut proposé par T.D. Lee et C.N. Yang [42] que la parité, c’est-à-dire la symétrie qui a pour effet d’inverser les coordonnées spatiales comme dans un miroir, n’est pas conservée dans l’interaction faible. Cette non-conservation de la parité a été montrée quelques temps après par C.S. Wu [43], grâce à la mesure d’une asymétrie dans la

distribution angulaire des électrons émis lors de la désintégration βde noyaux de 60Co,

qui ont été préalablement polarisés.

Ainsi, les interactions faibles possèdent une asymétrie droite/gauche, se traduisant par une différence de chiralité entre fermion et antifermion. L’hélicité d’une particule est la projection du spin ~S sur la quantité de mouvement de la particule ~q. Dans le cas d’une particule sans masse, la chiralité et l’hélicité sont identiques. Dans le cas d’une particule avec masse, l’hélicité dépend du point de vue de l’observateur (l’hélicité peut être inversée si le référentiel de l’observateur a une vitesse plus grande que celui de la particule). La chiralité est une propriété qui apparaît en théorie des champs et est définie par rapport au groupe de symétrie dans lequel la particule considérée est représentée. La chiralité dépend du choix de la représentation (gauche ou droite) lors de la transformation de la particule dans ce groupe de symétrie.

Il est possible de décrire les fermions dans le groupe de symétrie de l’interaction électro-faible avec une parité non conservée en considérant que les fermions possédant une chiralité gauche sont représentés comme des doublets de SU(2) (équation 3.2), alors que les antifermions de chiralité droite sont représentés comme un singlet de SU(2) (équation 3.3).

  νL eL   (3.2) (νR, e+R) (3.3) .

Ces différences de représentations se traduisent par une distinction entre neutrino gauche et antineutrino droit du point de vue de leur section efficace, démontrée en 1955 par R. Davis. Finalement, en 1957, M. Goldhaber montra que l’hélicité des neutrinos est toujours gauche [44], laissant penser que les neutrinos sont sans masse. Ils sont donc représentés dans le modèle standard comme tels. Or nous verrons dans la section suivante que cette hypothèse de départ est fausse. Aucune expérience n’a pu montrer l’existence d’un neutrino droit. S’il existe, alors son interaction avec la matière devrait être bien plus faible que celle des neutrinos gauches. On parle alors de neutrino stérile.

Après la détection du premier neutrino, correspondant à un neutrino dit de saveur électronique, les deux autres saveurs de neutrinos (correspondant au muon et au tau, voir figure 3.3) furent détectées en 1961 [45] puis en 2000 [46]. Entre temps, en 1989, le nombre de neutrinos légers fut mesuré de façon directe au LEP [47], le collisionneur d’électron-positron du CERN. En effet, le boson Z, responsable de l’interaction faible

entre les fermions, possède une masse dont la largeur est liée au nombre de neutrinos

légers6. La collision d’électrons et de positrons produit un large nombre de bosons Z, dont

la distribution en masse, détectée par 4 expériences distinctes du LEP, est donnée en figure 3.4. Cette distribution montre sans ambiguïté que le nombre de neutrinos actifs est

bien de trois. Il existe donc trois saveurs de neutrinos : électronique (νe), muonique (νµ)

et tauique (ντ). Dans la section suivante, nous verrons que les neutrinos peuvent osciller

d’une saveur à une autre et que cette oscillation impose que les neutrinos soient massifs.

Fig. 3.4 – Mesures de la masse du Z0, provenant de 4 expériences différentes du LEP. Les données sont

comparées au cas où il existe 2, 3 ou 4 neutrinos légers, montrant un parfait accord avec l’existence de seulement 3 saveurs de neutrinos de masse inférieure à 45 GeV/c2[47].