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Le bruit de fond ainsi que ses techniques de réductions, présentés de manière générale dans le chapitre 1, dépendent du type de signal recherché et de l’énergie considérée. La recherche de décroissance double β sans émission de neutrinos se base sur la recherche de reculs électroniques de haute énergie, autour de 2.458 MeV. Les sources de bruits de fond produisant des reculs électroniques seront donc celles limitant la sensibilité de l’expérience à cette décroissance. La recherche de matière noire sous forme de WIMP se base sur la recherche d’un recul nucléaire de basse énergie, dont la correspondance en énergie de recul électronique est de moins de 10 keV. Malgré le rejet de plus de 99.5% des reculs électroniques, le bruit de fond produisant ce type de reculs reste majoritaire pour la recherche de WIMP. Les différentes sources de bruits de fond présents dans XENON1T sont résumées en table 4.2.

D’autres bruits de fond mesurés dans XENON1T peuvent imiter un signal de WIMP et doivent donc être pris en compte. On citera en particulier les coïncidences accidentelles de signaux S1 et S2 pouvant être reconstruites comme un recul nucléaire et les évènements dits de surfaces, provenant de la décroissance des murs de la TPC [1].

Sources Type de reculs

222Rn Recul électronique

85Kr Recul électronique

neutrinos solaires (pp et 7Be) Recul électronique

2νββ du136Xe Recul électronique

Radioactivité des matériaux Recul électronique Activation cosmogénique du137Xe Recul électronique Neutrons radiogéniques Recul nucléaire

CENNS Recul nucléaire

Neutrons induits par les muons cosmiques Recul nucléaire

Table 4.2 – Sources de bruits de fond présents dans l’expérience XENON1T. CENNS signifie "coherent elastic neutrino nucleus scattering", provenant majoritairement des neutrinos du7Be produits dans le

soleil [70] [26].

4.3.1. Le bruit de fond produisant des reculs nucléaires

Le bruit de fond produisant des reculs nucléaires, impactant uniquement la recherche de matière noire, est limité grâce à plusieurs techniques de réductions. Tout d’abord, XE- NON1T est placée dans un laboratoire souterrain à 3 km.w.e, suffisamment profondément pour que la présence de neutrons produits par l’interaction de muons cosmiques soit négli- geable. Le grand réservoir d’eau, servant à la fois de véto à muons et de blindage externe contre les neutrons radiogéniques (c’est-à-dire produits par la radioactivité naturelle du laboratoire) permet également de réduire la contribution provenant des interactions de neutrons. De plus, les neutrons produisent majoritairement plusieurs interactions succes- sives dans le volume de détection. Les WIMP interagissant faiblement avec la matière ordinaire, ils ne sont supposés produire qu’une seule interaction. La sélection d’évènements dit simples permet donc de réduire le bruit de fond provenant des neutrons. Les neutrinos solaires interagissant avec les noyaux des atomes (CENNS) sont une source de bruit de fond irréductible et qui augmente avec l’exposition totale des expériences. Pour le moment, ce bruit de fond n’est pas prépondérant mais pourra le devenir pour les expériences futures utilisant une très grande masse de xénon liquide (telle que DARWIN par exemple).

4.3.2. Le bruit de fond produisant des reculs électroniques

Le bruit de fond produisant des reculs électroniques est le bruit de fond majoritaire, que ce soit pour la recherche de WIMP ou de décroissance 0νββ. Ce bruit de fond, dont le

spectre en énergie est donné en figure 4.11, est simulé11 en prenant en compte toutes les

contributions connues. On peut séparer la contribution des différentes sources de bruits de fond en trois catégories : le bruit de fond provenant de sources internes, de sources intrinsèques et de sources externes. Grâce au grand pouvoir d’arrêt du xénon liquide, le

11. Les simulations de XENON1T sont basées sur une méthode de Monte Carlo, utilisant le logiciel spécialisé GEANT4.

bruit de fond provenant de sources externes ne va être présent que sur les bords de la TPC. Cette contribution peut donc être réduite grâce à la sélection d’un volume interne au détecteur (que l’on appelle volume fiduciel).

Bruit de fond provenant de sources externes - Cette contribution provient ma-

joritairement des matériaux composant le détecteur. Ces matériaux composant la TPC, le cryostat ou encore la structure de support de l’expérience, proches de la zone active de détection, ont été sélectionnés pour leurs faibles quantités d’éléments radioactifs afin de limiter cette contribution [6]. A basse énergie, puisque les radiations provenant des matériaux sont rapidement arrêtées dans le xénon liquide, le volume fiduciel au centre de la TPC permet de réduire cette contribution. Ainsi, le bruit de fond externe provenant de la radioactivité des matériaux n’est pas majoritaire à basse énergie [26] (voir figure 4.11b), dans la région d’intérêt pour la recherche de WIMP. En revanche, à haute énergie, où les radiations ont la possibilité de parcourir une distance plus grande dans le xénon liquide, cette contribution devient importante et majoritaire dans la région d’intérêt pour la recherche de décroissance 0νββ [26] (voir figure 4.11a). La contribution à haute énergie du bruit de fond provenant des matériaux du détecteur est détaillé en section 7.2.1.

Les neutrinos solaires, interagissant avec les électrons des atomes, sont également à prendre en compte pour la recherche de WIMP à basse énergie (voir figure 4.11b). Cette contribution est négligeable dans la zone d’intérêt pour la recherche de décroissance 0νββ et est du même ordre de grandeur que la contribution provenant des matériaux du détecteur pour la recherche de WIMP.

Bruit de fond provenant de sources internes - L’une des contributions au bruit de

fond interne provient de la contamination du xénon liquide par des radio-isotopes dilués, tels que le 222Rn et le85Kr.

Comme indiqué en figure 7.2, le222Rn12 et ses noyaux fils sont des éléments radioactifs

qui décroient par émissions β et α. Le 222Rn est produit à l’intérieur des matériaux du

détecteur par la décroissance du 226Ra, issu de la chaine de l’238U, et peut émaner à

l’intérieur du xénon liquide par diffusion ou dû au recul du noyau lors de l’émission de l’α.

Étant un gaz noble au même titre que le xénon, le 222Rn est mélangé au xénon liquide.

Ainsi, afin de réduire cette contribution, les matériaux composant le détecteur et étant en contact avec le xénon liquide sont spécialement sélectionnés pour avoir la plus basse

émanation de 222Rn possible.

La contribution du85Kr provient de l’origine même du xénon liquide. En effet, celui-ci

est extrait de l’atmosphère dans laquelle le 85Kr est présent. Cet isotope est donc dilué dans

le xénon liquide et réparti de manière homogène. Le85Kr et le xénon ont des températures

d’ébullition différentes, permettant donc de réduire la concentration de85Kr par distillation

cryogénique [7]. La quantité de natKr est ainsi réduite à 0.2 ppt, permettant de rendre

le bruit de fond correspondant non-dominant, que ce soit à basse ou à haute énergie.

C’est le 222Rn, et en particulier l’un de ses éléments fils (le 214Pb, un émetteur β), qui

domine à basse énergie (voir figure 4.11b). Le 222Rn n’est pas distillé dans XENON1T

mais une colonne de distillation du 222Rn a été mise en place dans XENONnT, permettant

de réduire cette contribution.

Electronic Recoil Energy [keV]

0 500 1000 1500 2000 2500 ] -1 keV ) ⋅ day ⋅ ER Rate [ ( kg 8 − 10 7 − 10 6 − 10 5 − 10 4 − 10 3 − 10 2 − 10 1 − 10 Total 222Rn materials 85Kr Xe 136 ν solar (a)

Electronic Recoil Energy [keV]

0 50 100 150 200 250 ] -1 keV ) ⋅ day ⋅ ER Rate [ ( kg 7 − 10 6 − 10 5 − 10 4 − 10 3 − 10 2 − 10 Total 222Rn materials Kr 85 136Xe solar ν (b)

Fig. 4.11 – Simulation du bruit de fond produisant des reculs électroniques dans un volume fiduciel de 1 tonne (a) pour des énergies allant de quelques eV à 3 MeV et (b) à basse énergie (< 250 keV). L’activité supposée de222Rn est de 10 µBq/kg. La concentration supposée denatKr est de 0.2 ppt [26].

Bruit de fond provenant de sources intrinsèques - Cette source de bruit de fond

provient du xénon lui-même. La décroissance double β avec émission de neutrinos (2νββ)

du136Xe est une source de bruit de fond. En effet, le spectre en énergie de cette décroissance

est continu avec un maximum égal à l’énergie totale libérée durant cette décroissance (la

valeur Qββ = 2.458 MeV). Ainsi, des reculs électroniques peuvent être détectés pour des

énergies allant de quelques keV à 2.458 MeV (voir figure 4.11b). Le 136Xe est donc une

source de bruit de fond pour la recherche de WIMP, mais également pour la recherche de décroissance 0νββ. En effet, à cause de la résolution en énergie du détecteur, une petite partie des évènements de la décroissance double β avec émission de neutrinos en fin de spectre (i.e. avec une énergie proche de 2.458 MeV) peut être reconstruite comme faisant partie du pic caractéristique de la décroissance 0νββ. Enfin, l’activation cosmogénique (produite par des rayons cosmiques ou des neutrinos de haute énergie) d’isotopes radioactifs

du xénon peut devenir prépondérante. C’est le cas par exemple du137Xe, activé par capture

neutronique du 136Xe. Le 137Xe décroît par émission β avec une valeur Q de 4.2 MeV.

Le spectre de décroissance du 137Xe a donc un impact dans la région d’intérêt pour la

recherche de décroissance 0νββ du 136Xe. Cette contribution n’est pas prépondérante pour

XENON1T car la quantité de 136Xe et le flux de muons cosmique sont trop faibles. En

revanche, pour les expériences futures, telles que DARWIN, ou celles utilisant du xénon

L’expérience XENON1T, construite pour la recherche de matière noire sous forme de WIMP, a montré le bruit de fond le plus bas jamais atteint dans ce type d’expériences dans la région d’intérêt pour la recherche de WIMP, avec un total de

(82+5

−3(sys) ± 3(stat)) évènements/t/yr/keV dans un volume fiduciel correspondant à une

masse 1.3 t de xénon liquide [1].