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Il est possible d’introduire une autre fonction de corrélation, non plus sensible aux fluctu-ations thermiques, mais directement à celles du désordre :

(3.10) Pd(x, y) =hφ(x)ihφ(y)i − hφ(x)i hφ(y)i

On appelle respectivementPcetPdles fonctions de corrélation connectée et déconnectée.

Puisqu’il y a deux propagateurs, sensibles à deux types de fluctuations différents, il est également nécessaire d’introduire deux dimensions anormales. Au point critique de la transition, la longueur de corrélationξ diverge et les propagateursPcetPddécroissent selon des lois de puissance singulières, caractérisées par les exposants η et ¯η. Plus précisément, dans la région critique, les fonctions de corrélations se comportent à grande distance comme :

Pc(x, y)∼ T |x − y|d−2+η e−|x−y|/ξ (3.11a) Pd(x, y)∼ |x − y|d−4+¯η e−|x−y|/ξ (3.11b)

Ces relations définissent les dimensions anormalesη et ¯η.

3.3 Propriétés générales

Quelques propriétés générales du modèle d’Ising en champ aléatoire sont démontrées dans cette section. En particulier, nous discutons les dimensions critiques inférieure et supérieure du modèle, et mettons en évidence la prépondérance des fluctuations du désordre sur les fluctuations thermiques dans le régime critique. On présente également l’approche du modèle par la méthode des répliques.

3.3.1 Dimension critique inférieure : argument de Imry-Ma

La dimension critique inférieure (i.e. la dimension en dessous de laquelle le système n’exhibe pas de phase ordonnée non triviale) du modèle d’Ising pur est égale à 1. Puisque le terme aléatoire du hamiltonien s’oppose à l’ordre ferromagnétique, il est naturel de penser que cette dernière va augmenter dans le modèle en champ aléatoire. En 1975, Imry et Ma ont été les premiers à montrer qu’un désordre non nul, si petit soit-il, déstabilise l’ordre ferromagnétique en dimensiond < 2 [IM75]. Au contraire, pour des dimensions strictement supérieures à 2, leur argument prévoit une phase ordonnée stable lorsque le désordre∆ est suffisamment petit. Nous nous attachons ici à reproduire cet argument.

On considère le modèle sur réseau à température nulle dans une configuration ordonnée, c’est à dire avec tous les spins pointant dans le même sens. On retourne alors les spins dans

CHAPITRE 3. LE MODÈLE D’ISING EN CHAMP ALÉATOIRE

un domaine hypercubique de tailleLd. L’interaction d’échange implique une augmentation de l’énergie de l’ordre de JLd−1, ce qui correspond à l’énergie de surface du domaine. Le terme aléatoire provoque lui aussi une variation de l’énergie égale à 2P

hi, où la somme porte sur tous les sites de la région renversée. Notons que cette dernière variation d’énergie est, elle même, une variable aléatoire de moyenne nulle et d’écart type √

∆Ld/2. Celle-ci peut, en outre, être positive ou négative selon l’emplacement du bloc considéré. Il existe ainsi des domaines de taille Ld non rares pour lesquels cette variation d’énergie va être négative, et de l’ordre de√

∆Ld/2. Pour ces derniers, la variation totale d’énergie est donc :

(3.12) ∆E ' JLd−1∆Ld/2

En conséquence, quel que soit ∆6= 0, il est énergétiquement favorable de retourner de tels domaines macroscopiques L  1, en dimension d strictement inférieure à 2. Autrement dit, la phase ordonnée est déstabilisée par tout désordre non nul. Au contraire, pour des dimensions d > 2, seuls des domaines de taille finie peuvent être retournés avec ∆E < 0. Cela implique une phase ferromagnétique stable pour un désordre suffisamment petit.

Notons que la discussion précédente ne permet pas de dire s’il y a, ou non, une tran-sition de phase en dimension 2. Il est nécessaire dans ce cas d’étudier plus en détail les propriétés de surface des domaines. Cependant, il existe des preuves rigoureuses de l’ab-sence de phase ordonnée en dimension 2 [Bin83], ainsi que de sa présence en dimension 3

[Imb84,BK87,BK88]. En conclusion, la dimension critique inférieure du modèle d’Ising en

champ aléatoire est égale à 2.

Cet argument se généralise au modèleO(N ) en champ aléatoire. La seule modification dans la discussion ci-dessus est le coût énergétique du retournement impliqué par le terme d’échange. Lorsque N > 2, celui-ci n’est plus de l’ordre de Ld−1 mais Ld−2. En effet, les spins tournent d’un angleπ à l’intérieur du domaine ; l’angle entre deux spins adjacents est donc à peu près π/L et cela implique une augmentation de l’énergie de l’ordre de (π/L)2 pour ces derniers. En intégrant sur le volume du domaine, la variation de l’énergie est donc

3.3. PROPRIÉTÉS GÉNÉRALES

g = 0.ii L’énergie libreW[h] (Eq. (3.8)) se calcule analytiquement dans le cas gaussien ; on obtient la moyenne thermique du champ :

(3.13) hφ(x)i = T W(1)[h](x) = 1 T Z ySB(2) −1(x, y) h(y) et le propagateur : (3.14) hφ(x)φ(y)i − hφ(x)ihφ(y)i = T2W(2)[h](x, y) =SB(2) −1(x, y)

où SB(2) est l’opérateurT−1(−∂2+ r). La fonction de corrélation de l’Eq. (3.14) ne dépend pas du champ aléatoireh ; sa moyenne est donc triviale et celle-ci s’identifie à Pc. D’autre part, comme attendu dans le modèle gaussien, l’Eq. (3.13) montre que le paramètre d’ordre hφi est nul. En transformée de Fourier, les deux relations précédentes se réécrivent :

(3.15) hφ(q)i = h(q2−q)+ r

et :

(3.16) Pc(q) = T

q2+ r

Le propagateur connecté est donc critique enr = 0. En comparant avec le comportement de l’Eq. (3.11), on obtient η = 0 et ξ∼ r−1/2, c’est à dire ν = 1/2. La fonction de corrélation associée aux fluctuations du désordre est aussi aisée à calculer :

(3.17) Pd(q) = v−1hφ(q)ihφ(−q)i = v−1h(q)h(−q)

(q2+ r)2 = (q2+ r)2 oùv =R

x1 est le volume total.iiiAu point critiquer = 0, le propagateur déconnecté diverge à basse impulsion comme1/q4 et, compte tenu de l’Eq. (3.11), on obtient égalementη = 0.¯ Ainsi, Pd décroit beaucoup plus lentement que Pc à grande distance ; les fluctuations du désordre dominent par rapport aux fluctuations thermiques.

Il est facile de montrer que les autres exposants prennent également leurs valeurs habituelles en champ moyenα = 0, β = 1/2, γ = 1, etc.

A basse dimension, les fluctuations ne peuvent être négligées et l’approximation de champ moyen n’est plus valable. On dérive ici le critère de Ginzburg afin de déterminer

ii. Au dessus de la dimension critique supérieure, le point critique est associé au point fixe gaussien dans le groupe de renormalisation.

iii. Nous avons utilisé la transformée de Fourierh(q1)h(q2) = ∆(2π)dδ(q1+ q2) de la relation h(x)h(y) = ∆δ(x− y).

CHAPITRE 3. LE MODÈLE D’ISING EN CHAMP ALÉATOIRE

la dimension critique supérieure du modèle. Considérons alors un domaine de taille ξd qui caractérise les corrélations du système ; ce dernier étant supposé en phase ordonnée, et proche du point critique. On compare l’aimantation moyenne du domaine M ' ξdm ' ξd−β/ν à ses fluctuations. Ces dernières sont données par :

∆M2 = Z

x∈ξd

Z

y∈ξdhφ(x)φ(y)i − hφ(x)i hφ(x)i = Z x∈ξd Z y∈ξdPc(x, y) +Pd(x, y) ' ξd Pc(q = 0) +Pd(q = 0) ' T ξd+2+ ∆ ξd+4 (3.18)

Nous avons utilisé les définitions de l’Eq. (3.11) ainsi que les valeursη = ¯η = 0 données par le champ moyen. On remarque, là encore, que les fluctuations thermiques sont négligeables par rapport à celles du désordre dans la région critique. AvecM ' ξd−β/ν = ξd−1en champ moyen, on obtient finalement les fluctuations relatives d’aimantation :

(3.19)

√ ∆M2

M ' ∆ ξ3−d/2

L’approximation de champ moyen n’est certainement pas applicable dans le cas où ce rap-port diverge au point critique, c’est à dire pour des dimensions strictement inférieures à 6. Au contraire, pour d > 6, les fluctuations du paramètre d’ordre sont sous-dominantes et peuvent être négligées ; la dimension critique supérieure du modèle d’Ising en champ aléatoire est donc 6.

3.3.3 Méthode des répliques

La moyenne de l’énergie libre sur le désordre (Eq. (3.8)) peut s’exprimer en utilisant la méthode des répliques :