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I. A Les péricyclynes

2. Propriétés des péricyclynes

a) Homoaromaticité

Les péricyclynes perméthylés ont servi d’exemples dans l’étude de l’homoaromaticité de molécules neutres, concept proposé par Winstein en 1959.25

En effet, il est envisageable que les deux systèmes π orthogonaux des péricyclynes puissent donner lieu à de l’homodélocalisation électronique, et/ou à de l’homoaromaticité (Schéma 16). C conjugaison homoconjugaison homoconjugaison dans le plan du [5]péricyclyne homoconjugaison hors du plan du [5]péricyclyne Schéma 16. Exemples de conjugaison et d’homoconjugaison.

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Sur la base de calculs DFT (Density Functional Theory), P. v. R. Schleyer et coll. ont montré qu’en dépit de sa planéité, le [5]péricyclyne, est non homoaromatique.26 Une analyse ELF (Electron Localization Function) à niveau de calcul comparable a été réalisée par C. Lepetit en 2003 pour des [N]péricyclynes (N = 3-6) en vue de pondérer la mésomérie des formes de Lewis localisées et délocalisées (Figure 17).27 Cette analyse a permis de confirmer et de généraliser le résultat de Schleyer. L’homodélocalisation atteint cependant 8 % pour le [3]péricyclyne.

Lewis

forme localisée forme délocalisée

95% 5%

Figure 17. Résonance des structures de Lewis permettant d’évaluer l’homoaromaticité du [5]péricyclyne (pondération ELF).

b) Propriétés physico-chimiques et spectroscopiques

Malgré leur caractère fortement insaturé, les péricyclynes fonctionnels sont relativement stables, à l’instar de leurs représentants perméthylés, dont les températures de fusion sont comprises entre 173 et 250°C. Les déplacements chimiques des protons portés par les substituants du cycle ou directement par celui-ci sont analogues à ceux de composés polyacétyléniques homoconjugués acycliques. L’obtention des hexaoxy-[6]péricyclynes sous forme de mélanges de diastéréoisomères complique les spectres RMN 1H qui présentent généralement un grand nombre de signaux.

L’analyse conformationnelle des [N]péricyclynes a été réalisée par calcul de mécanique moléculaire en utilisant un champ de force MM2.17 Il apparait que les [3] et [4]péricyclynes adoptent une géométrie plane alors que les [5] et [6]péricyclynes peuvent présenter toutes les conformations des cycloalcanes (chaise, bateau, enveloppe), mais aussi celles interdites par les énergies de torsion dans le cas des cycloalcanes (bateau « twisté »). Ces géométries sont permises par une diminution de la tension de cycle apportée par les liens acétyléniques relativement déformables. Les énergies relatives des conformations chaise, bateau et bateau « twisté » du cyclohexane sont respectivement de 0, 5 et 6 kcal.mol-1. Dans le cas du [6]péricyclyne, les calculs indiquent que les conformations correspondantes sont isoénergétiques (Schéma 18). Le [6]péricyclyne se comporte ainsi comme une espèce en

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pseudo-rotation libre pouvant adopter toutes les conformations, plus stables d’environ 2

kcal.mol-1 par rapport à la forme plane.

chaise bateau bateau "twisté"

Schéma 18. Conformations accessibles du [6]péricyclyne C18H12.

La structure d’un stéréoisomère du [6]péricyclyne I-8b, co-cristallisé avec une molécule de solvant (CH2Cl2), a été résolue par diffraction des rayons X (Figure 1).5,24 La structure du macrocycle en C18 est similaire à celle observée pour le dodécaméthyl[6]péricyclyne.28

Figure 1. Diagramme ORTEP du composé I-8b. Distances en Å : C(1)-C(2)=1.478(5) ; C(2)-C(3)=1.188(5) ; C(4)-C(5)=1.162(6) Angles en degrés : C(2)-C(1)-C(3’)=109.9(3) ; C(1)-C(2)-C(3)=178.3(4).

L’hexaéthynyl-hexaméthoxy[6]péricyclyne I-8b adopte une conformation chaise à l’état cristallin. Aucune tendance à l’égalisation des longueurs de liaison n’est observée, les distances moyennes Csp-Csp (1,19 Å) et Csp-Csp3 (1,48 Å) endocycliques étant typiques des

triples et simples liaisons C-C.

Cette configuration où les six substituants éthynyles sont en positions axiales et pointent alternativement de part et d’autre de la molécule, et l’empilement cristallin tubulaire, ont suggéré la conception de nanotubes de carbone par couplage oxydant des trois groupements éthynyles terminaux d’une face d’une molécule avec les trois groupements éthynyles terminaux d’une face d’une autre molécule. La répétition d’un tel processus conduirait à un nanotube de carbone « en zig-zag », enrobé de groupements méthoxy. La

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réduction complète de ce matériau pourrait conduire au nanotube de carbone pur correspondant. Une étude théorique au niveau DFT a été réalisée par C. Lepetit sur différentes structures de ce type (monomère, dimère, tétramère, ou encore dimère à extrémités fermées par des motifs de type carbo-[3]radialènes).29 Les géométries obtenues présentent une section quasi-tubulaire (6,7 Å de diamètre) et les énergies de cohésion calculées sont proches de celle trouvée pour le graphène. La préparation de tels édifices pourrait ainsi être envisagée.

c) Réactivité des péricyclynes

• Les [N]péricyclynes perméthylés à sommets non fonctionnalisés ont permis les premières études de réactivité de cette famille, et ont par exemple été totalement hydrogénées en cycloalcanes correspondants.18

L’affinité des triples liaisons endocycliques vis-à-vis de métaux de transition a également été étudiée. La spectroscopie RMN montre que la cavité des [N]péricyclynes perméthylés (rayon d’environ 2,9 Å pour N = 5) permet la complexation réversible (sous l’action d’ammoniaque) d’ions Ag+ pour N = 5 et 6 (Schéma 19).18 Par ailleurs, le traitement des [5]- et [6]péricyclynes perméthylés par un ou deux équivalents de Co2(CO)8 conduit aux mélanges des complexes où une ou deux triples liaisons non-adjacentes sont coordinées η2

par une unité Co2(CO)6 (Schéma 19).18 Pour le péricyclyne d’ordre 6, seul l’isomère « méta » a été observé alors que l’isomère « para » aurait présenté un éloignement maximal des deux unités dicobalt hexacarbonyle.

N-4 Ag N-4 Co(CO)3 Co(CO)3 N-4 Co(CO)3 Co(CO)3 (OC)3Co (OC)3Co

Schéma 19. Complexation de [N]péricyclynes par des métaux de transition (N = 5, 6).

• La réactivité des péricyclynes a été étendue avec les hexaoxy[6]péricyclynes à sommets carbinols secondaires qui peuvent par exemple subir une oxydation, tels I-11 en tétraphényl-tétraméthoxy[6]péricyclynedione I-12 (Schéma 20).30 Nous reviendrons ultérieurement sur la préparation de cette dicétone.

30 Ph MeO Ph OMe Ph OMe MeO Ph Ph MeO Ph OMe Ph OMe MeO Ph I-11 I-12 59 % OH H H HO MnO2 O O

Schéma 20. Synthèse de la tétraphényl-tétraméthoxy [6]péricyclynedione I-12.

L’addition nucléophile de deux équivalents du triméthylsilylacétylure de lithium sur la [6]péricyclynedione I-12 conduit au dialcynyl-tétraphényl-tétraméthoxy[6]péricyclynediol I-

13 avec 43 % de rendement (Schéma 21).24 Il est à noter que le produit de mono-addition a également été obtenu avec 22 % de rendement, suggérant la possibilité d’addition séquentielle de deux nucléophiles différents.

Ph MeO Ph OMe O O Ph OMe MeO Ph Ph MeO Ph OMe Ph OMe MeO Ph TMS HO OH TMS TMS I-12 2 Li I-13 43 %

Schéma 21. Synthèse du dialcynyltétraméthoxy[6]péricyclynediol I-13 via la [6]péricyclynedione I-12.

La réactivité fondamentale des hexaoxy[6]péricyclynes est leur réduction en carbo- benzènes par action du dichlorure d’étain en milieu acide. Mise en évidence par Ueda et coll. en 1995, elle consiste en l’élimination réductrice de trois motifs 1,4-dioxybut-2-ynes en trois unités butatriènes correspondantes (Schéma 22).7-8 Notons qu’aucun produit de réduction partielle d’hexaoxy[6]péricyclynes en macrocycle présentant une seule ou deux unités butatriènes, n’a encore été décrite. Ceci est simplement interprétable en considérant que l’aromaticité du cycle carbo-benzénique est la force motrice des étapes de réduction finales.

OMe Ar R OH HO R Ar MeO OMe Ar OH R Ar R Ar R Ar R SnCl2 HCl I-4a et I-14a : R = Ar = Ph

I-4b et I-14b : R = Ph, Ar = p-(t-Bu)-C6H4 I-4c et I-14c : R = t-Bu, Ar = Ph

I-4d et I-14d : R = H, Ar = p-(t-Bu)-C6H4

I-4a-d I-14a-d

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