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B-4 Rôle des bactéries marines dans le cycle du carbone

D. Propriétés biologiques et applications industrielles des carraghénanes carraghénanes

D.1 Propriétés biologiques

Les activités biologiques des polysaccharides comme celles des oligosaccharides sulfatés dépendent de diverses caractéristiques structurales, telles que le degré de sulfatation et la position de ces groupements, le poids moléculaire, le type de sucre ou encore les liaisons glycosidiques (Huamao et al., 2011). On note par ailleurs que la plupart des activités biologiques connues des carraghénanes sont liées à leur sulfatation et à leur ressemblance structurale avec les glycoaminoglycanes (GAGs). Cette famille de polysaccharides sulfatés extraits de la matrice extra-cellulaire animale, dont les principaux représentants sont l’héparine, la chondroïtine, ou le dermatane, est impliquée dans des mécanismes cruciaux pour les animaux.

D.1.1 Propriétés anti-coagulantes et anti-thrombiques

Les propriétés anti-coagulantes des carraghénanes sont bien connues (Carlucci et al., 1997 ; Yamada et al., 2000). Ils agissent de façon similaire à l’héparine, qui est à l’heure actuelle l’anticoagulant le plus utilisé dans la prophylaxie et le traitement de la thrombose (formation de caillots dans le sang) (Kakkar & Hedges, 1989). La densité en charge des carraghénanes n’est pas seule responsable de leur activité anticoagulante, comme le montre l’étude portant sur un carraghénane extrait de l’algue rouge Botryocladia occidentalis qui interagit avec les facteurs de coagulation de façon régiospécifique (Farias et al., 2000). Compte tenu des effets secondaires associés à l’utilisation thérapeutique de l’héparine, la

recherche de nouveaux agents anti-coagulants est toujours active, et les carraghénanes comme les oligocarraghénanes, seraient des candidats naturels pour le traitement clinique de la thrombose. Néanmoins, malgré la multitude de polysaccharides sulfatés présentant des activités anti-coagulantes, l’héparine n’en demeure pas moins l’anticoagulant le plus efficace encore à ce jour.

D.1.2 Propriétés anti-tumorales

La littérature scientifique fournit des informations contradictoires sur les effets anti-tumoraux des carraghénanes, qui ont été résumés récemment dans une revue pharmacologique portant sur les propriétés anti-tumorales de polysaccharides non amidonnés (Khotimchenko, 2010).

A la fin des années 80, des études présentaient déjà le caractère anti-tumoral des carraghénanes. Des tests cliniques réalisés sur des rats montraient que des métastases du poumon étaient significativement réduites par l’utilisation de divers polysaccharides sulfatés, dont les plus efficaces sont l’héparine, le fucoïdane et le λ-carraghénane (Coombe et al., 1987). Le -carraghénane n’a par contre que peu d’effets dans ce système (Parish et al., 1987). Les propriétés anti-tumorales du λ-carraghénane sont dues à l’inhibition d’héparanases exprimées par les cellules cancéreuses et impliquées dans la pénétration de l’endothélium vasculaire et de sa membrane basale par ces cellules tumorales (Parish et al., 1987). Les carraghénanes inhibent également la fixation de certains facteurs de croissance à leur récepteur membranaire (Faham et al. 1998). La production aberrante de facteurs de croissance étant associée à de nombreux désordres comme la prolifération et la néovascularisation des tumeurs (Baird & Bohlen, 1991), les carraghénanes seraient potentiellement des agents anti-cancéreux sélectifs (Hoffman, 1993 ; Hoffman et al., 1995). La recherche d’activités anti-tumorales suscite toujours un fort intérêt, et encore récemment, des études ont montré le potentiel des oligo-λ-carraghénanes pour leur propriétés anti-tumorales et d’immunomodulation chez des souris (Zhou et al., 2004 et 2005). L’importance de modifications chimiques (et notamment de sulfatation) pouvant améliorer ces effets et booster l’immunité anti-tumorale, vient d’être mise en évidence avec des oligo--carraghénanes modifiés (Yuan et al., 2011).

Cependant, on ne peut pas parler des activités anti-tumorales des carraghénanes sans mentionner les recherches de Tobacman, même si elles ne font pas la part belle à ces polysaccharides. D’après son étude, réalisée sur différents modèles animaux, il semblerait qu’une ingestion importante de carraghénanes de faible poids moléculaire, puisse être à l’origine d’ulcères et de tumeurs intestinales (Tobacman et al., 2001). Quelques années plus tard, Tobacman et son équipe démontrent à nouveau que l’exposition de cellules intestinales épithéliales humaines cette fois avec des carraghénanes ingérés, entrainerait une mort cellulaire accrue, et réduirait la prolifération et le développement cellulaire en comparaison avec des cellules contrôles non exposées (Tobacman et al., 2008). Plus récemment, leurs études montrent que l’ingestion des carraghénanes par le biais des additifs alimentaires, réduit l’activité sulfatase dans les cellules humaines provoquant une augmentation des glycoaminoglycanes sulfatés, avec des conséquences potentielles sur la structure et les fonctions de processus cellulaires vitaux (Yang et al., 2012).

Afin de déterminer quel facteur prévaut sur l’autre entre les activités anti-tumorales et les possibles activités cancérigènes des oligo-carraghénanes, les recherches sur le sujet sont activement poursuivies.

D.1.3 Propriétés anti-virales

Les polysaccharides sulfatés sont connus pour avoir des propriétés antivirales. Les carraghénanes ne font pas exception, et il a été montré qu’ils pouvaient inhiber sélectivement la réplication de certains virus sexuellement transmissible, notamment le virus du VIH (Virus de l’Immunodéficience Humaine) communément appelé SIDA, ou encore celui de l’hépatite A (Witvrouw & DeClercq, 1997). Dans le cas de ce dernier, le κ-, le ι-, et le λ-carraghénanes présentent des indices de sélectivité nettement supérieurs à celui de la ribavirine, qui est la substance anti-virale de référence pour cette infection (Girond et al., 1991). Les carraghénanes bloqueraient en fait l’étape d’adsorption des virus à la surface des cellules épithéliales (Pearce-Pratt & Phillips, 1996 ; Carlucci et al., 1997, 2002 et 2004). L’activité antivirale des carraghénanes vis-à-vis de virus opportunistes, tel que l’herpès (HSV) a également été démontrée (Carlucci et al., 1997). Cette activité augmenterait avec le poids moléculaire et la sulfatation, faisant des λ-, µ- et ν-carraghénanes de bons candidats (Witvrouw et al., 1994 ; Kolender et al., 1997). Le ι-carraghénane a montré un pouvoir

inhibiteur très important vis-à-vis d’infections aux papillomavirus (Buck et al., 2006 ; Roberts et al., 2007). Dans de toutes récentes études, il apparait que les oligo--carraghénanes présenteraient même une activité contre le virus de la grippe A (Wang et al., 2012).

Les carraghénanes sont des candidats sérieux pour le traitement d’infections virales. Le ι-carraghénane est d’ailleurs passé en tests cliniques pour son aptitude à bloquer la transmission du virus du SIDA via les muqueuses (Elias et al., 1997). Une application thérapeutique du carraghénane, le Carraguard®, a été à l'étude sur 6000 femmes en Afrique du Sud entre 2004 et 2007 pour lutter contre le VIH. Les résultats, bien que concluants lors des expérimentations animales, n’ont pas été positifs pour le cas complexe des humains, mais ont permis d’obtenir un jeu de données indispensable pour les études suivantes (Campagne Mondiale pour les Microbicides, 2009).

D.2 Signaux de défense et de virulence dans les interactions