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Résumé des observations

6.2 Propositions de solutions

Les manuels scolaires sont ce qu’ils sont, émaillés de biais, renvoyant une image de l’adolescent possiblement peu propice à son développement individuel, mais le but n’est pas ici de critiquer gratuitement le manuel et son fontionnement. Au contraire, il s’agit bien plutôt de prendre conscience de ce fonctionnement pour pouvoir ensuite le détourner de manière positive. Il sera donc ici question d’une approche constructive possible à ce type de problème, en classe notamment, et de ce qu’un enseignant peut faire pour intérpréter le manuel d’une façon à mettre en évidence et donc à contrecarrer le biais, et de la nécessité d’une telle attitude.

J’ai déploré ici l’absence de mises-en-scènes d’expériences négatives et d’éléments sombres ou dérangeants dans le texte et critiqué cette tendance à l’aseptisation et le port de lunettes roses du manuel parce que cette tendance priverait entre autres les élèves d’outil pour faire face à leurs problèmes. Certes l’on pourrait se dire—mais on ne peut pas commencer à mettre des histoires noires et politiquement incorrecte dans un manuel scolaire, ça déprimerait les élèves ! Et pourtant ces représentations, selon moi, n’empêcherait en rien l’esprit positif et plein d’espoir dont chaque individu a besoin pour se développer. Comme l’écrit Gulliver (2010), « opening up our classrooms—and, more specifically, our instructional materials—to a wider range of discourses does nothing to diminish this hopefulness. » (p.742). Au contraire : « Acknowledging a diversity of perspectives adds to this hope a sense of trust that the learners will be better able to critically engage with multiple representations in these texts (p.742). Il n’est à mon sens pas suffisant d’éditer des manuels présentant des adolescents aux peaux bigarrées—même si cela parait déjà être une amélioration--sans jamais adresser le problème du racisme, dont nombre de jeunes souffrent, et en faisant semblant qu’il n’existe pas. Il faut plutôt traiter ce problème explicitement pour ce qu’il est, et en faire une partie intégrante du contenu du manuel.

Avant toute chose—et c’est là l’intérêt de ce travail—l’enseignant doit devenir conscient des biais contenus dans son matériel d’enseignement, et, en même temps être conscient aussi de la diversité des identités présentes dans sa classe. L’on pourrait dire, en adaptant légèrement à notre propos l’énoncé de Gulliver (2010)—qui nous parle d’immigrants là où nous parlons d’adolescents--que : « it is our responsibility to become aware of the role that instructional marerials play in the promotion of discourses that marginalize [teenagers] », et de rajouter : « Teachers of English to [teenagers], should be careful to acknowledge the diversity of [teenagers’] experiences that may lead the students to not recognize themselves in these stories. » (p.741).

ESL textbooks and teachers can nurture students’ sense of agency [...] by increasing their orientation to difference. Providing more significant space in the textbook and the classroom to a wider variety of [teenage] experiences and [teenage] voices will increase the level of dialogicality and the orientation to difference in ESL textbooks. The opportunity to encounter a diversity of discourses—a necessity of any education for critical citizenship—disrupts authoritative imaginings, making room for a wider variety of subject positionings. (p.742).

C’est donc à l’enseignant de rendre la matière multiple, multuculturelle, au sens large, évidemment, du mot culture. Pas seulement la culture ethnique, mais la culture dans sa globalité, dans le sens de comportements et modes de pensées humains. De plus cette pluralité devrait être intégrée au contenu du manuel. Il ne faudrait pas seulement montrer, par exemple, les rites de passage à l’âge adulte d’autres ethnies de la perspective occidentale, mais de décrire l’expérience de ce rite du point de vue, de la perspective de l’adolescent autre pour véritablement intégrer, au sens de Bakhtin, un élément dialogique :

Acknowledging a diversity of perspectives adds to this hope a sense of trust that the learners will be better able to critically engage with multiple representations in these texts. A diversity of perspectives disrupts the already-imagined communities and authoritative discourses so as to foster more inclusive imagining communities that critically engage in discussion about who we are and who we want to be. (p.742, mes italiques)

Une approche telle que celle-ci serait davantage en mesure, me semble-t-il, d’aider les adolescents à découvrir, dans ce moment charnière du développement de la personnalité, qui ils sont et qui ils veulent

être, et de développer leur identité propre.

L’une des manières d’entamer ce processus est de, comme nous l’avons mentionné précedemment, rendre les élèves conscient des mécanismes de biaisage qui sous-tendent leurs manuels. Ndura propose d’aborder le problème de la façon suivante :

Students must be made aware of textbook biases and their effect on their learning process, self-image and society This can be done through careful selection and adaptation of instructional materials as well as inclusive and empowering teaching and classroom management strategies. (Ndura 2004, p.149)

Si la sélection de matériel éducatif ne suffit parfois pas car les documents disponibles présentent tous les mêmes défauts, il reste toujours à l’enseignant une grande marge au niveau de l’adaptation et de la présentation du matériel. On peut par exemple envisager de mettre en œuvre des activités critiques en classe où les biais dans les manuels sont exposés et discutés avec les élèves : « teachers must expose

these issues, uncover relevant biases and actively engage the students in reflective and critical discussions of alternative perspectives and answers to perplexed question » (Ndura 2004, p.151).

L’enseignant a aussi toujours l’option de créer son propre matériel supplémentaire. Si le manuel offre une image incomplète de la société, complétons-là ! Ndura suggère la stratégie suivante : « one effectve way to counter the development of stereotypes and other forms of bias is to use a variety of resources that present multiple perspectives about people and issues. »(p.151).

Une autre perspective à exploiter est certainement celle de l’élève lui-même. Comme Ndura propose de faire avec les apprenants étrangers de l’anglais—de les laisser parler de leur culture et de leurs expériences d’acculturation, je propose de faire de même pour les adolescents, en les incitant à parler de leur « condition » d’ado, de comment ils vivent cette période et de quoi est constituée leur « culture » et leur identité d’adolescent et de personne. « Listening to their stories », écrit Ndura, « would not only empower them but also enrich their teachers and classmates. This will help dispel some biases and misconceptions about their lives and those of other [teenagers]. » (p.151).

C’est une manière pour nous, en tant qu’enseignants, de favoriser le développement personnel, intellectuel et social de nos élèves et de leur permettre d’aiguiser leur regard sur eux-mêmes et sur le monde dans lequel ils évoluent.