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Proposition d’un système de médiation pour faciliter la coopération

CHAPITRE 6. Un système de médiation pour les systèmes coopératifs

6.2. Le concept de système de médiation

6.2.2. Proposition d’un système de médiation pour faciliter la coopération

Pour faciliter l’utilisation des applications coopératives et des collecticiels, nous avons proposé de les interfacer à un système de médiation. Ce système prend en charge les relations entre utilisateurs appartenant à un groupe de travail et les relations entre les utilisateurs et l’application elle-même. Il facilite la coopération cognitive et participe au processus de création de connaissances collectives.

6.2.2.1. Les systèmes de coopération cibles

Appréhender la conceptualisation d’un système de médiation, oblige le concepteur à bien le distinguer du système coopératif cible. Les systèmes coopératifs que nous avons considérés sont destinés à l’enseignement ou à la conception collaborative de produits. Dans de tels systèmes, les pratiques collectives sont principalement : l’allocation des tâches selon les compétences des acteurs, la synchronisation des actions et la synchronisation cognitive pour partager les connaissances, la gestion des conflits, et de multiples actions de communication

(Darses, 2005). Le système coopératif doit donc offrir des fonctionnalités propres au

déroulement de l’activité collective et permettre aux partenaires de la conception de coopérer pour : identifier et distribuer les buts et sous-buts, partager les définitions, répartir les tâches à réaliser, suivre l’évolution de l’activité, évaluer les résultats de la conception collective. La conception des applications coopératives elles-mêmes n’est pas l’objet de ce chapitre, cependant, pour une meilleure distinction des éléments constitutifs de l’application cible et de son système de médiation, nous avons fait l’hypothèse qu’elle adopte le modèle de Malone et Crowston (1994). Ce dernier définit un système coopératif en fonction de trois types de taches coopératives : le partage de ressource, l’ajustement et le contrôle de flux des tâches.

La conception des collecticiels repose sur la mise en œuvre de services logiciels adaptés aux besoins de la collaboration. Le modèle des 5Co décrit ces services. La séparation entre ces

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cinq facettes du modèle est bien entendu artificielle, mais nous conserverons néanmoins ces facettes comme références à la conception participative, puisqu’elles sont implicitement invoquées par la majorité des concepteurs de systèmes coopératifs.

Quant à l’assistance à la coopération, elle dépend du cadre conceptuel de cette dernière. Tout comme Salembier (2002), nous distinguons deux types d’assistance : l’assistance par la régulation prescriptive et l’assistance par la régulation émergente. Le concept de système de médiation permet de couvrir ces deux types d’assistance, cependant, nous avons commencé par nous focaliser sur la première ; la régulation émergente fait l’objet des expérimentations actuelles sur l’amélioration du partage de contexte dans le cadre de la thèse de Jing Peng.

6.2.2.2. Définition du système de médiation

Un système de médiation est un intermédiaire de coopération entre les utilisateurs et le système, et réciproquement. Les processus dynamiques, coopératifs et autonomes nécessaires à cette interaction doivent donc intégrer une représentation des connaissances et des comportements de l’utilisateur et posséder de réelle capacité à communiquer.

Les bénéfices attendus de l’intégration d’un système de médiation dans un système coopératif sont les suivants : proposer aux utilisateurs un espace d’activité privé et un espace publique pour partager les informations ; laisser l’opportunité aux utilisateurs de travailler individuellement ou de façon coopérative ; faciliter l’identification, l’assistance et le suivi des taches coopératives. Par accomplir ces tâches le Médiateur a besoin d’observer puis interpréter les interactions entre les acteurs et le système coopératif. Pour répondre à ces objectifs, notamment sur les caractéristiques implicites de coopération et d’assistance à l’utilisateur, nous avons proposé que la conception et le développement de l’acteur Médiateur soient orientés agents (proposition P3, p.90). Bien évidemment, de l'identification et de la distribution des agents, dépendra l'efficience de l'interaction entre les acteurs (humains et/ou artificiels). La figure 27.b présente le diagramme d’activité de principe du Médiateur (Ospina et al., 2005). Celui-ci respecte le schème de l’acteur cognitif présenté dans la figure 12 du chapitre 4.

Système d’exploitation

Acteur individuel Collectif d’acteurs

Application Cooperative

Couche des acteurs

Couche d’interaction

Couche des services de coopération

Couche système

Bureaux d’activité

Médiateur

(a)

Acteur A Médiateur Acteur B

Observation Action Décision Interpretation Activité of A Tâche A1 Tâche An Tâche A2

….

….

Activité of B Tâche B1 Tâche Bn Tâche B2

….

….

(b)

Figure 27. a) Le Médiateur intégré dans une application coopérative ; b) son schème d’activité Le Médiateur est intégré dans un groupe de travail composé d’acteurs humains, ce qui signifie qu'il est en mesure d’interagir et de coopérer avec eux. Pour cela il doit accomplir les tâches cognitives d’observation, d’interprétation, de décision et d’action. Bien entendu la portée de ces tâches est plus limitée que celle d'un acteur naturel ; elles lui permettent cependant de communiquer des informations coopératives pertinentes aux différents membres du groupe. L'observation des actes de coopération réalisés par des acteurs travaillant dans des espaces coopératifs proxémiques (Movahedkhah, 2006 ; Fougères et al., 2006), puis distants, nous a permis d'identifier un premier niveau d’interactions nécessaires à la pertinence d'une médiation

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96-dans un espace coopératif distant, et correspondant aux fonctions des 5Co. Pour spécifier le cadre interactionnel entre les agents du Médiateur nous avons défini un langage dont les principaux éléments ont déjà été présentés dans le tableau 4 (§4.3.2). La coopération entre le

Médiateur et les autres membres du groupe d'acteurs peut paraître problématique. Nous

faisons de nouveau une hypothèse forte de coopération (Grice, 1975). Les maximes de Grice, bien qu'initialement énoncées comme principe de coopération linguistique, sont fréquemment invoquées dans des cadres plus généraux d'interactions : (a) toutes les communications établies lors d’activités coopératives doivent suivre les prémisses de quantité, de clarté et de véracité, pour garantir une collaboration effective ; et (b) le système de médiation doit fournir à l’utilisateur la quantité d’information strictement requise ; il doit communiquer des messages ou connaissances vrais, clairs et non ambigus. Ainsi un contexte coopératif spécifique est établi selon un contrat social, qui s’apparente aux maximes de Grice. La figure suivante schématise les trois niveaux de la TA (Leontiev, 1978) appliqués à l’activité du système de médiation.

Activité Objet Médiation : activité menée par le système de médiation

Tâches réalisées par les agents du système de médiation

Compétences opérationnelles des agents du système de médiation

Action But

Opération Conditions

Figure 28. Structuration hiérarchique des activités du système de Médiation

6.2.2.3. Modèle à base d’agents du Médiateur

Le paradigme agent est bien adapté au travail collectif (cf. Chapitre 5) ; chaque agent possède une connaissance parcellaire et tous coopèrent pour un objectif global. La modélisation des agents consiste à définir leur architecture, les connaissances adaptées à leurs activités, leurs modes de communication et d'interactions, et leur organisation. Une façon simple de s’assurer un comportement cohérent du groupe d’agents consiste à spécifier un agent centralisateur, qui détient des informations de haut niveau sur ces agents. Ainsi, l’agent centralisateur pourra créer des plans d’action et allouer les tâches aux divers agents du groupe – nous l’appellerons agent de contrôle. Il existe bien d’autres structures organisationnelles (Drogoul et Collinot, 1997), couvrant le spectre de la subordination à l’auto-organisation ; cette dernière restreignant moins le caractère autonome des agents. Ce choix de structure organisationnelle hiérarchique statique correspond uniquement à notre souci de faciliter les premières expérimentations de la méthodologie de conception du Médiateur.

Description des agents. Dans le chapitre 4, nous avons indiqué que la définition retenue pour que les agents aient des comportements adaptés aux tâches qu’ils réalisent, suit le modèle à 3 niveaux de l’opérateur de Rasmussen (1983). L’acteur Médiateur a un comportement de quatrième niveau (figure 12) ; grâce à ses agents, il observe, interprète, décide, puis agit et mémorise. Dans le cas des agents du Médiateur, le deuxième niveau est efficient (figure 13.b). Chaque agent joue un rôle prédéfini, fonction de ses compétences (figure 29). La coordination centralisée des agents est assurée par un agent de contrôle. Les règles de décision de chaque agent sont regroupées dans une table individuelle, contenant des triplets ECA94. Pour échanger des informations, se demander des services ou dialoguer, les agents du Médiateur communiquent selon le cadre interactionnel défini au chapitre 4 (cf. § 4.1.3.3).

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Les agents du Médiateur. Après avoir identifié l'ensemble des interactions potentielles entre les acteurs humains et le Médiateur, nous pouvons concevoir les agents spécialisés qui permettront au Médiateur d'assurer son rôle de médiation (cf. les 5Co). Chaque tâche du

Médiateur, ou mise en œuvre d’une compétence, est réalisée par un agent spécifique : le

système coopératif interagit avec le système de médiation au travers d’agents <Observateur>; l’agent <Contrôle> supervise tout le système d’agents, il interprète et s’appuie sur les agents <Connaissances> (par conséquent sur la BC), <Co-mémorisation>, <Suivi_Activité> et <Coordination>, pour prendre des décisions et agir ; les acteurs humains et le Médiateur communiquent grâce à l’agent <Communication>. Les compétences de ces agents sont répertoriées dans le tableau suivant (tableau 12).

Agents Rôles

<Contrôle> Contrôler l’assistance aux utilisateurs

<Communication> Communiquer avec les acteurs

<Connaissance> Gérer la base de connaissances

<Suivi> Gérer le suivi et l’organisation de l’activité coopérative

<Coordination> Assister la coordination des acteurs

<Mémorisation> Gérer la mémoire d’activité

<Observationi> Obtenir des informations sur les opérations coopératives

Tableau 9. Les compétences des agents du Médiateur

<Contrôle> <Connaissance> Base de connaissances <Suivi> <Mémorisation> <Observation : A1> <Coordination>

Bureau d’activité Application coopérative Acteurs individuels et collectifs <Communication> <Observation : An>

Figure 29. L’architecture à base d’agents de l’acteur Médiateur

La projection des compétences des agents dans le schème d’activité du Médiateur, permet de définir que : la tâche « observer » sera réalisée par des agents <Observateur> spécialisés dans l'acquisition d’informations de coopération médiatisées par le système coopératif ; les tâches « interpréter » et « décider » seront réalisées par les agents <Connaissance> et <Contrôle> ; le suivi de l’activité coopérative sera réalisé par l’agent <Suivi> ; la mémorisation par l’agent <Mémorisation> ; et la tâche « agir », relative, par essence, à la communication d’informations pertinentes pour la coopération (communication pour agir), sera réalisée par l’agent <Communication>. La coordination est centralisée au niveau de l’agent <Contrôle>. La figure 29 présente l’architecture agent du Médiateur. Le système coopératif y est divisé artificiellement en deux parties pour faciliter la compréhension du schéma. Les agents <Observateur> sont

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98-spécialisés par modes de coopération, alors que l’agent <Communication> est unique (ie, réalisation de tâches de mêmes natures).

6.2.2.4. Un cadre méthodologique pour la conception de systèmes de médiation

Un système de médiation étant un SBC, nous avons adopté une démarche d’ingénierie des connaissances. Ainsi, Victoria Ospina (2007) a proposé dans sa thèse les éléments d’une méthodologie de conception de systèmes de médiation, comportant trois phases principales :

1) La faisabilité, composée de trois tâches : (1) l'identification et la description du domaine, des acteurs et des activités, réalisée à l’aide des modèles d’organisation, d’acteur et de tâche de CommonKADS ; (2) l'évaluation du degré de coopération dans l’activité ; (3) la décision d’instrumenter, ou non, une assistance de type médiation pour cette activité.

2) La spécification, définissant : (1) le modèle d'activité réalisé en utilisant le modèle d’Engeström (1999) ; (2) le modèle de l'acteur Médiateur (architecture agent et interactions modélisées avec des diagrammes de séquence d’UML) ; (3) l’identification des compétences du Médiateur, nécessaires pour assister les tâches collectives identifiées.

3) La conception, comprenant : (1) la conception des agents du Médiateur (diagrammes de classe/activité UML) ; (2) l’élaboration de scénarios d’interaction et de collaboration entre ces agents (diagrammes de séquence/collaboration UML) ; et (3) la conception de la BC. Il est souhaitable que la conception du système de médiation soit réalisée en même temps que celle du système de coopération cible. Cette conception concourante, dans une démarche de conception ascendante, favorise la prise en compte des caractéristiques et des attentes des futurs utilisateurs dès les premières phases de développement des deux systèmes.