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L’hyperactualisation des informations rend l’influence des médias

grandissante. Les médias assurent l’accès transparent à l’information politique

des citoyens, et permettent également à ces derniers d’exprimer leur jugement

sur les actions de l’État. 47% des citoyens souhaitent être associés à celles-ci

plutôt qu’être considérés comme des usagers à satisfaire (cf. l’annexe 1 pour

un sondage réalisé par l’institut CSA). Quant au système web gouvernemental,

de s’exprimer rapidement sur la décision et l’action étatique. Le web interactif

2.0 est un outil à double tranchant pour le décideur : il est un outil auxiliaire de

température de l’opinion au service du gouvernement, comme il peut aussi le

déstabiliser. En affichant sur le même écran et le discours du chef de État et les

commentaires qu’il suscite parmi les internautes, le système crée l’illusion d’une

égalité factice.

A travers les réflexions menées sur la communication de N. Sarkozy et

de J. Koizumi, l’importance de communiquer avant d’agir devient claire. Les

deux hommes politiques partageant une certain croyance dans les médias, la

réactivité est une stratégie importante pour entretenir de bonnes relations avec

eux. Ainsi, les espaces de libre interprétation laissés parfois aux journalistes

sont circonscrits. Autre moyen important de verrouillage : parler d’une seule

voix avec des éléments de langage concertés pour éviter tout déraillement du

message, en particulier lors des premières annonces. Il est important que

celles-ci ne soient pas rapportées par un commentateur mais annoncées de

vive voix pour ne pas introduire de biais dans le discours ni brouiller par des

rumeurs médiatiques la réception du message.

Dans ce contexte, sera recherchée la maximisation de la

communication du chef de l’exécutif tout en évitant de dévaloriser la

parole des autorités. Mais si le discours officiel révèle un visage public et

choisi de l’autorité, d’autres éléments existent pour juger de sa crédibilité. Soit

le burasagari kaiken de J. Koizumi pendant lequel les journalistes posent des

questions libres sur les thèmes politiques ou footballistiques... soit les scènes

de jogging de N. Sarkozy ou des recherches approfondies sur interne,etc.

serviront aux spectateurs à se fabriquer un jugement sur l’opinion générale, la

fiabilité de l’homme politique en question et la pertinence de l’action proposée

en l’espèce.

Ainsi, les relations de confiance avec les médias peuvent servir aux

politiques pour soigner leur image populaire, légitime et humaine, comme pour

favoriser leurs engagements politique. Ceci est extrêmement intéressant

également au niveau financier car une campagne gouvernementale à travers

l’achat d’espaces est souvent coûteux, de sorte qu’il est plus efficient d’utiliser

quotidiennement les médias sans les payer directement.

3.2. Proposition sur l’émetteur – renforcer la légitimité,

l’efficacité et la flexibilité

Si un lien étroit avec les médias constitue une condition préalable à la

réussite de la communication des chefs de l’exécutif, cette stratégie doit se

concrétiser par une organisation adéquate de la communication. Dans le cas

des exécutifs français et japonais, tous les deux disposent encore / disposaient

d’une équipe compétente et fonctionnelle pour gérer les relations avec les

médias et du SIG ou d’un cabinet privé pour établir un plan de communication

stratégique et opérationnel pertinent.

La réforme évoquant un changement d’état incrémental ou radical, la

communication sur la réforme doit insister sur la continuité du service actuel,

pérennisé et amélioré grâce aux mesures prises. Face à la critique ou à la

pression des médias et des citoyens, les hommes politiques doivent transmettre

un message ferme et clair, tout en calibrant leur message selon le degré

de soutien des citoyens à la réforme.

Ainsi, dans le but d’assurer l’efficacité et la flexibilité de la

communication sur le changement, il me paraît préférable que l’émetteur

dispose d’une palette de moyens de communication à fort impact et sur

plusieurs supports, exprimée dans une phrase généralement courte et

parlante. Au moment de la réforme, se télescope un flux d’information plus

intense que la normale, caractérisé par une chaîne de commande et de

responsabilité souvent compliquée à élaborer.

Quelques règles simples se dégagent toutefois : le message adressé

au citoyen, en tant qu’usager se situant en dernière ligne en terme de

responsabilité, mais le premier à subir les conséquences de la réforme,

s’articule autour d’un spot télévisé de trente secondes maximum et

l’affichage de slogans concis. Ces approches n’envisagent pas de

comprendre les tenants et aboutissants de la réforme en une seule fois, mais

incitent les usagers à approfondir leur connaissance sur d’autres supports. Une

fois le message passé, l’émetteur peut cibler sa diffusion sur un certain public,

soit sous forme de débat public traditionnel, ou sur internet – en sachant qu’il

sera ici exposé aux commentaires parfois acerbes des internautes.

Seconde règle importante : il faut distinguer la communication

politique et l’information publique.

La communication politique est régie par le principe de

responsabilité : qui parle est aussi considéré comme responsable. C’est

pourquoi « le message sans visage » doit être évité car il décrédibilise les

actions politiques. Il est ainsi préférable que la communication politique

s’accompagne de quelques symboles : au Japon, J. Koizumi a symbolisé la

réforme à lui tout seul, avec les « assassins » ou « enfants de Koizumi ». Par

contre, en France, le débat des retraites, sans symboles propres, a été parasité

par d’autres thèmes : celui des rapports entre pouvoir et argent à travers le cas

de l’affaire Bettencourt ; celui de l’identité nationale et de la lutte contre

l’immigration clandestine à travers le traitement des Roms à la lumière du droit

européen : autant de thèmes symboliques subis plutôt que choisis par un

pouvoir sans fort soutien populaire. Nous pouvons faire l’hypothèse que ces

thèmes marqués politiquement, et arrivant au même moment que la réforme

des retraites sur la place publique, ont pu perturber la communication sur une

réforme qui ambitionnait d’être consensuelle et transpartisane.

La communication publique n’obéit pas aux mêmes principes ni aux

mêmes règles, même si certains rapprochements peuvent être faits : sa

position est délicate, en ce qu’il faut la placer à proximité des décideurs

politiques pour assurer la meilleure coordination possible, tout en

garantissant la neutralité et l’objectivité du message : les spots télévisés

s’achèvent en précisant qu’il s’agit d’« un message du gouvernement »

explicitant la réforme votée par les représentants du peuple ; les affiches de

différentes villes japonaises rassemblent les citoyens par un slogan rappelant le

propre du service public : « le japon qui peut aimer chacun ». Ces initiatives

remplissent un devoir civique d’information sur le changement, en même

temps qu’elles vont dans le sens souhaité par les décideurs, et leur

permettent d’ajuster leur propre discours à la réception qui leur sont

réservées. Ces campagnes publiques contribuent donc indirectement à

l’enracinement de la culture de communication dans l’administration, où

l’information peine souvent à circuler .

3.3. Proposition sur le récepteur – associer les citoyens

à la décision

Pour qu’une communication soit efficace, elle doit informer, impliquer,

faire comprendre et susciter le soutien des actions publiques. Elle doit être

« sur mesure », c’est-à-dire que pour réaliser une communication pertinente, il

faut optimiser les conditions de réception et de compréhension des messages.

A cet effet, il est préférable que les citoyens soient associés d’une façon

ou d’une autre dans la procédure de prise de décision, au-delà des

mécanismes représentatifs traditionnels, par les syndicats, les

représentants catégoriels ou via le mécanisme de référendum populaire

prévu par l’article 11 depuis la révision constitutionnelle de 2008..

En effet, si dans les deux cas – réforme des retraites et réforme

postale – l’adoption de la loi demande naturellement l’implication des députés et

des conseillers à la Chambre des représentants, le sentiment de faire partie de

la prise de la décision peut optimiser l’acceptation de la loi. Si d’importantes

manifestations relatives à la réforme des retraites ont continué même après

l’adoption de la loi, c’est le signe d’une association perfectible et d’une

incompréhension manifeste, malgré le maillage serré sur le territoire des

administrations de l’État. Bien que les éléments de langage diffusés depuis

l’administration centrale aux préfectures de département portant sur la réforme

des retraites ont certainement contribué à un message plus homogène, la

perception par les parties prenantes d’un débat public vicié a probablement

affecté les désaccords entre syndicats et gouvernement, qui ont persisté de

façon aussi vive après le 9 novembre 2010, date d’adoption de la loi, qu’avant.

A cet égard, la réforme postale donne l’exemple contraire : le jour même du

refus de la loi par la Chambre des conseillers, la Diète était dissoute et de

nouveaux élus adoptaient bientôt la loi. Malgré la théâtralisation de cette

procédure, le but poursuivi s’inscrivait dans cette recherche d’association : le

Premier Ministre Koizumi a bien précisé que la dissolution avait pour objectif de

solliciter l’avis des citoyens sur la réforme postale, donc non seulement de les

associer mais aussi de les ériger en « juge de paix ».

compte de la différence culturelle. Comme nous l’avons vu dans la première

partie de ce travail, la perception des autorités, le comportement dans un

groupe, la manière d’exprimer les émotions, etc. diffèrent dans deux pays

distincts, de sorte que la communication – styles de discours et modalités pour

parvenir au consensus – doit être adaptée à ces caractéristiques.

Par exemple, au Japon les changements très rapides de gouvernement

se traduisent souvent par l’inachèvement du mandat du Premier Ministre en

raison d’une pression médiatique soutenue par le taux extrêmement bas de

soutien citoyen. Dans ces circonstances de faible confiance vis-à-vis des

gouvernements en général, il est difficile d’impliquer le public dans le débat de

l’agenda politique. Au contraire, en France, les élections législatives et

présidentielles bénéficient d’un taux de participation relativement fort. Mais les

thèmes sensibles ne seront pas les mêmes : les conflits entre l’intérêt général

et les libertés individuelles seront au cœur des débats, alors que les mesures

restreignant les libertés individuelles rencontrent en général moins de réticence

au Japon.

Ainsi, les défis de communication en matière de conduite du

changement au Japon relèvent surtout de l’implication des citoyens :

J. Koizumi a répondu à l’équation en payant de sa personne et en incarnant la

réforme postale à travers la télépolitique et l’élection à la Chambre de

représentants, vécue comme une véritable « performance » à la source de la

légitimité du gouvernement. Le contrat de confiance établi entre le chef de

l’exécutif et les citoyens a contribué de manière décisive à l’aboutissement de

la réforme. Une fois la loi adoptée, sa mise en œuvre a été facilitée par

l’utilisation du réseau de communication publique des opérateurs privés, qui ont

mis en avant la Poste-Japon comme relais de proximité.

Dans le cas de la France, au contraire, l’implication des citoyens est

rendu moins difficile par une attention aux cas individuels plus soutenue qu’au

Japon, une société marquée plus fortement par le collectif. Les manifestations

relatives aux réformes des retraites démontre l’attitude française tendant à

défendre les intérêts acquis à tout prix en dépit de la considération collective du

maintien d’un système. A cet égard, la vraie difficulté de la communication

gouvernementale française sur la réforme a été de créer du consensus.

Face à des profils variés de citoyens en terme culturels et

socio-économiques, la communication personnalisée par les spots radio et

télédiffusés relatifs aux situations individuelles a été considérée comme la plus

efficace.

Par conséquent, dans les deux cas, il est important d’envisager une

communication active de la part des gouvernements, y compris au niveau

le plus élevé : lancer la campagne pour répondre au besoin d’information avant

que la méfiance ne s’installe parmi le public ; diffuser des réponses

personnalisées avant que les citoyens ne décrédibilisent la réforme en

s’indignant contre l’insuffisance des dispositions prises en réponse aux cas

particuliers sont autant d’actions très importantes. Enfin, il importe de suivre

régulièrement l’évolution de l’état de l’opinion et de mesurer les effets de

la communication pour faire évoluer correctement sa stratégie. Ce

principe, ayant essentiellement pour objectif de concrétiser le soutien à la

réforme chez le citoyen – dans un premier temps lors de l’adoption de la loi,

puis pour faciliter son application – aurait pu être mieux respecté dans le cas

français. A ce titre, la communication pédagogique choisie, ciblée sur les effets

directs de la réforme, aurait pu être améliorée après le refus persistant exprimé

par la mobilisation des syndicats : en organisant des réunions sur la réforme en

profitant du maillage des services de l’Etat déconcentré pour mieux équilibrer le

regard des citoyens entre les droits individuels et les enjeux collectifs ; ou en

formant des groupes d’écoute dans une phase plus amont pour accompagner

les groupes les plus touchés par la réforme, comme par les régimes spéciaux

en 2003.

Conclusion de la troisième partie

Cette partie a présenté quelques pistes de réflexion pour améliorer les

actions de communication en période de conduite du changement. L’objectif de

la communication est de mieux informer les citoyens mais aussi de les faire

adhérer à la réforme entreprise. Malgré le fait que les leçons tirées de deux

exemples de communication de chefs de l’exécutif doivent être relativisé, trois

éléments communs peuvent être soulignés quant à l’objet qui nous intéresse ici.

D’abord, quant au canal de communication, il est important d’établir

un contact étroit avec les médias. En phase de développement des nouvelles

technologies, la communication devient de plus en plus rapide et interactive. Il

est donc judicieux d’adapter l’outil de communication du gouvernement au

système de recueil d’information des citoyens tout en gardant un certain

contrôle sur ce nouvel espace public pour que l’interactivité ne discrédite pas

les actions publiques. A cet effet, la confiance entretenue quotidiennement

entre le chef de l’exécutif et les médias servent favorablement au moment de la

réforme : les médias pourront, pour ainsi dire, prendre le relais de la

communication gouvernementale. Ceci, bien sûr, ne dépend pas seulement de

la qualité des relations personnelles, ou de la structure macro-économique du

secteur de la presse – certains le trouvant et concentré et proche du pouvoir.

Mais aussi d’un ensemble de conditions – climat politique général, qualité de

l’association des parties prenantes à la définition de la réforme…–que la

communication ne peut maîtriser que très partiellement.

Ensuite, concernant les émetteurs du message, une proposition

pragmatique consiste à privilégier la communication pédagogique, qui

nourrit la réflexion des citoyens sur la réforme, mais aussi une communication

claire et ferme qui rassure les citoyens pour éviter la création

d’incompréhensions et de craintes infondées. Pour cela, en collaboration avec

une organisation opérationnelle – SIG français ou entreprise japonaise de

consulting – les gouvernements doivent élaborer un plan complet et détaillé qui

peut mieux valoriser les messages simples et succincts.

Enfin, une recette standard relative aux récepteurs de la communication

est plus difficile à trouver. Elle dépend principalement du diagnostic général

de la structure de la population, homogène ou hétérogène. Dans le

premier cas, les messages personnalisés sont recommandés alors que

dans le dernier cas – ici japonais – il faut miser sur les éléments de

compassion afin que tous les récepteurs soient convaincus de faire partie

collectivement de l’épreuve, au moment où s’opèrent des changements

douloureux pour certains. En prenant bien en compte cette différence culturelle,

le suivi quotidien de l’état des opinions et l’ajustement de la stratégie est

une nouvelle fois essentiel pour éviter aux inquiétudes de se propager ou à

certaines zones géographiques ou couches sociales touchées par les réformes

d’être stigmatisées.

En conséquence, la communication du changement obéit à certaines

règles permanentes et générales, tandis que d’autres devront être adaptées au

contexte rencontré.

CONCLUSION

Ce mémoire a examiné les opérations d’appui, par la communication, à

la conduite du changement, à travers les stratégies de communication mises en

œuvre par deux responsables politiques – Nicolas Sarkozy et Junichiro

Koizumi. Ces réflexions se sont fondées dans un premier temps sur l’étude de

la littérature relative aux structures et aux technologies de la communication,

ainsi que sur la perception socio-culturelle des deux pays.

Des différences structurelles entre la France et le Japon ont été

remarquées : si le gouvernement français dispose du SIG sur lequel le chef de

l’exécutif peut compter pour coordonner l’action interministérielle et pour

organiser la communicatin publique, la communication institutionnelle

japonaise, malgré la présence du Secrétaire général du cabinet du Premier

Ministre en tant que coordinateur et porte-parole de gouvernement, manque

d’un centre spécialisé de même ampleur qui compterait une centaine de

personnels : l’efficacité de la fonction communication repose alors plus

entièrement sur la personnalité et les capacités de chaque chef de l’exécutif.

C’est pourquoi Junichiro Koizumi, avec son collaborateur Isao Iijima,

représente un bon exemple de communicant énergique, en même temps qu’il

est une exception dans l’histoire de l’archipel. Contrairement à N. Sarkozy qui a

moins réussi à capitaliser, au cours de son mandat, sur les médias pour

associer sa propre image au moteur des réformes – ou de la « rupture », selon

la rhétorique employée en 2007 – le leader japonais a réussi à construire une

image dynamique et populaire (effet d’emballage) qui a suscité l’adhésion des

citoyens (effet d’annonce). Cela montre combien l’utilisation efficace des

médias est importante lorsqu’il s’agit, comme lors d’une réforme, de

renforcer les relations de confiance entre les autorités publiques et la

population, et d’inciter les citoyens à adhérer solidairement aux

engagements politiques de leurdirigeant. A ce titre, l’utilisation de nouvelles

technologies mérite une grande attention.

La comparaison entre Paris et Tokyo a aussi mis au jour certaines

active – comprise comme la maximalisation des occasions d’émission de

messages dans un but pédagogique en amont de toute pression médiatique ;

ainsi que leurs efforts pour calibrer le message en fonction de ses

récepteurs, en particulier lors de leurs interventions télévisées. Ainsi, le public

japonais homogène, à qui le chef de gouvernement doit présenter la réforme en

terme de défi pour « tous » – y compris J. Koizumi pour lui-même – en suscitant

compassion et solidarité, ne sera pas le meilleur axe de communication pour

les Français dont la composition est diverse, avec une prégnance du droit

individuel et du droit syndical plus affirmée. Dans ce dernier cas, la

communication par messages personnalisés est préférable.

Ces grandes orientations de la communication sur la réforme ont été

déclinées dans le calendrier suivant : d’abord, la communication politique

met en lumière les enjeux globaux pour susciter l’adhésion de l’opinion

publique sur des points forts et éventuellement clivants (cf. l’élection japonaise

de 2005, lors de laquelle J. Koizumi réussit à en fixer les enjeux autour de la

réforme postale). Ensuite, cette communication politique est décloisonnée pour

faciliter la coopération avec d’autres entités qui permettront d’approfondir la

compréhension des réformes par les canaux de l’information publique, et

en feront un véritable moteur de l’acceptation in fine la plus consensuelle

possible du changement. La réussite de la seconde phase est bien sûr

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