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Projeter dans l’informel, un questionnement de la posture

du concepteur.

Par ma participation à la conception d’un projet universitaire de modification du tissu urbain dans un secteur de la villa 31, j’ai pu moi même percevoir, avec une nouvelle posture de conceptrice, la complexité et les questionnements que soulève ce type de projet. L’objectif était de proposer une alternative à la relocalisation de l'ensemble des habitants du secteur de Bajo Autopista qui est pour l’instant envisagée par la SECISyU. Il s’agissait tout d’abord, d’effectuer un travail de relevé de l’existant qui m’a paru particulièrement difficile. En effet,

dans certains cas les habitants nous ont laissé accéder à leur logements pour réaliser des mesures tandis que d’en d’autres, nous avons fait face à des refus. Malgré le temps passé à effectuer ces relevés en compagnie d’habitants du quartier, et les entretiens que nous avons pu avoir avec eux, les plans et informations que nous avions en notre possession sur le secteur étaient finalement très imprécis. A partir de ces éléments, il s’agissait alors de proposer un projet pour lequel nous avons été confronté à différentes problématiques et à certains paradoxes. Au cours d’un premier relevé de l’environnement physique nous avions pu par exemple remarquer la présence d’une maison qui, de part sa distance vis à vis d’une source de lumière directe nous paraissait jouir d’une illumination insuffisante. Pourtant, en discutant avec son habitante, elle nous a expliqué qu’elle était satisfaite de la vie dans son logement. Cette situation, qui a pu se répéter dans d’autres cas sur le même secteur, m’a amené à m’interroger. En effet, certains standards ou normes que j’avais appris au cours de mes études, étaient remis en question par le contexte et surtout par les habitants eux-mêmes. Il est évident qu’en réalisant ce projet dans un temps restreint et dans un cadre universitaire, nous n’avions pas à notre disposition les outils dont disposent les fonctionnaires

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Secteur Bajo Autopista, Villa 31, photo personelle.

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99 03. AN AL YSE D U P ROCESSUS D’URB ANISA TI ON À TRA VERS L ’ÉTUD E D E CAS D E LA VILLA 31.

du gouvernement pour réaliser les projets d’urbanisation. Néanmoins, il me semble que cette expérience m’a permis de percevoir les difficultés que peut soulever ce type de projet au cours de sa conception.

Par la suite, j’ai donc cherché à développer cette question en m'entretenant avec deux personnes travaillant en duo dans la réhabilitation de logements de la villa 31, un architecte et une sociologue.

“ C’est quelque chose, (la participation à un projet dans une villa) qui je pense nous amène tous en tant que concepteurs à nous questionner sur nos pratiques. En arrivant dans ces quartiers, la réaction facile et basique serait de trouver une facilité dans le projet car d’un point de vue technique et par rapport aux normes il y a plein de “problèmes”. Si tu penses ça, c’est le premier suicide. Par exemple, nous avons réalisé la réhabilitation d’une maison d’une famille bolivienne dans la 31. En regardant la feuille de relevé, on peut voir qu’il y a des problèmes décelés par l’architecte comme l’humidité et le fait que le balcon ne respecte pas les normes de sécurité. Mais comme dans ton cas, dans la case qui indique si la famille est satisfaite de son

logement, il était coché oui. ”

Entretien avec un architecte travaillant dans la villa 31.

La similitude de mon expérience avec celle dont m’a fait part cet architecte témoigne de ce décalage qui peut exister entre la vision que peut avoir un architecte ou un urbaniste de ces espaces et celle d’un habitant. Lors de la réalisation de ce type de projet, il me semble qu’au delà de la prise en compte de l’auto-construction comme une urbanité à part entière, ce processus demande au concepteur une remise en question plus profonde des normes architecturales, et d’idées préconçues sur ce qu’est “un habitat adéquat”.

“Je pense que cette remise en question peut aussi se faire avec le développement d’un travail plus interdisciplinaire à tous les stades. C’est à dire que dans ce type de projet, le travail du sociologue est fondamental. Le problème, c’est que dans notre méthode de travail et dans les étapes il y a encore peut être trop de séparations. Il y a une phase d'enquête avec le sociologue, puis une phase de projet. Premièrement ce ne sont même pas forcément les mêmes personnes qui participent au deux phases et deuxièmement, le rôle du sociologue s’arrête selon moi trop tôt dans le processus. Et je pense que ces méthodes ne peuvent pas générer

quelque chose de pertinent.”

Entretien avec une sociologue travaillant dans la villa 31.

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ces espaces à la ville en permettant aux habitants de prendre part à la prise de décisions dans un processus les affectant directement. Par ailleurs, l’implication de la communauté dans le projet, de part son expertise sur ce milieu autoconstruit7, semble

indispensable à la lecture et la compréhension des potentialités et des conditions de pré-existances8 de

l’espace. La participation serait alors fondamentale dans l’acquisition du droit social à la ville revendiqué par les habitants de la villa 31.

Avec la multiplication des écrits sur l’importance de la participation communautaire, dans les projets d’urbanisation et de formalisation des quartiers informels, celle ci a peu à peu été envisagée comme un élément clé, nécessaire à la réussite de ces projets.

Dans le cadre de la villa 31, la loi n°6129, établit comme axe majeur “la participation pleine et active” des habitants au projet de ré-urbanisation. Par ailleurs, la Banque Mondiale et la Banque Interaméricaine de Développement ont établi la participation comme condition principale pour l'exécution du projet de la villa 31.

7 Turner, John F. C, et Robert Fichter. Freedom to Build: Dweller Control of the Housing Process. New York: Macmillan, 1972.

8 Fernández Castro, Javier, et UBA, ed. Barrio 31 Carlos Mugica: posibilidades y límites del proyecto urbano en contextos de pobreza. Ciudad de Buenos Aires: Instituto de la Espacialidad Humana, 2010.

L’interdisciplinarité pourrait donc être une clé de réponse face à la complexité de ce type de projets. Par ailleurs, ces témoignages ainsi que de nombreuses sources théoriques soulignent l’évidence que cette remise en question et le travail dans ces espaces ne peuvent se faire sans le développement de la participation de la population. Il s’agit alors pour l’architecte d’envisager la participation comme un moyen de comprendre et d’envisager les pré- existances de l’espace de la villa, comme un point de départ du projet et non pas comme une anomalie urbaine.

Un processus participatif