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Chapitre  2   Trois perspectives didactiques : actionnelle, interculturelle et

2.3.2   Un projet TIC pour les LC2 : quels enjeux ? 70

Les pratiques en didactique des LC2 avec les TIC nous amènent à une réflexion sur comment démarrer et intégrer les TIC dans l’enseignement-apprentissage des LC2. Comment démarrer un projet pédagogique intégrant les TIC ? Les enseignants et les apprenants sont-ils prêts à utiliser les outils TIC ? Quels potentiels des TIC peuvent être exploités pour favoriser l’apprentissage des LC2 ? Quel rôle l’institution joue-t-elle pour intégrer les TIC dans l’éducation ?

Démarrer un projet pédagogique intégrant les TIC doit partir d’objectifs pédagogiques déterminés : « La simple mise à disposition d’outils de communication n’amène pas les étudiants à échanger entre eux : la perception d’une claire finalité à l’échange s’affirme comme une nécessité incontournable » (Degache et Nissen, 2008 : 77). Nissen (2004) souligne aussi l’importance du scénario pédagogique pour intégrer les TIC dans l’apprentissage des LC2 : « Un scénario pédagogique présente une démarche visant l’atteinte d’objectifs pédagogiques et l’acquisition de compétences générales ou spécifiques reliées à un ou plusieurs domaines de vie selon les modalités et les spécifications des nouveaux programmes d’études. Le scénario donne lieu à un projet, une activité particulière d’apprentissage, dont la réalisation fait appel aux ressources de l’Internet et peut-être aussi de l’imprimé, de la radio sur le net, de la télévision en ligne ou du multimédia » (Bibeau, 2000, cité par Nissen, 2004 : 15). La démarche commence souvent avec la fixation d'objectifs pédagogiques précis. C’est dans le processus de la conception d’un scénario que les pédagogues font intervenir les TIC pour réaliser le projet pédagogique.

La conception d’un tel projet nous oblige à regarder non seulement les potentiels offerts par certaines TIC spécifiques en vue de l'atteinte d'un objectif pédagogique donné, mais aussi à évaluer les potentiels des apprenants et surtout des enseignants. Quelles sont leurs attitudes par rapport à l’utilisation des TIC dans l'enseignement ou l'apprentissage d'une LC2 en général ? Sont-ils prêts à utiliser les outils TIC spécifiques proposés pour effectuer telle ou telle tâche ? Sont-ils à l’aise dans un environnement d’apprentissage virtuel ?

Par exemple, dans un environnement d’apprentissage virtuel, l’interaction synchrone, l’utilisation des outils de visioconférence, de chat room ou encore de forum, contribuent certainement à l’apprentissage. Les questions soulevées ci-dessus impliquent toutefois une réflexion sur la formation des enseignants et sur la collaboration entre enseignants et informaticiens.

Nicolas Guichon résume les potentiels en précisant que les TIC permettent […] « d’être au service d’un apprentissage fondé sur la découverte de la L2 (langue seconde) à travers diverses modalités, de fournir des rétroactions individualisées efficaces aux apprenants, de faciliter le travail de groupe et les interactions entre pairs, de ménager l’accès à des documents authentiques et variés, d’individualiser le travail de compréhension et de production et de motiver les apprenants » (Guichon, 2012 : 6).

Mais il souligne aussi l’importance de l’intégration de manière appropriée dans le projet pédagogique et didactique et la question de l’acceptation des TIC par les institutions et les enseignants : « Sans la médiation pédagogique des enseignants, les TIC ne présentent qu’un intérêt marginal… » (Guichon, 2012 : 6). Peraya ajoute que de grands changements doivent être effectués dans la formation des enseignants pour que la conception « dispositif » s'insère dans la culture académique et institutionnelle (Peraya, 2014)21.

Lorsqu’une innovation pédagogique est littéralement intégrée dans les pratiques et les normes de l’organisation et que la technologie devient invisible, la « normalisation », phase ultime de l’intégration de la pédagogie et de la technologie, est atteinte. Voici résumées ici les cinq recommandations de Chambers et Bax (2006) en vue de faciliter la « normalisation » institutionnalisée des TIC : investissement technique, soutien pédagogique, organisation dynamique, reconnaissance officielle de la pratique, évaluation institutionnelle.

L'utilisation des TIC pour l’enseignement-apprentissage des LC2 démarre toujours avec les objectifs pédagogiques. C’est l’objectif qui guide le choix des outils techniques. La conception d’un environnement d’apprentissage ou des tâches doit prendre en compte le potentiel technologique des apprenants et des enseignants. Les tâches sont conçues selon la perspective actionnelle et interculturelle.

Grosbois souligne l'articulation entre trois éléments indissociables de la démarche d'intégration des TIC dans le processus pédagogique :

•   l’ingénierie de formation : quelle organisation, quelle équipe, quelle formation et quel statut pour les différents acteurs, quelle insertion dans l’institution ;

•   les scénarios pédagogiques et les environnements d’apprentissage : quels produits pour quels usages, en groupe, en individuel, avec ou sans suivi par un formateur ; •   la didactique de la discipline : quels contenus, quelles activités, sous-tendus par

quels présupposés théoriques ou méthodologiques.

21  Conférence  d’ouverture  du  Prof.  D.  Peraya  «  Education  et  technologie  :  un  couple  infernal  ?  »,  première  édition  des  «  Rendez-­‐‑vous  

  Synthèse

Dans ce chapitre, nous avons analysé trois perspectives didactiques : la perspective actionnelle, la perspective interculturelle et la perspective technologique, que nous considérons toutes très pertinentes pour fournir une vision complète de l’évolution didactique en LC2 aujourd’hui.

La perspective actionnelle met en évidence le rôle social de l’apprenant dans une situation d’acquisition/apprentissage des LC2 la plus authentique possible. Apprendre une langue étrangère ne se réduit pas à simuler une situation quelconque, mais au contraire cette langue doit pouvoir être utilisée dans la vie sociale. C’est dans les interactions avec les autres que les apprenants co-construisent leurs connaissances et développent un ensemble de compétences. Pour les enseignants, il est important de concevoir un ensemble de tâches authentiques qui relèvent du contexte social des apprenants et que les apprenants réalisent dans leurs interactions avec les autres.

L’idée que la culture est indissociable de l’enseignement-apprentissage des langues prévaut largement dans le monde. La perspective interculturelle nous fournit des guides sur le contenu et le mode d'enseignement de la culture, et permet d'insister sur les étapes permettant de développer des compétences interculturelles. La prise de conscience interculturelle exige que les enseignants créent des tâches ou des environnements appropriés pour que les apprenants puissent avoir le plus d’expériences directes possibles avec les langues-cultures cibles enseignées, dans ou hors de la classe.

La perspective technologique nous permet d’exploiter le potentiel des TIC dans l’enseignement-apprentissage des LC2 pour augmenter et diversifier l’exposition (input) à la langue-culture cible. Cependant, l’intégration des TIC dans la didactique des langues-cultures dépend non seulement de la réflexion techno-pédagogique des enseignants, mais aussi de l'effort et du soutien des institutions en faveur de la normalisation des TIC dans l’éducation en général.

L’approche interculturelle exige des expériences pédagogiques pour mettre en contact les apprenants avec les langues-cultures cibles à travers les TIC, comme dans les projets d’interaction exolingue en ligne. Les outils Web 2.0, notamment les blogs, les réseaux sociaux, etc. donnent aux étudiants une possibilité de vivre une expérience culturelle en communiquant avec des natifs.

L’interaction exolingue en ligne met en évidence le rôle d’« acteur social » de l’apprenant en créant un environnement institutionnalisé pour que les interlocuteurs puissent co-construire leurs connaissances et compétences en s'échangeant leurs langues et cultures respectives. Les technologies donnent une certaine liberté aux apprenants tout en restant dans le cadre d’une formation fermée, ce qui offre la possibilité de lier l’apprentissage programmé et l’apprentissage non programmé.

La transition entre les milieux alloglotte et homoglotte, formel et informel, ouvre la possibilité d’effectuer des tâches actionnelles. Les TIC exigent de nouvelles stratégies d’apprentissage et de communication. Un certain nombre de questions demeurent : comment concevoir les tâches pour que l’apprentissage se réalise à travers cette rencontre, comment trouver un pont entre les objectifs pédagogiques et les potentialités des TIC, comment faire vivre une réelle expérience interculturelle ?

Pour terminer notre réflexion, nous citons ici Schneider et al. : « il ne suffit pas de placer les sujets dans des situations de construction et de collaboration pour qu’un apprentissage efficace ait lieu. En règle générale l’enseignant doit mettre en place des scénarios structurés pour obtenir ce résultat. Il doit chercher un équilibre harmonieux entre la liberté nécessaire au développement intellectuel et certains principes de guidage. D’un côté, il faut favoriser un véritable engagement dans un projet et les confrontations d’idées (donc traiter un apprenant comme un « petit chercheur ») et de l’autre il faut structurer et soutenir les activités et exercer un certain contrôle » (Schneider et al. 2003 : 4).

Chapitre 3 L’eTandem : état de l’art et expériences