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16 1. Projet de recherche et problématique

1.1 Projet de recherche

Cette recherche a pour projet de comprendre une pratique didactique qui a été et demeure toujours objet de discorde entre tenants de l‘éducation, didacticiens, voire enseignants de langues. Le recours à langue première (L1) lors de l‘apprentissage d‘une langue étrangère (LE) a fait l‘objet de recherches qui ont divergé sur l‘attitude à adopter concernant cette pratique. Alors que certaines l‘encouragent, essentiellement les travaux qui prônent une prise en compte du plurilinguisme dans l‘enseignement apprentissage (désormais EA) des langues, alors que d‘autres au contraire maintiennent que cette pratique perturbe l‘EA des langues. C‘est ce même constat que fait Sahli dans sa recherche sur la gestion que font les enseignants des langues en classe.

« Le discours de nos informateurs révèle des opinions divergentes quant à l‘usage des langues en classes. Plus particulièrement, les points de vue des enseignants semblent osciller entre deux pôles antagonistes : l‘un stigmatise le recours au mélange des langues, l‘autre au contraire met l‘accent sur l‘intérêt et la nécessité de mettre les langues en contact » (Sahli, 2013 : 101).

Avant toute chose, il est utile de préciser que cette recherche n‘a nullement l‘intention de se positionner par rapport au choix de recourir ou pas à cette pratique : indiscutablement, ce n‘est pas à cette problématique essentiellement didactique qu‘elle s‘intéresse au premier plan. Sa problématique n‘est pas exclusivement didactique mais sociolinguistique aussi étant donné le récent déplacement opéré par la recherche de la didactique des langues vers la didactique des usages de ces langues. « Ce basculement de la didactique du code vers celle des usages des codes, pour le dire de façon schématique, a produit un basculement du cadre théorique principal de référence vers la sociolinguistique et, par voie de conséquence, placé la question des contextes en première ligne » (Blanchet et al. 2008 : 11).

Par conséquent, la présente recherche ne focalise pas seulement sur la pratique du recours à la L1 mais elle étend l‘étude à certains aspects qui sont liés à sa manifestation (pas seulement en classe mais à l‘extérieur de la classe aussi) et qui sont très peu voire pas du tout pris en compte par les recherches en didactique des langues (désormais DDL). Ces aspects envisagés dans leur rapport à la fois didactique et sociolinguistique nécessitent selon Blanchet une reconfiguration de «(…) la problématisation des questions didactiques en les pensant comme des situations sociales et plus précisément sociolinguistiques (surtout en didactique

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des langues) inscrites dans le continuum des dynamiques sociales et sociolinguistiques

perçues et vécues par l‘ensemble des acteurs concernés » (Blanchet, 2012 : 14).

La non prise en compte de ces autres aspects liés à cette pratique est due en partie au fait que cette pratique est essentiellement considérée dans sa manifestation en classe. En effet, la non prise en compte du rapport qu‘elle entretient avec les pratiques essentiellement langagières qui se produisent hors de classe et de l‘institution scolaire limite la compréhension de sa dynamique. L‘intérêt pour l‘étude de ce rapport entre sa manifestation en classe (plus souvent rapportée qu‘observée)1

et celle à l‘extérieur de la classe et de l‘école en général nécessite un point de vue sociolinguistique, la discipline qui étudie les pratiques langagières en tenant compte de leur ancrage social. Dès lors, l‘étude de cette pratique recourt à deux points de vue qui s‘inscrivent en réalité dans un continuum, la sociolinguistique et la DDL. Considérer que ces deux espaces que sont la classe et l‘extérieur de classe entretiennent un rapport socio-langagier inextricable nécessite de croiser les points de vue de ces deux disciplines. Ayant en commun divers objets d‘étude, notamment l‘EA des langues en situation de contact des langues et de plurilinguisme, la DDL et la sociolinguistique se rejoignent dans une nouvelle perspective de recherche : l‘approche sociodidactique. Pour Blanchet cette approche « (…) étudie en particulier l‘apprentissage des langues comme une modalité d‘appropriation non dissociée des acquisitions en contexte social et des contextes sociolinguistiques » (2011 : 463)

1.1.1 De l’intuition au projet 1.1.1.1Constat de recherche.

Le choix pour ce projet de recherche est parti d‘une intuition qui s‘est peu à peu transformée en une réflexion alimentée par les nombreux constats de pratiques didactiques des enseignants de Fr lorsque nous étions nous même enseignant de Fr au lycée d‘abord puis au CEM (collège). Le choix pour ce projet de recherche n‘a pas été pour nous comme une rencontre fortuite avec le phénomène qui deviendrait le point de départ d‘une recherche. En réalité, nous n‘avons pas souvenir qu‘il y ait eu de moment fondateur qui fut l‘« étincelle » du début. Cet objet tel que nous vous le présentons dans ce travail fut long à se constituer et de se donner à voir dans la forme actuelle. Le premier travail ayant véritablement constitué un

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En règle générale les recherches qui s‘intéressent à la pratique du recours à la L1 (l‘AA) ont choisi d‘observer cette pratique pendant les séances de cours de Fr dans lesquelles le chercheur est censé recueillir des interventions en AA. Or, cette recherche n‘ayant pas réussi à observer l‘enseignant (qui est au centre de la focale) en train de recourir à l‘AA, elle s‘est appuyée sur les enseignants en tant que source d‘information en recueillant leurs témoignages grâce à des entretiens biographiques.

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départ dans cette voie est notre sujet de mémoire de master 2 en DDL. La problématique concernait la pratique de la traduction Fr/ AA (ou vis et versa) en production écrite dans le cours de Fr, une forme de pratique du recours à la l‘AA que la problématique de la présente recherche englobe indiscutablement.

Nous ne comptions plus le nombre de fois où nous avions constaté que de plus en plus d‘enseignants recouraient à l‘AA dans leurs cours de Fr. Nous avions remarqué que cette tendance a continué pendant tout le temps que nous exerçions l‘enseignement. Cette tendance n‘avait pas l‘air de décroitre bien au contraire, plus les années passaient et plus cette tendance s‘affirmait. Toutefois cette tendance n‘était pas générale. Selon les cas, beaucoup d‘enseignants admettent recourir à la l‘AA en cours alors que d‘autres refusent la pratique. Les premiers, et ils sont nombreux, la justifient en tant qu‘appui dans l‘EA d‘une LE alors que les seconds l‘accusent d‘interférer dans l‘apprentissage de la LE, ce qui contribue selon eux, à le retarder. Rappelons qu‘en ce qui concerne la classe algérienne, cette opposition entre partisans et détracteurs du recours à la L1 perdure depuis des décennies. A force, et en l‘absence de consensus à ce sujet, ce dernier est devenu tabou étant donné la gêne qu‘il suscitait et suscite encore dans les débats : les praticiens et les spécialistes de ce genre de questions ont plutôt tendance à l‘éviter.

Il faudra ajouter cependant que malgré le nombre de travaux qui s‘y sont consacrés, particulièrement ceux qui œuvrent dans les recherches sur le plurilinguisme (Candelier, 1988, 2003 ; Castellotti, 2001 ; Gajo, 2003 ; Castellotti et Moore, 2001) et qui ont montré tout le bénéfice tiré de cette pratique dans l‘EA d‘une autre langue, les inspecteurs et les enseignants peinent à se positionner par rapport à son usage. Jusqu‘à ce jour, aucune directive claire ne réglemente son usage. L‘absence d‘une prise de position officielle continue encore d‘épaissir le flou.

1.1.1.2 Motivation pour ce sujet de recherche en particulier

Ce flou sur la question du recours à l‘AA en classe de Fr a suscité pour nous un réel désir de comprendre les raisons d‘une telle tendance, d‘identifier les facteurs qui encouragent les enseignants à ce recours ou les en dissuadent, de savoir jusqu‘à quel point ces derniers conscientisent les effets de ce recours. Par notre inscription en sociodidactique, une approche didactique qui traite de tels sujets, nous espérons avoir une meilleure connaissance de la réalité de ce phénomène : en permettant d‘une part que soit interrogée la pertinence de sa

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manifestation dans la classe de cours et d‘autre part que soient identifiés son mode de fonctionnement et sa dynamique.

Même si cette pratique est observable in situ (beaucoup de recherches en sociolinguistique et en DDL ont pu l‘observer2), c‘est en tant que processus que nous désirons l‘appréhender en inscrivant cette recherche dans le temps c'est-à-dire en tenant compte de la dimension temporelle à la base de sa dynamique. En tant que pratique latente et évolutive, mue par sa dynamique propre, elle évolue au gré des multiples changements qui la modifient. Or cette dynamique n‘est abordable méthodologiquement qu‘à condition que soit entrepris une étude de type longitudinale, étendue sur une durée suffisamment longue pour relever ces changements. Mais ce choix exige une disponibilité en temps pour la recherche et une logistique adéquate.

Cette recherche ne disposant ni du temps ni des moyens nécessaires entend mener certes une étude longitudinale mais dans une toute autre forme. Si l‘étude longitudinale se conçoit dans un sens prospectif, celle que nous retenons ici nous la concevons dans un sens rétrospectif impliquant le choix d‘une méthode qui interroge le temps à travers le récit : la méthode biographique (Bertaux, 1980, 1997). Cette méthode permet d‘approcher cette pratique (mais pas seulement) en remontant le temps pour faire revivre (aux enquêtés) tout le parcours de la formation/appropriation des langues incluant la pratique du recours à la L1.

Pour ce faire, l‘étude s‘est appuyée sur la parole des enseignants. Une parole en acte, réflexive, pas seulement dans leur rapport avec cette pratique en classe mais aussi dans le rapport qu‘ils entretiennent avec cette dernière dans tout type de contexte : à l‘école, à travers les pratiques didactiques3 dans lesquelles elle s‘invite, dans la communication sociale du quotidien à l‘extérieur de l‘école. Mais est-ce suffisant ?

Le présent langagier de ces enseignants de Fr est le produit d‘un long processus de formation langagière qui s‘est construit sur le long terme (de l‘enfance jusqu‘à l‘âge adulte). Le processus à l‘origine du présent langagier ne peut être appréhendé sans qu‘un retour sur le passé de la formation langagière n‘ait été envisagé. Dès lors, tenter de décrire ce processus nécessite que soit interrogée leur formation aux langues constitutives de leur répertoire (essentiellement le Fr, l‘AA voire am), une rétrospective dévoilant la dynamique ayant contribué à l‘évolution de ce répertoire pendant tout le temps qu‘aura duré cette formation.

2 Kara, 2010; Bensekat, 2012; Amara 2010; Boumedini, 2010; Mati, 2013; Benamar 2014, Gacemi 2014.

3 Comment les enseignants utilisent l‘AA dans le cours ? Dans quelles activités ? Pour quels objectifs ? Pour quelles raisons ? Ce qu‘ils en disent ?

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Cette démarche méthodologique assurera en définitive la compréhension de la manière dont s‘est construite la gestion que font les enseignants de Fr des langues en général et du Fr et de l‘AA en particulier, le choix de recourir à l‘un plutôt qu‘à l‘autre ou d‘alterner les deux dans tout type de situation sociale. Comment les enseignants de Fr gèrent l‘articulation Fr>AA et dans quelle SC le recours à l‘AA est dominant ? Jusqu‘à quel point les variables tel que la nature de la SC, la plus ou moins formalité de cette SC, le statut de l‘interlocuteur, le sujet de l‘interaction verbale sont-ils opérants dans le plus ou moins recours à l‘AA ?

1.1.2 Problématique

Pour Ph. Blanchet, la finalité d‘une recherche consiste à produire des connaissances « (…) par une analyse et une interprétation renouvelées de phénomènes déjà étudiés (suite à une modification de point de vue, de méthode, de catégories d‘analyse, de mise en contexte, de questionnement scientifique, de demande sociale, de perspectives d‘intervention, etc. : ce qu‘on appelle une problématique » ( Blanchet, 2011 : 9).

Les recherches sur l‘acquisition/appropriation des langues se sont interrogées sur le recours à la L1 dans l‘EA d‘une langue cible (LC). Un recours que certaines considèrent comme facilitateur et que d‘autres voient comme perturbateur. Beaucoup d‘entre elles, à la fois celles prônant une approches acquisitionnelle (Gaonac‘h & al. 1982, 1987) que celles centrées sur la DDL (Moore, 1996 ; Causa, 1996, 2002 ; Dabène, 1994 ; Castellotti, 1999, 2001 ; Cicurel 2001,2005 ; Lüdi et Py, 2003, Hamers, 2005) ont pu montrer que le recours à la L1 a des avantages certains dans l‘EA des autres langues. C‘est ainsi qu‘il a été relevé une attitude de changement concernant le recours à la L1 dans l‘apprentissage des LE. Banni dans les classes des années soixante et soixante-dix, il redevient alors acceptable, voire suggéré. (Castellotti, 2001 ; Cummins, 2012).

Dans l‘EA du Fr en Algérie, ce recours à l‘AA partage les enseignants. Il n‘est ni définitivement accepté ni même définitivement refusé. Des recherches algériennes ont montré que de manière générale beaucoup d‘enseignants y recourent à différents moments du cours et de différentes façons (Beramdane 1998 ; Benamar 2007, 2014 ; Amara, 2010, Bensekat, 2012 ; Mati, 2013 ; Gacemi, 2014). Ceux-là le considèrent comme faisant partie d‘une stratégie d‘EA mise en œuvre dans des situations didactiques où l‘usage du seul Fr ne permet plus d‘expliquer aux élèves voire dans certains cas d‘assurer une bonne communication dans le cours. D‘autres en revanche émettent « (…) des réserves quant aux avantages de cette

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stratégie utilisée, selon eux, pour faire face uniquement à une contrainte contextuelle » (Arezki, 2015 : 156).

Cette situation montre à quel point cette pratique didactique omniprésente dans la sphère éducative algérienne divise. Finalement faut-il recourir à la L1 ou non ? Le débat sur cette question ayant longtemps alimenté des polémiques entre partisans et détracteurs de cette pratique a progressivement perdu de son acuité et a peu à peu acquis le caractère de la question gênante, c‘est la raison pour laquelle elle est très peu débattue.

1.1.2.1 Les pratiques enseignantes au centre de la focale

Le choix de nous intéresser aux pratiques didactiques des enseignants et donc aux seuls enseignants plutôt qu‘aux apprenants s‘explique par le fait que c‘est à ces derniers, désormais imprégnés d‘une certaine culture éducative se traduisant par la reconduite de la sacrosainte tradition du droit de contrôler la communication en classe, que revient le choix de recourir à la L1 dans l‘EA de la LC ou non.

Selon Beacco, des objets tels que la culture éducative4 en tant que nouvel objet de recherche est également digne d‘intérêt. Cette culture éducative joue un rôle prépondérant dans les pratiques enseignantes. Les approcher en tant que tel, nécessite selon J.C Beacco de recourir à

« (…) d‘autres méthodologies de recherche qui permettent d‘aborder de façon non ethnocentrique des problématiques comme la valorisation de la mémorisation dans l‘apprentissage, les traditions descriptives et d‘enseignement de la langue maternelle/de scolarisation, les grammaires du français produites sur place, lesquelles ne s‘en tiennent pas nécessairement aux descriptions savantes ou standard... » (Beacco, 2011 : 34).

Par ailleurs, cette focalisation sur l‘enseignant plutôt que sur l‘élève (sans pour autant minimiser la place de ce dernier dans la relation didactique) mérite d‘être justifiée. D‘une part ce sont les enseignants qui gèrent la parole dans cet espace particulier appelé « classe ». Ce sont eux également qui la distribuent, l‘encouragent ou l‘interdisent. Cicurel relève cette forme persistante de gestion de la communication en classe : « Au sein du dispositif d‘enseignement plus ou moins frontal prévu par l‘institution, c‘est à l‘enseignant que revient

4 Beacco définit en ces termes la notion de culture éducative : « (…) les pratiques de classe s‘inscrivent dans des habitudes ou modèles d‘enseignement qui prédéterminent les relations en classe ou les critères d‘évaluation. Celles-ci sont donc portées par des traditions, qui en revivifient le sens, et elles sont fondées sur des valeurs sociétales (honneur, respect, solidarité, liberté, effort...) qui ont été déclinées dans le champ de l‘éducation par des élaborations pédagogiques/philosophiques successives (pour la France, par exemple, Montaigne, Rousseau, Freinet...) » (Beacco, 2011 : 34).

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notamment le choix d‘accorder une plus ou moins grande place aux interventions des apprenants » (Cicurel, 2002 : 148).

D‘autre part, ce contrôle sur les interventions des élèves leur confère par voie de conséquence une maitrise incontestable concernant la/les langue(s) de communication à admettre ou à exclure de la classe, notamment la L1, une langue dont la présence n‘est pas toujours souhaitée en classe. Castellotti décrit la manière dont ces derniers contrôlent la parole en classe et plus particulièrement la L1. Les enseignants sont « (…) maîtres d‘accepter ou non la langue première, maîtres de l‘utiliser ou non eux-mêmes pour certains usages, maîtres de lui conférer un rôle plus ou moins important dans l‘apprentissage et, ce faisant, de renforcer son éviction ou de la réhabiliter aux yeux des apprenants » (Castellotti, 2001 : 49). La pérennité de cette forme de gestion didactique de la communication en classe a fini par s‘ériger chemin faisant en démarche didactique officielle à observer par l‘enseignant dans sa classe. Pour Guérin enfin, les enseignants sont des locuteurs particuliers parce qu‘il est sans doute «(…) le seul locuteur pour qui la pratique langagière est à ce point surveillée, institutionnalisée, évaluée, etc. » (Guérin, 2010 : 46). Dès lors, sa compétence de communication n‘est pas le résultat « (…) d‘une appréhension individuelle et contextuelle de la situation mais s‘inscrit dans un cadre figé et applicable à toutes les situations » (ibid.).

Ainsi, d‘une part en tant qu‘acteurs dans la mise en œuvre d‘une politique éducative et d‘autre part en tant que praticiens dotés d‘expériences professionnelles, deviennent-ils par la force des choses des sources viables d‘information dans une recherche en sociodidactique ? Partant, le discours qu‘ils produisent sur leur pratique d‘expérience fait-il partie d‘un nouvel ensemble d‘objets à interroger possiblement dans le cadre de recherches en sociodidactique ? Pour Beacco, la question n‘est plus tellement de savoir si le type de savoir expérientiel fait partie d‘un nouvel ensemble d‘objets exploitable en recherche ou non mais de trouver la manière de faire cohabiter ce type de savoir avec un autre type de savoir dit savant.

« Ce nouvel ensemble d‘objets de recherche a aussi comme caractéristique de remettre en jeu ces acteurs, trop souvent sous estimés comme source de connaissance, que sont les enseignants et leur expertise spécifique. C‘est ainsi qu‘émerge la question méta-épistémologique de la cohabitation de ces formes de savoirs savants avec d‘autres, moins légitimés qu‘elles » (Beacco, 2011 : 34).

1.1.2.2 Le recours à la L1 en cours de Fr : une problématique sociodidactique

Si certains didacticiens s‘opposent à l‘idée d‘enseigner le Fr en s‘appuyant sur la L1 des élèves, beaucoup d‘autres défendent l‘idée que la L1 constitue un plus si on l‘admettait en

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cours. Amara s‘interroge sur l‘hypothèse d‘une coexistence entre LE et L1 si cette dernière devait être introduite en cours de LE. Il soutient « (…) qu‘il serait judicieux de retenir l‘hypothèse selon laquelle une langue maternelle, idéologiquement nommée pourrait coexister avec une langue étrangère » (Amara, 2010 : 123).

Si la question « Tolérer l‘usage de l‘AA dans un cours de Fr ou l‘interdire ? » ne constitue pas à franchement parler la question centrale de cette recherche, elle rend toutefois compte combien il est difficile de trancher dans ce débat tant il charrie un ensemble de préconceptions socioculturelles qui font d‘elle une des questions (socio)didactiques qui n‘ont jamais fait consensus. C‘est pour cette raison aussi que cette recherche aborde cette problématique du recours à l‘AA en l‘approchant sous l‘angle de la complexité des objets de recherche. Pour Morin, le complexe, du latin complexus (= ce qui n‘est pas simple), est une notion qui veut dire ce qui est tissé (entre). Cette pensée est un paradigme de recherche qui vise la compréhension du lien qu‘entretiennent les parties composant l‘objet : un tout dont les parties ne sont pas séparées mais liées. Dès lors, cette pensée « (…) porte aussi en son principe la reconnaissance des liens entre les entités que notre pensée doit nécessairement distinguer, mais non isoler les unes des autres » (Morin, 2005 : 11).

Prenant appui sur ce principe cette recherche entreprend la réflexion sur le rapport qu‘entretiennent les pratiques langagières (dans leur globalité) et les pratiques didactiques des enseignants en classe, les premières étant par essence des ressources constitutives des

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