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65 1. Le contexte

1.1 Un contexte sociolinguistique plurilingue

L‘Algérie, pays caractérisée par un contexte plurilingue16

où se pratique au moins trois langues (avec leurs variétés), la question de l‘étude de l‘usage des langues à travers les pratiques langagières des locuteurs reste un domaine de recherche éminemment d‘actualité.

Plus spécifiquement, les pratiques faisant usage de l‘AA combiné au Fr dans les discours du quotidien à l‘extérieur de l‘école comme à l‘intérieur de l‘école n‘ont pas été selon nous suffisamment étudiées dans leur rapport complexe. Entendons par là non seulement les rapports entre les locuteurs et les langues mais aussi les rapports qu‘entretiennent les locuteurs entre- eux et surtout, lorsque comme c‘est souvent le cas, ce sont les représentations qui d‘une certaine manière modèlent ces rapports. Cette situation nécessite que soit mené un travail de contextualisation. Pour Blanchet, contextualiser revient à

« Attribuer des significations à des phénomènes sur lesquels on focalise l‘observation, phénomènes qu‘on inscrit dans le continuum des pratiques sociales en mobilisant d‘autres phénomènes qu‘on choisit de faire entrer dans le champ au titre de contexte (de paramètres contextuels efficients) mais qui ne sont pas au centre de la focale » (Blanchet, 2012 : 17-18).

1.1.1 Un contexte de recherche spécifique

Cette recherche entreprend d‘intégrer le contexte voire de le mobiliser dans le but d‘interpréter les significations qui émèrgeront de l‘étude de la pratique sur laquelle elle focalise. Ce contexte social avant tout, est un espace d‘expression de sujets enseignant le Fr dans des situations (en tant que réseau ponctuel d‘interactions mutuelles directes entre des acteurs-locuteurs) caractérisées par leur variabilité et dans lesquelles se donne à voir des pratiques (langagières et didactiques) protéiformes. C‘est un contexte à la fois un et multiple qui comprend deux espaces (école et hors école) où sont opérants des paramètres configurants, spécifiant « sa localité et sa temporalité ». S‘avère alors essentiel d‘interroger ces paramètres qui le configurent.

La singularité de ce dernier n‘est pas due seulement au fait qu‘il concerne l‘EA d‘une langue et en Algérie mais il est surtout due au fait qu‘il concerne l‘EA d‘une langue, le Fr,

16 Nous considérons le terme plurilinguisme comme le concept qui semble actuellement le mieux s‘adapter à la description sociolinguistique d‘un espace et de ses locuteurs. Ce terme comporte une dimension linguistique (contacts de langues), sociolinguistique (rôle des contextes et de l‘alternance codique), psycholinguistique (raisons des choix des locuteurs, rôle des émotions, de l‘affectivité …).

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caractérisé par la spécificité de son rapport historique avec l‘Algérie, ses habitants, sa culture et sa/ses langue(s) et son système éducatif. En d‘autres termes, les paramètres retenus pour une contextualisation liés à la problématique du recours à l‘AA auraient été tout à fait différents si l‘on avait travaillé sur l‘anglais, l‘autre LE. Il est vrai que ce ne sont pas tous les paramètres qui constitueront la focale dans cette recherche. Les plus centraux feront l‘objet d‘

«(…) une meilleure prise en compte, un ciblage plus réaliste et plus efficace, des enseignants et des apprenants en s‘interrogeant non seulement sur leurs pratiques linguistiques effectives (préalables, simultanées, à venir, dans diverses situations) mais surtout sur leurs représentations des langues, du plurilinguisme, des relations humaines, de la communication, de l‘éducation…, c‘est-à-dire sur les significations variables qu‘ils attribuent aux comportements, aux discours, aux projets » (Blanchet et Rispail, 2011 : 69).

1.1.2 Une dimension ethnographique du contexte.

Comprendre le monde social à travers la compréhension les usages des langues à l‘école, est l‘un des enjeux de la recherche en sociodidactique. Ainsi contextualiser nécessite l‘adoption d‘une dimension ethnographique dès lors que l‘on postule que les usages de la classe et de l‘EA des langues sont également des ressources pour comprendre le fonctionnement du social. Ici même, nous admettons la nécessité d‘une contextualisation telle qu‘explicitée par Blanchet, Moore et Asslah Rahal, une position pas si différente sur certains aspects de celle de Gajo et Mondada qui considèrent que « (…) les énoncés prennent leur sens dans les usages sociaux, de manière située et en contexte. De la même façon, la cognition est nécessairement située, et le contexte constitue une ressource structurante » (Gajo et Mondada, 2000 : 21-22).

Au sujet même de cette contextualisation, Porquier et Py (2004), rappellent que «(…) tout apprentissage est socialement situé » (Porquier et Py, 2004 : 5). Ces auteurs identifient des paramètres dynamiques qui caractérisent « (…) l‘environnement dans lequel se situent et se développent, pragmatiquement, historiquement, géographiquement et socialement, les processus d‘apprentissage » (Ibid. : 58-64). Les paramètres qui sont considérés comme centraux dans la détermination du contexte de cette recherche sont les suivants. En premier lieu, le niveau macro comporte les déterminations sociales comme les politiques linguistiques et éducatives de l‘Algérie (non seulement actuelles mais passées aussi, à l‘exemple de la politique d‘arabisation entre autres), le système éducatif, les statuts des langues en présence, historiques et actuels, le rapport au plurilinguisme etc. Toutefois, une focalisation sur les

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statuts des deux langues ciblées dans cette recherche, le Fr et l‘AA est prédominante. En second lieu, le micro contexte appréhendé à différents niveaux : la salle de classe (en charge du niveau local de l‘événement observé), l‘école en général pour une prise en compte élargie du phénomène observé (l‘enseignant, être communicant à différents endroits, la salle de réunion, la salle des professeurs, la cours de l‘école) mais pas seulement. Le hors-classe constitue également pour cette recherche un terrain d‘étude pour une appréhension de la pratique dans sa globalité, à la distinction homoglotte /hétéroglotte : le rapport entre le Fr une langue à apprendre et le contexte sociolinguistique de son appropriation, c'est-à-dire un contexte arabophone.

1.1.3 Contexte donné et construit.

Convaincus par l‘idée que le contexte est à la fois donné et construit, nous ne l‘entrevoyons pas non plus comme un a priori nous devions décrire à tout prix, mais comme un produit qui « (…) émerge de la description des processus interactifs que les participants développent ensemble, du travail de contextualisation auquel ils se livrent, de la pertinence qu‘ils attribuent à telle dimension du contexte » (Cambra Giné, 2003 : 54). En tout cas, la prise en compte du facteur dynamique dans tout ce qui a trait au langage, et de façon plus accentuée, à la dynamique consubstantielle à l‘EA des langues en contexte plurilingue, implique que soit interrogée la dimension temporelle. Dès lors une démarche contextualisante ne peut faire l‘économie d‘une prise en compte du processus à l‘œuvre dans l‘évolution du phénomène observé. A ce titre, Blanchet juge peu probante la transformation du « (…) processus en objet sans prendre en compte l'histoire, les expériences, les projets, des acteurs sociaux et de leurs rapports au(x) phénomène(s) observé(s)/interprété(s) » (Blanchet, 2012 : 18). Et c‘est en renouvelant notre approche du terrain d‘étude que nous entreprenons de considérer le processus des pratiques langagières à travers leur évolution historique et expérientielle en lien avec les comportements socio-langagiers des locuteurs, sujets de cette recherche.

Il s‘agit d‘un terrain à la fois commun et singulier. Commun en ce sens que certains des paramètres qui le caractérisent sont partagées à l‘échelle de la région (un AA plutôt de l‘ouest très proche de l‘oranais et du pays (politique linguistique et éducative dont la politique de l‘EA du Fr, certaines représentations collectives des langues et de l‘EA du Fr). Singulier en ce sens que certains autres paramètres lui sont spécifiques : (l‘usage des langues qui y sont faites en rapport avec le comportement socio-langagiers de ces locuteurs impactés par les

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représentations sociolinguistiques et socioculturelles en tant que mètre-étalon des valeurs attribuées aux langues et à leurs usages.

Cela ne va pas sans que soit tenu compte des changements qui affectent les pratiques socio-langagières en lien avec l‘EA des langues. S‘impose alors la nécessité de

« (…) mieux connaître l‘évolution des pratiques pédagogiques à travers les époques, à les relier à une culture nationale dont on doit étudier la rencontre avec d‘autres usages culturels. (…) une dimension ethnographique dans la mesure où les usages de la classe et de l‘enseignement des langues sont autant de ressources pour qui veut connaître et comprendre un certain fonctionnement social » (Chiss et Cicurel, 2005 : 6).

Cet objectif implique une description des caractéristiques politiques,

sociolinguistiques et socioculturelles en réalisant une étude ethnographique de ce terrain qui procède du haut vers le bas, du macrocontexte vers le micro-contexte. Seront revus dans les sections qui vont suivre trois grands sous-chapitres présentant tour à tour, d‘abord la description du contexte sociolinguistique algérien actuel mais aussi des retours sur son histoire. Ensuite, l‘EA des langues, son évolution à travers le temps en lien avec celle du système éducatif algérien et de la politique éducative de l‘indépendance jusqu‘à aujourd‘hui. Enfin, la description du terrain de recherche avec ses spécificités sociolinguistiques et socioéducatives avec en ligne de mire les profils sociologiques des enseignants de Fr sujets de cette recherche et informateurs potentiels grâce aux entretiens biographiques.

1.2 Caractéristiques des langues parlées en Algérie

On compte de par le monde pas moins de 6000 langues. En caricaturant par une petite opération de calcul, chaque pays du monde compterait en moyenne 30 langues. Dans la réalité, il y a certains pays qui possède des centaines de langues tandis que d‘autres très peu. Cette réalité sociolinguistique du monde a fait que les sociolinguistes se sont accordés à considérer que le monde est plurilingue. Ils affirment que le plurilinguisme constitue incontestablement la règle et que le monolinguisme semble en revanche constituer l‘exception.

Bien que certains considèrent cette profusion de langues comme la malédiction de Babel, les hommes arrivent quand même à se comprendre : « (…) la communication fonctionne partout ». (Calvet, 2008, p174). Pour Calvet, tous les locuteurs sont toujours plus ou moins plurilingues même lorsqu‘ils croient ne pas connaitre de langues autres comme les LE par exemple. Ces locuteurs possèdent «(…) un éventail de compétences qui s‘étalent entre

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des formes vernaculaires et des formes véhiculaires ». (Ibid. : 124). Le contact des langues peut s‘observer soit chez l‘individu soit en communauté.

L‘Algérie, pays à la fois africain, maghrébin, méditerranéen, amazigh et arabe ne fait pas exception à cette règle. Du fait de ce plurilinguisme, plusieurs langues s‘y côtoient. Des langues telles l‘arabe (avec ses variétés, l‘amazigh (avec ses variétés), le français, l‘anglais, l‘espagnol… dans une moindre mesure, cohabitent dans diverses formes de contact. « Le lieu de ces contacts peut être l‘individu (bilingue voire trilingue, ou en situation d‘acquisition) ou la communauté. Et le résultat de ces contacts est l‘un des premiers objets d‘étude de la sociolinguistique » (ibid. : 24). Logiquement, les algériens arabophones17 parlent l‘AA, les amazighophones, l‘amazigh (l‘am.). Or, cette configuration ne reflète pas réellement le contexte sociolinguistique algérien. Les configurations les plus effectives du parler en Algérie sont des mélanges de ces langues, faites d‘alternance de formes variables, binaires : arabe/français ; amazigh/français ; amazigh/arabe ; ou ternaire avec la forme : arabe/français/amazigh.

Des remarques telle : « Les Algériens ne peuvent s‘exprimer en réalité dans aucune langue ! » sont invoquées pour fustiger la perte de l‘algérien de son arabe « identitaire », un justificatif qui ne convainc plus personne mais qui continue à alimenter un discours politico-linguistique désuet mais qui suffit à maintenir sa main mise sur la politique politico-linguistique, alors qu‘un plurilinguisme, renié (avec ou sans confrontation) a choisi d‘autres espaces pour s‘exprimer.

Certains médias aujourd‘hui et pratiquement sans se référer à l‘AS, se reconnaissent dans cette forme hybride de la communication dans leur diffusion (Morsly, 1993 ; Miliani, 2004 ; Chachou, 2011, 2013 ; Djaballah-Belkacem, 2011). C‘est un plurilinguisme qui s‘exprime dans un mixe de Fr et d‘AA ou de Fr et d‘am, (parfois les 3 ensemble). Il investit aujourd‘hui des aires exclusives qui se voulaient jadis promues soit à l‘AS soit au Fr. Calvet reconnait également ce caractère plurilingue au contexte sociolinguistique algérien : «(…) il s‘agit d‘une mosaïque linguistique, déterminée par la coexistence de langues de tradition orale et de langues de tradition écrite est plurilingue par excellence » (Calvet 2001 : 62).

Cependant cette pratique ne s‘étend pas pour autant sans résistances. De ces dernières, il en est une qui s‘exprime à travers la voix de l‘institution religieuse lorsque le plurilinguisme est assimilé à une forme de « reniement identitaire » de la part d‘un locuteur, renégat de sa

17 Certains sociolinguistes, dont Chachou, emploient le terme « algérianophones » logiquement pour distinguer les usagers de l‘AA de ceux qui font d‘autres arabes maghrébins.

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culture voire de sa religion, un discours qui ne peut être « prêché » que s‘il y a véritablement volonté d‘en assumer les retentissements sociopolitiques. Et «(…) C‘est en ce sens que l‘on considèrera que toute emprise plurilingue est irrépressiblement conflictuelle, plutôt que fusionnelle par nature, puisqu‘elle implique toujours que l‘appropriation d‘un bien linguistique conspire à l‘appauvrissement ou à la destruction de l‘autre » (Dahlet, 2011 : 49).

1.2.1 L’AA (l’arabe algérien)

Du point de vue de la politique statutaire, l'AA n‘a aucun statut. Pourtant cette langue est parlée par la quasi-totalité des Algériens, soit comme L1 par les arabophones soit comme LS par les amazighophones. Elle est pour cette majorité arabophone la langue de tous les jours, des discours ordinaires, de rencontres malgré les variations. Dans les pays où cohabitent depuis longtemps déjà plusieurs langues, étonnamment les L1 souffrent de la non-reconnaissance même si ces dernières jouissent d‘une forte symbolique. Quelque que put être les raisons invoquées, la raison historique s‘impose dans n‘importe quel argumentaire que l‘on tienne. Dahlet souligne l‘impact de cette minoration et la force du déni des L1 : « Alors que structurellement et symboliquement leurs langues premières sont par définition aussi fortes de significations que toutes les autres, elles ont toujours – et leurs sujets du même coup aussi - plus de mal qu‘elles à se frayer un chemin hors de leur espace minimal d‘existence» (Ibid. : 45). Cette minimisation sociolinguistique de la L1, conduit à sa dévalorisation sociale et de la symbolique qu‘elle représente pour ceux qui la parlent. Plus grave encore, c‘est quand cette dévalorisation est reconduite dans espaces éducatifs : l‘AA devient par la force des choses une langue reniée par l‘institution scolaire et ses acteurs.

Le choix pour un enseignement monolingue ne fait qu‘exacerber cette volonté de limiter son introduction dans ces espaces. Pourtant, beaucoup estiment qu‘un état se voulant réussir le pari éducatif n‘a pas d‘autre choix que de s‘ouvrir au plurilinguisme. Dans cet ordre d‘idées, Gajo pense qu‘« Une société consciente (et fière) de sa diversité est meilleure, et le projet éducatif d‘un État moderne intégrera donc le plurilinguisme comme élément garant d‘une performance accrue » (Gajo, 2006 : 62). En revanche, « (…) toute l‘erreur est de se lancer dans le plurilinguisme avec la tendance à applaudir et à louer le plurilinguisme pour lui-même, comme si le contraire du monolinguisme, qui fait aujourd‘hui l‘unanimité contre lui dans la communauté politico-éducative (généralement sans trop de distinction, notons-le, des langues et lieux concernés), était nécessairement en soi un bien pour soi, (Dahlet, 2011 : 48). Et dans une moindre mesure, « Au niveau individuel, l‘élève et le citoyen construira son identité dans une perception de l‘altérité » (Gajo, 2006 : 63).

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L‘AA, n‘est pas une langue homogène, il se compose de plusieurs variétés d'arabe local. C‘est pour cette raison qu‘on parle de plusieurs variétés d'AA. Il est aisé de faire la différence entre un AA algérois, un AA oranais, un AA constantinois, un AA tlemcenien (influencé par l'arabe andalou), etc. Ces variétés sont différenciables à travers certaines spécificités lexicales, syntaxiques, phonologiques voire au niveau de la signification des productions langagières. C‘est la raison pour laquelle par exemple certains locuteurs de régions éloignées de notre terrain rencontrent quelques problèmes d‘intercompréhension. Ces variétés ont coexisté de façon différente avec les autres langues : l‘am, le Fr, l'esp, le turc, l'it, etc. qui l‘ont de manière ou d‘une autre influencé.

Cet AA est aussi appelé dialectal, wattani «l'arabe de la nation algérienne», derja ou

darija («langue courante»), maghribi ou maghrébin, que l‘on parle en Algérie est particulier.

En fait, l'Algérie est le pays arabe dont la composition linguistique est probablement la plus diversifiée. C‘est une langue qui n'est pas uniforme. Le fait qu'il existe des volumes pour apprendre l'AA témoigne de la vitalité indéniable de cette variété d'arabe ainsi que de la formidable résistance face à sa stigmatisation.

Au plan lexical, l‘AA compte des mots berbères tels queaïreuj («passoire»), aghtal

(«escargot»), asselwan («suie»), khemmal («nettoyer»), etc. Des mots comme tebsi

(«assiette»), ma'adnous («persil»), braniya («aubergine»), boukraj («bouilloire»), etc., témoignent de l'influence du turc dans l'AA. Beaucoup de mots espagnols sont entrés dans cet arabe, par exemple, fitchta («fête»), sberdina («espadrille»), bodjado («avocat»), kanasta

(«panier»), essekouila («école primaire»), etc.

Mais c‘est incontestablement le Fr qui a le plus pourvu l‘AA en apport lexical. A supposer que l‘on veuille faire la liste de tous les mots Fr empruntés par l‘AA, elle serait interminable et jamais exhaustive à cause des incessantes entrées/sorties des mots dans l‘AA, d‘une profusion de termes usités dans tous les domaines de la vie des algériens. En effet, l‘explosion des termes Fr désignant les objets et les produits issus de récentes innovations technologiques apporte encore la preuve de la préférence notable de cet AA pour les emprunts en Fr. « En Algérie, le français conserve le statut de langue seconde pour toute une génération d‘Algériens colonisés, il a laissé des traces importantes sous forme d‘emprunts dans l‘arabe dialectal» (Dabène, 1981 : 39)18. Les exemples sont multiples et le cas de la téléphonie est évocateur : on ne dit pas mobile, on préfère portable, on emploie les noms (puce, rechargement, réseau, champ, appel, sonnerie etc.), les verbes (bipper, composer, envoyer un

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message, « couper », rappeler etc.) Quant aux termes liés au domaine de l‘informatique, des ordinateurs, de l‘internet, des réseaux sociaux etc., le Fr est de loin très prédominant. Pour ne citer que l‘exemple du réseau social Face book, les termes qui ont essaimé le parler algérien est stupéfiant. Ainsi, les verbes comme (ajouter, rejeter, inviter, commenter, publier, aimer, adorer, bloquer, supprimer, désactiver etc.), ou les noms comme (compte, mot de passe, page, commentaire, mur, message, profil etc.) sont autant d‘exemples d‘un choix résolu des algériens pour des mots Fr.

1.2.2 L’amazigh.

Près de 9 millions d‘Algériens (représentant approximativement 27,4 % de la population) parlent l'une des variantes du berbère, appartenant au groupe berbère composé du kabyle, du tamazight, du chaouï (shawiya), du mozabique, du tshalhit, du touareg, du tarifit,

du tumzabt, etc. Les amazighophones forment diverses communautés telles que les Kabyles,

les Chaouias, les Zénètes, les Mozabites, les Touaregs, etc. Le berbère n'est pas une langue uniformisée pour plusieurs raisons dont les suivantes

1) D'abord, les berbérophones sont répartis dans de vastes étendues géographiques comprenant l'Algérie, le Maroc, la Tunisie, la Lybie, la Mauritanie, le Niger et le Mali.

2) Au point de vue historique, les Berbères ont dû subir de multiples invasions qui ont poussé les populations à se disperser à différents endroits de la région.

3) Mis à part la Kabylie, les berbérophones ne sont que rarement regroupés sur un territoire continu ; au contraire, ils constituent généralement des communautés isolées les unes des autres, souvent sans contact.

Il n'y a donc pas de variété berbère standardisée. En fait, ces variétés dialectales, bien que témoins d‘une tradition vivace et très ancienne, n‘ont été soumis que tardivement à des tentatives de codification et d‘uniformisation ; il est possible que le tamazight soit le début d'une variété normalisée et standardisée. Plusieurs variétés le composent : kabyle, chaouia, tamazight, hassaniyya, tumzabt, taznatit, etc.

En Algérie, les berbérophones sont regroupés surtout près de la capitale Alger et au centre du pays ; on trouve aussi quelques communautés éparpillées dans le Sud. Soulignons également que les Berbères sont présents dans les pays voisins (Maroc, Tunisie, Mauritanie, Mali, Libye, etc.). En Algérie, ils peuplent la région des Aurès (le chaoui) et le Mzab (le m‘zab), mais aussi dans d‘autres régions du Sahara, du Maghreb et de l‘Afrique

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