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Un Projet de Réseau Européen pour la Formation en Intercompré - -hension : PREFIC

Didactiser le contact entre les langues : quels enjeux sociaux et interculturels ?

III. Les atouts du recours à l’intercompréhension en contexte professionnel

III.3. Un Projet de Réseau Européen pour la Formation en Intercompré - -hension : PREFIC

L’intercompréhension s’avère donc être une compétence professionnelle à valoriser sur le marché actuel du travail. Forte de ce constat, l’association Mondes

parallèles a lancé, en 2010, un projet de réseau européen pour la formation en inter

-compréhension, ayant pour objectif de permettre la pratique de l’intercompréhension

dans le cadre de collaborations professionnelles transnationales et de proposer l’inter

-compréhension comme outil de communication dans un contexte professionnel multilingue.

Ce projet a pu être expérimenté dans le cadre d’une collaboration avec le

réseau international des Cités des métiers, qui regroupe une quarantaine de plates-formes

dans une dizaine de pays de langue latine (français, espagnol, italien, portugais). Pour

échanger lors de leurs rencontres annuelles, les représentants des différentes plates

-formes avaient pour habitude de recourir uniquement au français et à l’anglais, ce qui pouvait donner lieu à une limitation des échanges ainsi qu’à une certaine frustration pour les personnes ne maîtrisant pas pleinement l’une ou l’autre de ces deux langues.

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Un réseau de formateurs a été constitué pour former ces professionnels à

l’intercompréhension, et lors de l’université d’hiver, qui s’est tenue à Rome en 2012 et qui a réuni une centaine de participants, locuteurs des quatre langues précitées, l’intercompréhension a été utilisée par tous comme moyen de communication. Les résultats de cette expérience se sont avérés extrêmement positifs : l’intercompréhension a permis, pour la première fois, la participation constructive de tous et une réelle mutualisation des bonnes pratiques professionnelles.

Au-delà de ce premier constat, on remarque également que le recours à

l’intercompréhension influe sur les savoir-être: en effet, cette pratique procure plus

d’autonomie dans l’expression individuelle, mais également plus de réciprocité, d’écoute et de respect dans les échanges. De ce fait, malgré les aménagements nécessaires à ce

type de communication (débit lent, phrases courtes, nécessité de synthétiser), celui-ci

induit une réelle équité linguistique qui met tous les acteurs au même niveau, et contribue ainsi à une atmosphère de travail respectueuse où chacun peut s’exprimer sereinement.

Alain Jouneau, directeur de la Cité des métiers de Limoges, en témoigne:

«On l’a bien vu dans le bilan général, c’est la première année qu’on a la sensation, et pas seulement la sensation, la réalisation d’un vrai échange entre les francophones et les non-francophones [...]. Ça a amélioré énormément, énormément, la qualité des échanges, et chacun a trouvé sa place. [...] En termes de posture, chacun se sent à l’aise dans sa langue, [...] il me semble que ça change tout. [...] Ça a généré une capacité d’écoute (on ne se coupe pas la parole), et globalement, dans ces conditions-là, l’échange était meilleur. [...] Force est de constater que non seulement ce n’est pas une technique pour se parler entre francophones et non-francophones, mais c’est une démarche symbolique aussi, de capacité à se parler au sein d’un réseau qui est international. Là, du coup, ça justifie qu’on consacre du temps à une technique et ça dépasse complètement la technique. [...] Ça ouvre des portes en termes de collaboration, de coopération. Ça renforce énormé

-ment la coopération entre les membres du réseau. On ne peut pas le réduire simplement à une technique. [...] Je suis très fana de l’anglais, j’aime bien cette langue, mais mine de rien, ça a un sens culturel, je trouve, de se rapprocher de ses racines latines, ça montre qu’on n’est pas obligé de passer dans le modèle anglo-saxon en permanence»16.

Parmi les bénéfices tirés de cette expérience réussie, on remarque également un

regain d’intérêt pour l’apprentissage des langues étrangères de la part des participants, qui ont eu l’occasion de découvrir et de pratiquer leur compétence plurilingue. Apprendre une langue de cette façon, en se basant sur ses connaissances dans sa propre langue, est en effet vecteur de plaisir car il conforte dans ses propres savoirs et ses propres capacités.

16 Vous pouvez trouver l’intégralité de ce témoignage sur le lien suivant : https://www.youtube.com/ watch?v=hvSH6MjmGU0, et pour plus d’informations sur ce projet : http://prefic.net.

Enfin, il s’est avéré que la formation à l’intercompréhension des professionnels

présente également un gain en matière de tempset d’argent : infiniment plus courte qu’une

formation linguistique classique, elle permet cependant d’acquérir des compétences en collaboration multilingue immédiatement applicables de manière efficace. Ce gain de temps et d’argent est un atout non négligeable pour les entreprises.

IV. L’intercompréhension, moteur du dialogue interculturel IV. 1. Une appartenance commune: la romanité

On l’a vu dans les propos d’Alain Jouneau, l’intercompréhension entre langues romanes fait aussi prendre conscience d’une appartenance à une communauté, à un

espace géographique: la romanité.

Dans le cadre de son action en faveur de la diversité linguistique et culturelle, l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) a impulsé en 2001 une alliance politique des trois espaces linguistiques que sont la francophonie, l’hispanophonie et

la lusophonie, en collaboration avec le Secrétariat général ibéro-américain (SEGIB) et

la Communauté des pays de langue portugaise (CPLP). L’objectif de cette alliance est de marquer cette appartenance commune à la romanité et de développer le potentiel que cette proximité linguistique et culturelle peut susciter, notamment via la promotion de l’intercompréhension entre langues romanes.

En effet, si l’on se réfère à l’espace de l’Union européenne, on constate que sur 500 millions d’Européens, 200 millions sont de langue maternelle romane. Les locuteurs de langues romanes sont donc très majoritaires et il serait légitime de tirer profit de cette proximité linguistique plutôt que de recourir systématiquement à une langue tierce appartenant à une autre famille de langues.

L’intercompréhension peut donc être un vecteur linguistique de dialogue interculturel entre les populations de langues romanes dans la société mondialisée et multiculturelle que nous connaissons aujourd’hui. En France, on peut constater que

les langues romanes représentent des langues importantes de l’immigration: aux

immigrations italienne, espagnole et portugaise du courant du XXe siècle a succédé

aujourd’hui l’immigration roumaine. L’intercompréhension, si on sait y recourir, peut être dans ce contexte facilitatrice d’intégration, tant pour les immigrés que pour les Français désireux d’échanger avec les nouveaux arrivants.

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Encore faudrait-il que les citoyens européens soient conscients de cette proximité

linguistique et de la capacité de chacun à développer sa compétence plurilingue. L’enseignement traditionnel cloisonné des langues ne prépare aucunement à ce type d’exercices.