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2.1. L’action humanitaire compatible avec des missions courtes

Les missions courtes ont souvent été critiquées dans la littérature. Elles sont le plus souvent réalisées par des ONG de petite taille. Leur nombre s’est multiplié et a participé à la complexification du paysage humanitaire. Les dilemmes éthiques auxquels elles font face sont souvent plus complexes que ceux des grandes structures soutenues par une équipe administrative expérimentée. Afin de mener des programmes viables, elles nécessitent de créer des partenariats à long terme, d’établir des systèmes de soins efficaces, de promouvoir la formation et d’améliorer la santé publique locale98. Leur organisation doit être rigoureuse et

elles ont besoin d’outils d’évaluations déontologiques et de supports pratiques, permettant de les accompagner dans leur projet. 99

PDM semble avoir réussi le pari initial de mener des programmes pérennes au travers de ses missions relais courtes. Grâce à une cohésion d’équipe et une collaboration étroite avec les acteurs locaux, les pédiatres ont trouvé le moyen de mener ces projets, tout en maintenant leur activité principale.

Cet objectif a été obtenu de manière progressive. Les premières missions de l’AFPA- Humanitaire consistaient à réaliser des soins primaires, à apporter du matériel spécialisé et des médicaments. Très vite les équipes se sont rendu compte qu’afin de prendre en charge les enfants dans leur globalité et de rendre leurs actions pérennes, il était nécessaire d’y ajouter un travail de formation des acteurs locaux. Suite à ces constats et grâce à l’implication des professionnels locaux, plusieurs programmes ont permis d’améliorer la santé publique locale (Néonatalogie, mucoviscidose, etc.).

A partir de 2012, PDM a débuté plusieurs études prospectives permettant d’évaluer l’efficacité de ses actions comme dans le partenariat avec Nutriset.

Depuis 2015, ces études se sont centrées sur des programmes d’éducation thérapeutique menés dans les écoles du Maroc et du Cambodge. Les données de ces études sont en cours d’évaluation, mais on peut espérer qu’elles serviront au perfectionnement des projets actuels et futurs. Ce qui reflète la capacité de l’association à se remettre en question et sa volonté d’améliorer ses pratiques.

Cette évolution est également le fruit des échecs rencontrés : difficulté de collaboration pérenne, de mise en place de formations, émigration des professionnels formés, effet doublon avec d’autres associations, problèmes de sécurité, etc. PDM a su se retirer des projets ne correspondant pas à leur ligne de conduite et mieux définir ses objectifs, comme en Afghanistan où la mise en place de formation était difficile.

C’est finalement grâce à une grande capacité d’écoute, de remise en question mais aussi grâce à leur persévération que les membres de PDM ont réussi à établir de véritables relations de confiance et de collaboration.

« Certes nous sommes passés en force, avons parfois négligé trop souvent concertation et participation. Certes nous n’avons pas apporté, comme d’autres pays, de matériel sophistiqué et performant. Mais, depuis bientôt dix ans, nous sommes là, nous revenons... notre action s’inscrit dans la durée et les liens se créent. Nous avons forcé la confiance, en nous confrontant à la réalité de consultations conjointes... Sans cesse à notre savoir français nous confrontons sur le terrain la question « qu’est-ce que je ferais si j’étais à leur place, avec leurs moyens ? »... Nous nous remettons en cause, nous cherchons ensemble à essayer d’adapter nos méthodes à la réalité présente...Nous apprenons ensemble.

Et si c’était cela la concertation et la participation ? Quand l’humanitaire devient l’échange.... Quand la main tendue est enfin serrée... ou accepte de ne pas l’être ou ne se tend même pas ? Quand on est sûr qu’au bout du compte, en dépit des maladresses et des blessures il reste quelque chose...L’essentiel ? » (Entre maladresse et ingérence – Catherine Salinier – Présidente de PDM) 100

2.2. La création du CEPDM

Il semble suivre les recommandations de Pierre le Coz : il comporte un éthicien, une partie de ses membres sont indépendants de PDM et représentent différentes professions. Son avis reste pour le moment consultatif, en dehors des protocoles de recherche. Mais on peut imaginer que son rôle prenne de l’importance et permette de guider systématiquement les programmes. Il est le témoin de l’humilité des équipes de PDM, de leur volonté de transparence et de leur désir d’améliorer leurs projets.

Il est important que ce comité reste indépendant de toute influence politique, économique ou autre. Il serait intéressant d’y inclure les bénéficiaires et des membres de milieux socio-culturels différents.

2.3.Perspectives d’avenir

Plusieurs membres de PDM se sont formés à la pratique humanitaire via les universités. Des systèmes d’évaluation de projets ont été mis en place notamment au travers d’études prospectives. Mais l’utilisation d’outils de conception de projet et d’évaluation n’est pas systématique au sein de l’association. Le CEPDM va permettre de répondre aux problématiques ponctuelles. Il serait intéressant d’évaluer chacun des programmes par des outils déontologiques et de conception déjà existants. Cette évaluation pourrait se faire de manière interne par les membres de PDM, mais également par des intervenants externes. Ceux-ci doivent être indépendants de tout conflit d’intérêt. Elle permettrait d’apprécier notamment les objectifs finaux, la pérennité des projets, la place donnée aux bénéficiaires et la mise en pratique des programmes.

L’utilisation de ses outils de manière systématique ne risque-il pas de mener à des dérives normatives ? Les bénéfices des missions sont-ils tous évaluables? Peut-on vraiment trancher sur le bien fondée d’une action ? On ne peut pas toujours savoir où va mener un projet. Mais il semble nécessaire de s’astreindre à une certaine rigueur, notamment de faire des études de terrain, de prendre régulièrement du recul et de réévaluer les objectifs en consultant régulièrement les bénéficiaires.

Il serait également intéressant d’instituer des collaborations avec des juristes, sociologues et anthropologues, afin de réfléchir à un accompagnement global des populations et de prendre en compte voire d’agir sur leur environnement.

III. La déontologie, l’éthique et l’humanitaire : de la théorie à la mise en pratique