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Dans ce chapitre, nous allons voir comment le « programme pour les cours en entreprise de niveau A1 » s’est modifié, transformé en une simulation globale revisitée de français professionnel pour s’adapter au contexte tout en respectant les conditions de la commande, grâce aux enquêtes et outils théoriques des chapitres précédents.

1. D’un programme de français professionnel…

1.1. Du français à visée professionnelle

Comme nous l’avons vu dans le chapitre 2, les besoins des apprenants en langue française sont divers et variés : ils exercent une multitude de professions différentes, allant de patroniste à psychologue en passant par responsable des commandes et ingénieur dans le service après-vente, et les entreprises qui font appel à l’Alliance française de Sabadell sont de secteurs différents - la mode, les machines industrielles et les échantillons. C’est entre autres pour cela que le français utilisé par défaut pour les cours en entreprise de niveau A1 est du français général. Mais le français général ne permet pas de motiver les professionnels qui ont besoin d’une corrélation très forte entre le contenu du cours et leurs objectifs, leurs besoins (Mangiante. Parpette, 2004 : 139). Au vu de l’hétérogénéité des profils et des besoins, une démarche de FOS n’est pas pour autant envisageable, d’autant plus que la commande place le projet dans une logique d’offre : l’Alliance française de Sabadell souhaite disposer de « cours standardisés […] en réponse à des besoins identifiés avec plus ou moins de précision » (Le Ninan. Miroudot, 2004 : 109) pour pouvoir les vendre aux entreprises. Le français de spécialité étant tout aussi inadapté que le FOS, il ne reste que l’option du français professionnel, de loin la plus adéquate à la situation puisqu’il vise des compétences professionnelles et transversales. Le programme sera donc un programme de français professionnel.

1.2. Un format plus ou moins en accord avec la commande

On l’a vu, le format le plus répandu des cours donnés par l’AF Sabadell en entreprise est le format extensif134. C’est donc assez logiquement celui qui a été choisi pour

le programme. Mais la commande demandait qu’il soit également adaptable aux immersions, au format intensif donc. Pour y répondre, le programme a été découpé en étapes qui permettent de l’adapter à une formation intensive de deux semaines de trente

134Selon l’analyse du contexte, le format le plus répandu est deux heures de cours par semaine de septembre à

heures (première semaine : étapes 0 et 1 - deuxième semaine : étapes 2, 3, 4). Ce format est néanmoins très lourd, tant pour les apprenants que pour l’enseignant. Je ne le recommanderais pas, même si je suis consciente que des formations de ce genre sont parfois dispensées par des centres de langue.

1.3. Une double contrainte

Dans le chapitre 3 nous avons vu que la commande établit une double contrainte pour le programme : d’une part, il doit aborder de manière exhaustive toutes les compétences communicationnelles et notions linguistiques qu’est censé avoir vu un apprenant de niveau A1 (en particulier les points de grammaire135) ; et d’autre part, il ne

peut pas dépasser les soixante heures de formation. Certes, théoriquement le niveau A1 s’acquiert en soixante heures136. Mais c’est sans compter le fort taux d’absentéisme des

cours en entreprise. De plus, soixante heures est assez court : beaucoup d’organismes de formation préfèrent étaler leurs cours de niveau A1 sur quatre-vingt-dix heures (c’est d’ailleurs le cas des cours de français général de l’AF Sabadell). Cette double contrainte est à l’origine de la sélection des contenus que nous verrons dans la troisième partie du mémoire.

1.4. Un principe organisateur original

Ces contenus ont ensuite été assemblés en un tableau (le programme) selon une trame spécifique, un principe organisateur. Cela aurait pu être une structuration thématique (« couvrir des “territoires” professionnels, simplement juxtaposés » (Mourlhon- Dallies, : 216)), une organisation selon les quatre habiletés, ou encore selon les dispositifs de travail (des plus privés aux plus collaboratifs – ou inversement), mais je leur ai préféré un autre principe organisateur, plus actionnel et plus adapté aux cours en entreprise de l’AF Sabadell (comme nous le verrons par la suite) : un scénario de cadrage.

2. … à une simulation globale revisitée clef-en-main.

2.1. Un scénario de cadrage

Comme nous l’avons vu dans le chapitre 5, un scénario de cadrage ou scénario d’apprentissage-action est une sorte de fil conducteur de la formation. Il se présente sous la forme d’une macro-tâche à l’horizon de laquelle les apprenants doivent réaliser une multitude de sous-tâches. La tâche finale que j’ai choisi pour le projet est de « participer à

135Cf. Chapitre 3.

un Salon professionnel de l’Étudiant », c’est-à-dire un salon destiné aux étudiants en formation professionnelle, et dont les exposants sont des entreprises. En plus d’avoir une perspective actionnelle forte, ce scénario respecte les trois règles de l’élaboration didactique de Jean-Marc Mangiante et Chantal Parpette (2004 : 79) en proposant des tâches très participatives (1), qui permettent de créer une communication réelle (2), tout en combinant travail individuel et travail collectif (3), comme nous le verrons plus en détail dans les chapitres suivants. Grâce à ces activités ancrées dans la réalité du public professionnel, c’est un véritable « scénario d’exploitation qui permettrait une véritable pédagogie de projet » (Sagnier, 2004 : 103).

2.2. Une simulation globale revisitée

Ce scénario de cadrage se place dans le cadre d’une simulation globale revisitée qui, pour coller au plus près à la réalité du monde du travail, est une simulation à visée professionnelle, fixe, réaliste, destinée à des adultes et dans le cadre de l’apprenant – selon la typologie de Francis Yaiche137. Une simulation de ce genre a été publié en 1996,

L’entreprise, mais elle n’est pas du tout adaptée à la situation d’enseignement- apprentissage qui nous concerne138.

2.2.1. La simulation pour motiver les apprenants

Une simulation globale, revisitée ou non, a l’avantage d’être « une réalité fictive plus réelle que les bribes de réalité concrète que l’on essaie parfois d’introduire maladroitement en classe de langue » (Debyser, 1996 : VI). Elle fait la part belle à la créativité et à l’imaginaire, ce qui la rend particulièrement motivante pour les apprenants. Elle favorise aussi leur autonomie : les apprenants sont « les acteurs véritables – et dans tous les sens du terme – de leur apprentissage » (Yaiche, 1996 : 15). La simulation globale semble être une solution adéquate pour contrer l’absentéisme en jouant sur la motivation du public professionnel.

2.2.2. Des représentations positives

De plus, la simulation globale jouit d’une assez bonne réputation auprès du public enseignant. Même si peu d’entre eux savaient ce qu’était une simulation globale avant de participer à l’enquête139, les enseignants en ont une représentation plutôt positive puisqu’ils

137Cf Annexe T.

138Elle a été conçue pour un niveau fin B1 minimum et vise du français des affaires, sans compter le fait

la considèrent comme « motivante » (100 % des enquêtés), « ludique » (75 %) et « utile » (65 %), « pratique » et « alternative » (60 % chacun).

2.2.3. Une certaine appréhension

Mais la moitié d’entre eux la considère également comme « long[ue] », « fastidieu[se] », « ambitieu[se] » ou « chronophage ». Trois participants pointent explicitement les deux appréhensions majeures des enseignants à une simulation globale en entreprise : le manque de temps (participant n°7) et la discontinuité des cours (participants n°1 et 10140). On peut donc légitimement se demander si ces représentations ne seront pas

un obstacle à l’utilisation par les enseignants. Une esquisse de solution est envisagée avec la question 10 du questionnaire : tous141 pourraient considérer « une simulation globale à

mettre en place avec [leurs] élèves débutants en entreprise » si elle leur était proposée.

2.3. Un outil prêt à l’emploi

C’est pourquoi j’ai choisi de passer d’un simple programme de formation à une simulation globale revisitée clef-en-main, c’est-à-dire prête à être utilisée et ne nécessitant qu’une petite préparation de la part de l’enseignant. Chaque tâche sera décomposée en étapes dont le déroulement sera expliqué dans des fiches pédagogiques, auxquelles seront associées des documents didactiques et des activités destinées aux apprenants. L’enseignant n’aura plus qu’à se familiariser avec ces outils pour pouvoir les employer du mieux possible en classe.

Dans le souci de laisser à l’enseignant une certaine marge de manœuvre et de ne pas lui imposer un outil figé avec lequel il serait mal à l’aise, cette simulation globale revisitée propose une double modalité d’enseignement (f. chapitre 10, 2.2.1) et laisse à l’enseignant la charge d’y inclure des jeux et des activités phonétique et l’interculturel.

On pourrait donc dire que dans l’optique de mieux prendre en compte les spécificités du contexte, le projet s’est transformé en une simulation globale revisitée de français professionnel inachevée et prête à l’emploi (sic!).

139Neuf des douze participants déclarent avoir entendu parlé de « simulation globale » avant de participer à

l’enquête, dont sept en ayant utilisé « parfois » ou « rarement ». Mais quand on étudie les réponses de ces derniers à la question ouverte « Selon vous, qu’est-ce qu’une simulation globale ? », on se rend compte que la moitié ignore le caractère global de la simulation, pour laquelle la simulation globale se réduit à une « mise en situation » ou « mise en contexte », via un « jeu de rôle ».

140« si le cours en entreprise est extensif et que le public varie souvent suivant les sessions à cause des

impératifs professionnels les faisant manquer les cours de temps à autre, il est très difficile à mettre en place » – participant n°10, Annexe F.

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