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UN PROGRAMME ALIMENTAIRE COMPLET ?

Avec un budget annuel dépassant les 2,5 millions d’euros, le projet « Good Food » se veut ambitieux. La Belgique étant un État aux pouvoirs très décen- tralisés, les gouvernements régionaux disposent de compétences bien plus élargies qu’en France. Cette spécificité rend les conditions plus favo- rables pour le développement de projets alimen- taires à l’échelle territoriale.

« Good Food » présente cette originalité d’approche transversale et mobilise de nombreuses compétences, toutes régionales. Dans les sphères politiques belges, les ministères ont pourtant tendance à travailler de façon segmentée. Cette particularité s’explique en partie par le système « proportionnel » où de nombreux partis politiques sont représentés au parlement. Les majorités sont souvent difficiles à constituer (l’épisode des 541 jours sans gouvernement fédéral en est la preuve), ce qui rend quasi inévitable la formation d’exécutifs composés de partis aux programmes souvent antagonistes. Bien que la loyauté soit de mise, une certaine réserve reste toutefois inhérente entre les ministères. Le dossier controversé du « survol de Bruxelles », qui n’évolue pas depuis de nombreuses années car chaque camp souhaite envoyer les avions là où son électorat ne se trouve pas, est un très bon exemple illustrant ce propos.

Concernant « Good Food », on peut dès lors s’interroger quant à la réelle collaboration possible entre les différents exécutifs et niveaux de pouvoir dans le cadre d’un projet aussi transversal. L’un des grands enjeux sera de réussir à rassembler tous les acteurs autour d’un projet commun, au-delà des enjeux politiciens. Les premiers résultats sont concluants au niveau régional puisque nombreux sont les projets cités qui ont mobilisé avec succès les compétences d’emploi, d’environnement ou encore d’éducation (par exemple Boeren Bruxsel Paysan). À ce jour, les partenariats entre gouvernements régionaux et fédéral restent quant à eux peu nombreux et

à développer. La création de la plateforme régio- nale « alimentation et agriculture » (voir plus haut) constitue une bonne initiative interrégionale qu’il faudra veiller à concrétiser et poursuivre.

Il est aussi regrettable de constater que certains piliers de l’alimentation durable ne soient pas abordés dans « Good Food ». La quasi absence de prise en considération des aspects relatifs à la santé et la nutrition reste flagrante, en comparaison par exemple avec le programme agricole et alimentaire de Montpellier Méditerranée Métropole (Touzard, 2014). Pour envisager « Good Food » de façon plus complète, les pouvoirs publics bruxellois, en concertation avec le gouvernement fédéral, auraient pu évoquer de façon plus claire les actions à mettre en place dans des domaines relatifs à des compé- tences non déléguées.

La Région prend par ailleurs certaines orien- tations politiques « fortes » telles que la promo- tion inconditionnelle de l’agriculture biolo- gique. Ces choix tranchés ne font pas l’objet de critiques, alors qu’ils peuvent potentiellement pénaliser certaines filières agricoles convention- nelles. Bruxelles est une « ville-région » où les agriculteurs ne sont quasiment pas représentés. En menant des politiques potentiellement défa- vorables pour une partie du monde agricole, les dirigeants régionaux ne prennent en réalité que peu de risque socioéconomique et électoral. De telles postures seraient beaucoup moins faciles à assumer dans des régions plus rurales. Par exemple, au sein de la Métropole de Montpellier, les porteurs de projets alimentaires se montrent bien plus nuancés quant à la question de l’agriculture biologique, car ils sont conscients qu’ils doivent protéger le tissu économique du territoire où la production conventionnelle reste majoritaire. Il n’est par exemple pas question de vouloir influencer tous les agriculteurs locaux vers l’agriculture biologique ou de promouvoir exclusivement ce type d’agriculture auprès des consommateurs.

CONCLUSION

« Good Food » représente la synthèse de différentes initiatives menées depuis quelques années. Le gouvernement s’inspire de ces premiers résultats positifs pour mener une poli- tique volontariste en faveur de l’alimentation

durable sur le territoire. Bien qu’elle soit impar- faite et pétrie de bonnes intentions qui devront encore se concrétiser, l’exécutif bruxellois se donne les moyens pour mener à bien cette poli- tique cohérente répondant à de réels enjeux. Le gouvernement a également eu l’intelligence de se positionner non pas comme seul porteur de projet, mais plutôt comme facilitateur encoura- geant les initiatives et la collaboration des acteurs de terrain. Il est fondamental que ces derniers s’approprient « Good Food » et le fassent vivre, pour qu’il puisse s’engager une réelle remise en question à long terme du système alimentaire bruxellois.

BIBLIOGRAPHIE

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présentation du projet.

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Multifonctionnalité de l’agriculture urbaine à Montréal : étude des discours au sein du programme des jardins communautaires.

Jipad 2016

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