• Aucun résultat trouvé

Profils alimentaires et expression génique

CHAPITRE 1 : Revue de la littérature

1.1 Profils alimentaires

1.1.3 Profils alimentaires et expression génique

Selon nos connaissances, aucune étude à l’exception des travaux rapportés dans le cadre de cette thèse ne s’est penchée spécifiquement sur les associations entre des profils alimentaires, à l’exception de la diète Méditerranéenne, et la transcriptomique (expression génique). Conséquemment, les données rapportées ci-dessous sont majoritairement issues des études ayant observé l’effet d’un ou de quelques nutriments de même que la restriction calorique et les profils d’expression génique ou encore l’expression de quelques gènes candidats. Les prochaines sections traitent d’abord de quelques facteurs pouvant moduler l’expression génique et ensuite de l’impact de l’alimentation sur l’expression génique.

Facteurs affectant l’expression génique

Différents mécanismes ont été mis de l’avant afin d’expliquer l’impact de l’alimentation sur les niveaux d’expression génique. D’abord, les nutriments peuvent, en se liant à des facteurs de transcription, moduler les niveaux d’expression de plusieurs gènes. Par exemple, les facteurs de transcription encodés par les gènes PPARs ont pour ligands exogènes naturels les AGPI. Tel que présenté à la figure 1.1, PPARA, PPAR gamma (G) et PPAR delta (D) se lient ensuite aux éléments de réponse nommés peroxisome proliferator response elements (PPREs) localisés sur de nombreux gènes cibles et modulent ainsi l’expression de gènes impliqués dans différentes voies métaboliques telles que le métabolisme des lipides, la prolifération cellulaire, la différenciation cellulaire de même que les réactions immunitaires et inflammatoires [79,80].

17 Figure 1.1 La liaison de l’hétérodimère PPAR-RXR sur le PPRE d’un gène cible. [81]

L’alimentation peut aussi avoir un impact sur l’expression génique via des modifications épigénétiques [82]. Supic et collaborateurs [82] en 2013 ont décrit que les apports alimentaires entre autres en folate, polyphénols et isoflavones affectent la méthylation de l’ADN, la modification des histones et les micro-ARN (miARN). Toutes ces modifications sont ce que l’on appelle des modifications épigénétiques, c’est-à-dire des modifications qui affectent le génome et la régulation de l’expression des gènes sans modifier la séquence d’ADN [82].

Impact de l’alimentation sur l’expression génique

Konstantinidou et collaborateurs [83] ont réalisé en 2013 une revue de la littérature portant sur l’effet de la diète méditerranéenne ou encore l’ajout d’huile d’olive à l’alimentation sur l’expression génique. Ces derniers ont rapporté les résultats de quatorze études. D’abord, l’expression des gènes était principalement mesurée dans les cellules mononuclées périphériques sanguines (PBMCs). Les diètes méditerranéennes ou l’ajout d’huile d’olive étaient fréquemment comparés à des diètes élevées en acides gras saturés ou encore à une diète de type Western. Une étude a également comparé l’effet de la diète méditerranéenne standard versus une diète méditerranéenne enrichie en antioxydants. Les études mesuraient pour la plupart l’expression génique par réaction en chaîne de la polymérase à transcription quantitative inversée (qRT-PCR) et quelques-unes avaient utilisé des micropuces sur le génome entier. Les études démontraient principalement une diminution dans l’expression

18

postprandiale des gènes impliqués dans les processus inflammatoires comparativement à une diète riche en gras saturés. Une autre étude publiée en 2013 a examiné auprès de 34 individus de la cohorte Prevencion Con Dieta Mediterranea (PREDIMED) que les diètes méditerranéennes enrichies en huile d’olive ou encore en noix modifiaient toutes deux les voies métaboliques reliées à l’athérosclérose et à l’hypertension comparativement à une diète faible en gras [84].

Ravasco et collaborateurs [85], ont étudié l’impact de l’alimentation habituelle sur les niveaux d’expression du gène nuclear factor kappa B (NFKB), un gène codant pour un facteur de transcription impliqué dans les processus inflammatoires. Ces derniers ont observé que les individus avec une consommation plus élevée de protéines animales, de glucides raffinés, de gras saturés, d’AGPI oméga-6 (n-6) et d’alcool avaient des niveaux d’expression de NFKB plus élevés tandis que l’opposé avait été observé pour les individus avec une consommation élevée d’AGPI n-3, de fibres alimentaires, de vitamine E, de flavonoïdes, d’isoflavones, de bêta-carotène et de sélénium [85].

D’autres études se sont plutôt penchées sur l’effet de la restriction calorique sur l’expression génique. Chez les souris, la restriction calorique affecterait principalement des gènes impliqués dans des voies métaboliques telles que le métabolisme du glutathion, la réponse immunitaire, le métabolisme des lipides et du cholestérol de même que la phosphorylation oxydative [86]. Chez les humains, des diètes faibles ou très faibles en calories ont mené à des changements dans l’expression de gènes reliés au métabolisme des glucides, de la synthèse des lipides, aux macrophages et aux adipocytes [87-89]. Par exemple, l’expression des gènes ATP citrate lyase (ACLY), acetyl-CoA carboxylase alpha (ACACA), fatty acid synthase (FASN) et stearoyl-CoA desaturase (SCD) impliqués dans la voie de la lipogénèse de novo, du gène carnitine palmitoyltransferase 1B (CPT1B) impliqué dans la bêta-oxydation des acides gras et des gènes serpin peptidase inhibitor, clade F (SERPINF1) et secreted protein, acidic, cysteine-rich (SPARC) impliqués dans la résistance à l’insuline, était diminuée suite à la diète très faible en calories [88]. Finalement, Mutch et collaborateurs [90] ont observé des différences entre des femmes qui perdaient du poids et le maintenaient suite à une diète faible en calories comparativement à celles qui

19 perdaient du poids et le reprenaient suite à une diète faible en calories, dans l’expression de gènes impliqués dans les voies métaboliques du métabolisme des lipides, du cycle de Krebs, de la phosphorylation oxydative et dans l’apoptose.

Les différents types de gras et leurs effets sur l’expression génique ont été également étudiés. La consommation, durant huit semaines, d’une diète élevée en gras saturés comparativement à une diète élevée en gras monoinsaturés induirait un profil d’expression génique davantage pro-inflammatoire [91]. Une étude de 2014 chez 18 adultes en santé qui a comparé l’effet d’une diète élevée en acides gras saturés de type palmitique versus une diète faible en acide palmitique et élevée en acide oléique (acide gras monoinsaturé), a observé une diminution de l’expression du gène insulin induced gene 1 (INSIG1), un gène impliqué dans la régulation du métabolisme du cholestérol induit par l’insuline [92]. Bergouignan et collaborateurs [93] ont observé des différences dans l’expression des gènes pyruvate dehydrogenase kinase (PDK4) et CD36 molecule (thrombospondin receptor) (CD36) suite à la consommation d’une diète isocalorique élevée en gras après seulement deux jours de consommation chez 19 participants. Les auteurs concluaient que l’augmentation de l’énergie consommée provenant des lipides conduisait à une augmentation de l’oxydation des lipides dans les muscles squelettiques [93]. Une autre étude a observé qu’une diète élevée en gras diminuait l’expression dans les muscles squelettiques de gènes impliqués dans le système endocannabinoïde [94].

Quelques études se sont également penchées sur l’effet des AGPI n-3/huile de poisson sur l’expression génique [95-98]. La consommation habituelle d’AGPI n-3 a été associée à des différences dans les voies métaboliques du métabolisme des TG et la signalisation des lipides [96]. La prise d’AGPI n-3/huile de poisson affecte l’expression de gènes reliés à l’inflammation tels que CD68 molecule (CD68), matrix metallopeptidase 9 (gelatinase B, 92kDa gelatinase, 92kDa type IV collagenase) (MMP9) et chemokine (C-X-C motif) ligand 8 (CXCL8) [95,97,98]. Selon une étude issue de notre groupe de recherche, la prise de 5g d’huile de poisson durant six semaines a pour effet de modifier l’expression génique de gènes impliqués dans les voies métaboliques reliées à PPARA, à NFKB et au stress oxydatif [98]. Des différences dans l’expression génique en fonction des diètes ne sont toutefois pas

20

toujours observées. Meneses et collaborateurs [99] ont testé l’impact de quatre diètes (élevée en gras saturés, élevée en gras monoinsaturés, élevée en AGPI et faible en gras/ élevée en glucides) consommées durant 12 semaines sur la réponse inflammatoire postprandiale dans le tissu adipeux d’individus ayant le syndrome métabolique. Aucune différence entre les diètes dans l’expression des gènes candidats reliés à l’inflammation sélectionnés n’a été observée. Bjermo et collaborateurs [100] n’ont pas non plus observé de différence dans l’expression de gènes impliqués dans le métabolisme des lipides et l’inflammation suite à la consommation de deux diètes (diète riche en AGPI n-6 versus diète riche en acides gras saturés provenant du beurre) durant 10 semaines.