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L’application des connaissances en nutrigénomique

CHAPITRE 1 : Revue de la littérature

1.3 L’application des connaissances

1.3.1 L’application des connaissances en nutrigénomique

La génomique nutritionnelle est un domaine émergeant qui comprend la nutrigénomique, la nutrigénétique et l’épigénomique nutritionnelle [216]. La récente position de l’Academy of Nutrition and Dietetics mentionne que la génomique nutritionnelle donne un aperçu de la façon dont la diète et le génome interagissent afin de moduler le phénotype [216]. Les diététistes sont des professionnels de la santé spécialisés dans le domaine de la nutrition et seraient les mieux outillés afin d’intégrer des recommandations issues de la génomique nutritionnelle dans leur pratique professionnelle autant clinique que publique [217,218]. D’ailleurs, les diététistes travaillent déjà fréquemment auprès de patients et/ou clients qui

45 présentent des maladies issues de facteurs environnementaux et génétiques telles que le diabète de type 2, les MCV et le cancer. Toutefois l’Academy of Nutrition and Dietetics stipule que les diététistes ne devraient pas être responsables de la divulgation des résultats de tests génétiques à leurs patients ou clients mais plutôt travailler de concert avec un professionnel de la génétique ou un médecin [216]. De leur côté, les Diététistes du Canada n’ont pas émis d’avis concernant la pertinence de la génomique nutritionnelle dans la pratique professionnelle des diététistes.

Il existait déjà en 2008, environ une trentaine de compagnies offrant des tests de nutrigénétique disponibles directement aux consommateurs (Direct-to-consumer) [219]. Depuis les dix dernières années, ces tests sont devenus très présents étant donné la diminution des coûts de génotypage, l’amélioration des techniques de laboratoire et le manque de législation [216]. Les professionnels de la santé ne sont la plupart du temps pas impliqués par les compagnies offrant des tests de nutrigénétique [220]. Il a été observé que ces tests n’étaient pas appuyés par de solides évidences scientifiques. Les compagnies offrant ces tests prônent plusieurs bienfaits, toutefois l’efficacité réelle de ces tests sur l’optimisation de la santé n’a pas été validée [221-223]. De plus, ceux-ci n’utilisent que quelques SNPs pour prédire un risque plus élevé de maladie alors que chacun de ces SNPs n’expliquent qu’une faible partie de la variance observée dans la réponse à un nutriment, un aliment ou un type d’alimentation particulier [219]. Ce phénomène est très fréquent lorsque des maladies multifactorielles sont étudiées telles que les MCV [224,225]. Cela indique que potentiellement plusieurs SNPs pourraient avoir des effets synergiques, additifs ou encore antagonistes. Actuellement, l’utilité clinique de ces tests est discutable et serait plutôt faible [222,226,227]. D’ailleurs, Corella et collaborateurs [228] de même que Minihane et collaborateurs [229], ont révisé récemment les évidences dans le domaine et ont conclu que davantage d’études devront être réalisées avant de pouvoir appliquer concrètement ce savoir.

Le manque d’études en génomique nutritionnelle n’est pas le seul obstacle, les professionnels de la santé, dont les diététistes ne sont pas non plus adéquatement préparés à appliquer la génomique nutritionnelle dans leur pratique. Selon Weir et collaborateurs

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[230], les professionnels de la santé sentent qu’ils manquent de compétences afin de transmettre ce savoir à leurs patients et/ou clients. De plus, ces derniers sont septiques envers l’applicabilité immédiate de la génomique nutritionnelle étant donné l’état des connaissances actuelles [230]. Toutefois, la plupart des professionnels de la santé étaient en accord avec le fait qu’éventuellement la génétique sera au cœur de la pratique clinique [230]. Une autre étude menée au Royaume-Uni ciblant exclusivement les diététistes, a observé qu’en moyenne le niveau de connaissances en génétique et en génomique nutritionnelle était faible et qu’un niveau de connaissances plus élevé était associé avec le degré d’éducation universitaire de même que la participation à des formations continues [30]. Cette observation a également été remarquée aux États-Unis, où 81% des diététistes pensaient manquer de connaissances en regard de la génomique nutritionnelle [31]. Rosen et collaborateurs [31], ont étudié les besoins en formation continue en génomique nutritionnelle de diététistes américains. Dans leur étude, la plupart des diététistes étaient d’avis que la génomique nutritionnelle aurait des effets positifs tels qu’une plus grande individualisation des recommandations alimentaires, une plus solide base à ces recommandations et qu’elles permettraient de prévenir certaines maladies plus efficacement. Les besoins en formation continue les plus importants formulés par les diététistes étaient d’acquérir davantage de connaissances de base en génomique nutritionnelle de même que la façon de communiquer à leurs patients et/ou clients les notions issues de cette science. Une limitation observée était le nombre de diététistes experts en génomique nutritionnelle en mesure d’offrir des conférences et des ateliers de formation continue [31]. La situation auprès des diététistes québécois n’est pas différente de celle mentionnée précédemment chez les diététistes du Royaume-Uni et des États-Unis. Un récent sondage mené auprès de 373 diététistes membres de l’OPDQ (Ordre professionnel des diététistes) a observé que 76% des diététistes travaillant en nutrition clinique dans le réseau de santé publique et 63% des diététistes travaillant en nutrition clinique dans le secteur privé considéraient ne pas avoir suffisamment de connaissances afin d’incorporer la nutrigénomique dans leur pratique professionnelle [29]. La plupart des diététistes (77%) connaissaient le terme nutrigénomique toutefois une plus faible proportion des diététistes était au courant que des tests de nutrigénétique étaient disponibles directement pour les consommateurs sur le réseau Internet, plus précisément, 49% chez les

47 diététistes avec moins de 5 ans d’expérience et seulement 12% chez les diététistes avec plus de 25 ans d’expérience [29].

Malgré que plusieurs étapes restent à franchir avant l’application de la génomique nutritionnelle à la pratique professionnelle des diététistes, des tests de nutrigénétique disponibles directement au consommateur (DTC) existent déjà sur le marché et même certains tests disponibles via un diététiste tels que Nutrigenomix au Canada qui est déjà offert par presqu’une vingtaine de diététistes au Québec [231]. Conséquemment, le niveau de connaissances et d’aptitudes chez les diététistes doit être augmenté afin de maintenir à jour les connaissances de ces derniers en lien avec les avancées de la recherche en génomique nutritionnelle. Cela permettra éventuellement aux diététistes d’aborder de façon nuancée la génomique nutritionnelle avec leurs patients/clients ou encore les autres professionnels de la santé.