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CHAPITRE 2 : AU COEUR D’UNE ASSOCIATION MEDICO-SOCIALE

2. Une évolution du public : un vieillissement annoncé

2.1. Le profil des personnes accueillies

2.1.1. Des conditions préalables à l’accueil

Plusieurs conditions doivent être réunies pour pouvoir intégrer un des trois établissements :  Une situation de handicap : les personnes souhaitant intégrer une structure de l’association

doivent être en situation de handicap, principalement de déficience intellectuelle ou troubles psychiques,

Une nécessaire notification délivrée de la Commission des Droits et de l’Autonomie des Personnes Handicapées (CDAPH) : après une visite médicale auprès de Maison des Personnes Handicapées de l’Hérault (MPHH), les personnes se voient délivrer une orientation en ESAT, Foyer d'Hébergement/ ESAT, ou Foyer De Vie.

 Une notion d’âge : les personnes doivent avoir entre 18 ans et 62 ans. Par dérogation, elles peuvent rester jusqu'à l'âge de 65 ans, aussi bien pour l’ESAT, le FH et le FDV. L’âge de 65 ans constitue la limite d'âge d'accueil à partir de laquelle les personnes doivent quitter les établissements pour une réorientation au sein d'autres institutions adaptées à leurs besoins. Le départ de l’ESAT pour un résident du FH implique aussi son départ du foyer et donc de son lieu de vie.

Une autre précision est à apporter concernant le profil des personnes accueillies : une particularité distingue, d'un côté, le Foyer d'Hébergement et l'ESAT, et d'un autre côté, le Foyer De Vie. En effet, si la mission globale de l'ensemble des établissements reste identique, une distinction s’opère dans leurs objectifs spécifiques de chacun d'entre eux. Ainsi, les personnes accueillies au sein de l'ESAT et du Foyer d’Hébergement ont nécessairement des capacités de travail et une autonomie leur permettant d'accomplir les gestes simples de la vie courante. L’accueil au FH est obligatoirement sous-tendu par une prise en charge à l’ESAT. Les

35 travailleurs.euses de l’ESAT occupent un travail à temps plein ou temps partiel. Ils sont orientés au sein des ateliers professionnels en fonction de leurs souhaits, mais également en fonction de leurs possibilités. Cette évaluation est réalisée avec la personne, en équipe pluridisciplinaire (moniteurs.trices, professionnelles du pôle médico-social, médecin du travail, ergonome au besoin). Au fil de leur projet, le.la travailleur.euse peut solliciter un changement d'atelier à différentes fins : découvrir de nouveaux métiers, acquérir de nouvelles compétences,…

Quant aux personnes accueillies en FDV, elles ne sont pas ou plus en mesure d'avoir une activité professionnelle pour des raisons liées à leur pathologie mai aussi à diverses ruptures dans leur parcours de vie. Elles ont besoin d’un accompagnement dans les gestes de la vie quotidienne (aide au lever, au coucher, à l’entretien du lieu de vie, à la toilette, etc.).

2.1.2. Une répartition femmes / hommes disparate

L’association accueille 120 hommes et 50 femmes. Les femmes restent minoritaires quel que soit l’établissement dans lequel elles sont accompagnées comme le précisent les deux tableaux n°1 et n°2 (annexe n° 2). Cette disparité très prononcée, notamment à l’ESAT, trouve son explication dans les activités développées : une grande partie de celles-ci sont industrielles, historiquement associées aux hommes au sein de l’association, du fait des représentations autour de la conception du travail. Elles ne sont pas ou peu accessibles aux femmes (mécano- soudure, menuiserie, espaces verts). L’essentiel des femmes en situation de handicap travaillent au sein du pôle multiservices (35 femmes) et au sein du pôle services extérieurs, dont l’une des activités existantes tournée vers le nettoyage de locaux, compte 12 femmes.

Ce constat reflète la difficulté de l’association à évoluer dans sa conception du travail, et du cloisonnement existant des métiers qu’elle réserve aux hommes ou aux femmes. A ce jour, il est à noter qu’une seule femme occupe un poste à l’atelier menuiserie. Plus que par la plupart des cadres dirigeants, cette vision est largement portée comme norme interne par les adjoints techniques du pôle technique et de l’atelier espaces verts, qui s’opposent régulièrement à l’embauche de femmes en situation de handicap au sein de leurs activités. L’argument principal avancé à ce refus est le caractère bien trop physique et technique des métiers ne pouvant être aucunement compatibles, selon eux, avec des capacités et compétences détenues par des femmes, ces dernières étant systématiquement orientées vers des tâches de nettoyage, de restauration ou de conditionnement. Cette approche « genre » démontre l’inégalité qui s’opère entre les hommes et les femmes dans la répartition des activités, des rôles ou des statuts, limitant la liberté des femmes à bénéficier des mêmes possibilités que les hommes. Cette assignation

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des rôles selon les activités reste socialement construite. Ce point est une illustration

symbolique de l’impact des représentations sociales au sein du travail, ici, en termes de norme intégrée et véhiculée autour de métiers genrés et reconnus comme tels. A ce titre, cette vision

fait de l’ESAT et l’association des milieux tout à fait « ordinaires ».

2.1.3. De la déficience intellectuelle à la déficience psychique : l’évolution du type de handicap accueilli

L’autorisation initiale d’ouverture de l’association mentionne l’accueil de personnes souffrant principalement de déficience intellectuelle. Depuis, tout au long de son histoire, elle a été confrontée à l’évolution du profil des publics orientés par la Maison pour les Personnes en situation de Handicap de l’Hérault (MPHH). L’association s’est ainsi adaptée au fur à mesure de ces changements et accueille, aujourd’hui, une part plus importante d’adultes souffrant de

déficience psychique. La notion de handicap psychique renvoie à des pathologies

psychiatriques, nécessitant une prise en charge médicale. Aussi, si le handicap mental est le résultat d’une déficience intellectuelle, le handicap psychique est la conséquence des troubles psychiques rencontrés. Nous retrouvons principalement les troubles schizophréniques, les troubles dépressifs sévères, les troubles bipolaires et les troubles du spectre autistique. L’arrivée de cette nouvelle population a nécessité une spécialisation des professionnels.les permettant d’adapter l’accompagnement aux diverses pathologies et leurs manifestations. Nous retrouvons la répartition par déficiences et par établissements dans le tableau n° 3 (annexe n°2) : les pathologies psychiques concernent ainsi 59 % des personnes accompagnées, 35% des personnes souffrant de déficiences intellectuelles et 6% d’autres types de handicap (par autres déficiences, nous entendons déficiences auditives, visuelles, et motrices).

Si nous nous penchons de plus près sur la répartition du type de handicap par établissements (cf. tableau n°4, annexe n°2), nous pouvons remarquer que cette tendance générale s’applique pour l’ESAT, dont l’effectif est composé de plus de 60% de personnes atteintes de troubles psychiques. La répartition femmes / hommes respecte cette tendance : 27 femmes sur 48 sont concernées par les troubles psychiques, soit la moitié de l’effectif féminin de l’ESAT ; et 68 hommes sur 112 (cf. tableau n°5bis, annexe n°2).

Au niveau du FH et FDV (cf. tableau n°5 et n°5bis, annexe n°2), la pathologie prédominante est la déficience intellectuelle pour 54% des personnes accueillies, avec, néanmoins quelques disparités. Au niveau du FH, le nombre de femmes ayant une déficience mentale est plus élevée (8 femmes sur 13) alors que pour les hommes, la répartition reste équivalente pour l’une ou

37 l’autre des pathologies. Au sein du FDV, la tendance s’inverse : 5 hommes sur 7 présentent une déficience mentale, et une femme sur 3.

Cette inversion entre ESAT et FH/FDV s’explique par le fait que l’arrivée de ce nouveau public a modifié les besoins en termes d’accompagnement : les personnes souffrant de troubles psychiques n’ont, pour la majorité, aucune atteinte intellectuelle et de fait, ont une capacité à gérer leur quotidien et donc de vie en extérieur. La plupart des adultes souffrant de déficience psychique résidant au FH ont intégré le foyer comme un sas faisant office de « tremplin », leur permettant de consolider leurs acquis, de se sécuriser avant de s’insérer dans le milieu dit ordinaire.

Ce point nous amène à nous interroger sur le domicile et l’accompagnement dont bénéficient les travailleurs.euses ne résidant pas au sein du FH. En effet, 122 personnes travaillant à l’ESAT résident en dehors de celui-ci. Cette situation les rapproche ainsi d’une situation ordinaire, dans laquelle le lieu de travail et le domicile sont séparés (cf tableau n°6 et 7, annexe n°2). Aussi, 55% des travailleurs.euses ne résidant pas au FH, vivent en appartement autonome en ville. 39% vivent au sein de leur famille. Nous pouvons également noter que 101 travailleurs.euses sur 160 bénéficient d’un soutien familial et/ou spécialisé, soit plus de 60% de l’effectif total.

2.1.4. Un vieillissement réel mais non anticipé

L’association dans laquelle je travaille est confrontée aujourd’hui à un vieillissement des publics qu’elle accueille, l’obligeant à s’adapter à un phénomène réel et inéluctable. La moyenne d’âge des personnes accueillies est de 43 ans (cf. tableau n°8, annexe n°2). A la lecture de ce tableau, nous pouvons noter que 91 personnes accueillies au sein de l’association ont plus de 45 ans, ce qui représente 53% de l’effectif total, soit plus de la moitié des adultes. Parmi elles, 37 personnes sont âgées de 55 ans et plus. Cette importante proportion est le reflet d’une évolution et d’un vieillissement logique des publics accueillis, rappelant également le vieillissement de l’institution elle-même âgée de 47 ans.

En nous attardant sur la répartition par établissement (cf. tableau n°9, annexe n°2), nous notons que le pôle multiservices concentre environ la moitié des personnes de plus de 45 ans, soit 41 personnes et le plus grand nombre de personnes de plus de 60 ans (8 personnes). La diversité des activités proposées, à moindre enjeu de rentabilité (en comparaison avec d’autres ateliers tels que les espaces verts ou la mécano-soudure) et à consignes simples, en fait un pôle en

38 capacité d’accueillir des profils différents, en favorisant une large adaptation du travail aux potentialités de chacun (activités séquentielles, assises, etc.).

Cette proportion s’inverse au sein des pôles technique et services extérieurs où nous notons que la proportion des personnes de plus de 55 ans reste faible. Ces ateliers, où la notion de rentabilité et les enjeux productifs sont prégnants, ne laissent, pour le moment, aucune place à une possibilité d’adaptation du travail et sa pénibilité aux personnes accueillies. Les travailleurs.euses montrant des signes de fatigue ou verbalisant le souhait de ralentir la cadence du travail se voient réorientées vers un autre pôle d’activités, bien souvent le pôle multiservices, avant même que la considération d’un aménagement du temps de travail ou des activités ne soit évoqué. Ceci explique, également, le nombre plus important de personnes vieillissantes dans le pôle multiservices.

Ce vieillissement n’épargne pas le Pôle Hébergement où 1/3 des personnes accueillies ont plus de 45 ans, soit 17 sur 48 (cf. tableau n°10, annexe n°2). Parmi eux, la moitié (8 résidents.es) ont plus de 55 ans.

Ce phénomène de vieillissement constitue un enjeu important pour l'association. En effet, la modification du parcours et du profil des personnes accueillies oblige les établissements de l’association à se réinventer en adaptant leur accompagnement, ce qui n'est pas sans incidence sur les pratiques professionnelles mises en place. Néanmoins, ces difficultés d’adaptation ne concernent pas exclusivement les personnes vieillissantes : l’accueil de personnes souffrant de pathologies telles que les troubles du spectre autistique, par exemple, est venue profondément bousculer le quotidien éducatif et professionnel, obligeant, non sans mal, à une remise en question de l’approche du handicap et des actions proposées.