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Profil de pauvreté en Côte d’Ivoire en 2008 et DSRP final 2009

CHAPITRE II : LES POLITIQUES DE LUTTE CONTRE LA PAUVRETE EN CÔTE D’IVOIRE 82

4. Profil de pauvreté en Côte d’Ivoire en 2008 et DSRP final 2009

L’élaboration du Document de Stratégie de Réduction de la Pauvreté (DSRP) dont le processus s’est soldé par la validation du document au niveau national en janvier 2009, a fait l’objet d’une série d’activités. En effet, après une revue du DSRP intérimaire de 2002 par une équipe de consultants nationaux, qui a analysé la pertinence des actions et activités à retenir dans le nouveau contexte que connaissait la Côte d’Ivoire. La contribution des consultants a servi de base aux travaux avec les parties prenantes et à l’élaboration du DSRP final de la Côte d’Ivoire. Après les consultations au niveau des populations et structures publiques, privées et de la société civile, une équipe de rédaction sous la supervision du Ministère d’Etat, Ministère du Plan et du Développement a été mise en place. Ce processus s’est voulu inclusif, tant il a essayé d’impliquer autant que faire se peut, toutes les composantes de la société ivoirienne.

Un ensemble d’activités a été menée, à savoir: (i) des missions de terrain auprès des populations pour recueillir leurs perceptions du phénomène de la pauvreté ; (ii) des collectes de données primaires réalisées par l’Institut National de la Statistique (INS) pour recueillir les données microéconomiques auprès des ménages afin de capter et déterminer le phénomène de la pauvreté ; (iii) des séances de travail par groupe thématique et (iv) la rédaction des différentes versions du DSRP, qui a finalement abouti à la version finale du DSRP en janvier 2009. Il est important d’indiquer que cette version a permis à la Côte d’Ivoire d’atteindre le point de décision en juin 2010 et plus tard en 2011, le point d’achèvement de l’initiative Pays Pauvres Très Endettés (PPTE).

90 A cette époque, l’élaboration du DSRP s’inscrivait dans le cadre de la consolidation de la paix et du rétablissement de la cohésion sociale, de la relance de l’économie ivoirienne et de l’amélioration durable du bien-être des populations éprouvées par plusieurs années de crises socio-politiques et militaires.

En effet, c’est à la faveur de l’Accord Politique de Ouagadougou (APO) signé en mars 2007, que l’on a assisté à la création d’un environnement favorable qui a débouché sur un retour à une paix durable en Côte d’Ivoire. Cette période marque le début de l’amorce de la normalisation des relations de la Côte d’Ivoire avec la Communauté Financière Internationale. C’est ce contexte qui a favorisé la relance du processus d’élaboration du DSRP les 3, 4 et 5 décembre 2007 à Yamoussoukro, après la signature d’un Programme d’Assistance Post Conflit (PAPC) avec la Banque Mondiale le 07 juillet 2007 et d’un programme d’Assistance d’Urgence Post Conflit (AUPC) avec le FMI en août 2007 (cf. DSRP, 2009).

L’analyse et le traitement des données primaires collectées au cours de l’ENV 2008 ont permis d’aboutir aux constats suivants :

− La mesure de la pauvreté s’est faite à travers l’approche monétaire qui s’appuie sur l’indicateur de bien-être et la détermination d’un seuil de pauvreté. Ainsi, en 2008, on note comme pauvre toute personne dont la dépense de consommation est inférieure à 661 FCFA par jour, ce qui correspond à 241 145 FCFA par an. La proportion de pauvres en cette année est la plus élevée de toutes les années d’études. En effet, le taux de pauvreté est de 48,9% (soit pratiquement une personne sur deux est pauvre en 2008). Pour rappel, ce taux était successivement de 10,0% en 1985 ; 36,8% en 1995 ; 33,6% en 1998 et 38,4% en 2002. Les taux de pauvreté de 2002 et de 2008 étant les plus importants, ils pourraient être fortement corrélés aux situations de crises socio-politiques et militaires successives que le pays a connues.

− On note comme pour les autres études que la pauvreté est un phénomène rural, tant elle y est très accentuée. A titre de comparaison, on note que le taux de pauvreté est passé de 49% en 2002 à 62,45% en 2008 en milieu rural contre 24,5% et 29,45% sur la même période en milieu urbain. Il convient donc de s’intéresser au secteur rural, notamment agricole qui est un secteur pourvoyeur d’emplois (2/3 de la population active) et de ressources pour l’Etat de Côte d’Ivoire, notamment les cultures d’exportation tels le binôme café-cacao, le coton, l’hévéa, le palmier à huile, le bois, etc.

− Les résultats selon le genre révèlent que la pauvreté est moins accentuée chez les ménages dirigés par les femmes. En effet, comme en 2002, le niveau de pauvreté est plus élevé dans les ménages dirigés par un homme (49,6%) que dans ceux placés sous

91 la responsabilité d’une femme (45,4%) en 2008, au niveau national. Les raisons avancées pour ce résultat tiennent au fait que les femmes chefs de ménage sont préoccupées par le bien-être des membres de la famille. Leur priorité c’est combler le besoin de nourriture, d’habillement et autres besoins essentiels avant d’opérer d’autres affectations à leur revenu. Par contre, on pense que les hommes font des arbitrages qui ne privilégient pas comme les femmes la satisfaction des besoins essentiels. Ils mettent également l’accent sur d’autres considérations qui peuvent ne pas être d’un grand intérêt.

− On constate au niveau de la répartition des revenus, une forte inégalité, avec également une évolution négative du revenu réel moyen alors que le taux de croissance démographique est resté voisin de 3%.

− La crise militaro-politique de septembre 2002 a eu un impact négatif sur les conditions de vie des ménages. Ainsi, près de la moitié de la population totale dit avoir été directement affectée par la crise. 70,1% d’entre eux ont déclaré connaître des difficultés d’alimentation, 68,1% des difficultés à payer les soins sanitaires, 28,4% ont dit avoir perdu leur activité économique pendant que 26,3% éprouvent des difficultés à se loger. Au niveau des revenus, 67,6% de la population affirment avoir subi une diminution de leurs revenus contre 6,5% qui disent avoir observé une hausse. Le reste de la population (25,9%) n’a constaté aucune évolution du revenu. En plus de la chute des revenus, une proportion de 6,7% de la population affirme avoir subi des dommages sur leurs propriétés avec en moyenne 42,6% de destruction totale pour les uns et 35,4% de destruction partielle pour les autres.

− Au-delà de la crise de 2002, on peut relever que plusieurs facteurs d’ordre structurel continuent de maintenir une grande partie de la population ivoirienne dans la trappe à pauvreté. Il s’agit, notamment du manque ou du faible niveau d’instruction, des difficultés d’accès aux soins de santé, de la taille élevée des ménages, de la précarité des logements, du faible accès à l’eau potable et à l’électricité et de la précocité du chômage. − La perception de la pauvreté par les populations permet de conclure à la

multi-dimensionnalité du phénomène de pauvreté qui ne s’appréhende plus comme étant lié uniquement aux aspects monétaires. En effet, ces populations pensent que : (i) la pauvreté concerne, sur le plan économique, toute personne « qui a peu de biens, d’argent, de ressources, qui est privée du minimum vital » ; (ii) elle s’apparente, sur le plan sociologique, à la perte d’autonomie et à l’exclusion des réseaux de solidarité ; (iii)

92 elle se traduit, sur le plan psychologique, par un sentiment de précarité, de vulnérabilité, d’impuissance et d’insécurité. A ce niveau on peut citer, au niveau individuel, les divorces, les décès ou les maladies invalidantes du chef de ménage (cf. DSRP, 2009).

Après avoir posé le diagnostic de la pauvreté, il a été défini dans le DSRP 2009 la vision de la Côte d’Ivoire qui se résume en cinq grands points autour desquels les actions gouvernementales devraient se concentrer. Il s’agit de faire de la Côte d’Ivoire : (i) un havre de paix, de sécurité, de cohésion sociale et de bien-être ; (ii) un pays émergent et une puissance économique de la Sous-région ; (iii) un pays de travailleurs dans la discipline et le respect des valeurs morales ; (iv) un pays de culture de l’excellence et de promotion du mérite dans l’équité, et (v) un pays moderne, dans le respect des valeurs environnementales.

Au regard de la crise que le pays a connu après les élections d’octobre-novembre 2010, nous pouvons dire que la vision qui consistait à faire de la Côte d’Ivoire un havre de paix, de sécurité, de cohésion sociale et de bien-être, n’a pas été atteinte. En effet, après la proclamation des résultats en novembre 2010, le pays a sombré dans une grave crise qui a fait des milliers de morts. L’insécurité y était grandissante et la cohésion sociale n’était plus à l’ordre du jour. Cette situation a eu pour corollaire la détérioration du bien-être des populations ivoiriennes. Après la crise postélectorale, malgré les appels du gouvernement à l’apaisement, le pays continue d’enregistrer des tensions politiques et sociales. Il faut relever comme point positif que la paix est revenue, même si elle reste toujours menacée, notamment en raison des clivages politiques qui tendent à exacerber les tensions.

L’ambition de faire de la Côte d’Ivoire un pays émergent reste d’actualité mais l’horizon temporel a changé, notamment en raison de la forte dégradation du tissu économique qu’il a fallu remettre à niveau surtout pour de nombreuses infrastructures.

A l’aide de la méthode de la Gestion Axée sur les Résultats (GAR), il a été identifié les impacts attendus et les actions susceptibles de les rendre réalisables. Les impacts attendus, les axes stratégiques et les objectifs sont présentés dans le tableau n°3 ci-après.

Cette planification contenue dans le DSRP couvrait la période 2009-2015. Il s’agissait d’appliquer ce qui a été appelé la stratégie de relance du développement et de réduction de la pauvreté. Il convient de noter que cette période (2009-2015) se subdivise en trois (03) sous-périodes :

- L’année 2009 est considérée comme la première sous-période, qui constitue une année de transition, au cours de laquelle les élections présidentielles devraient être organisées. A cet

93 effet, il s’agissait de procéder à la finalisation des plans d’actions opérationnels, au renforcement des capacités des acteurs et à l’application des grandes réformes devant permettre de relever la compétitivité globale de l’environnement des affaires en Côte d’Ivoire.

- La sous-période 2009-2013, qui était envisagée comme post-électorale (élection présidentielle) devrait être consacrée à la relance des activités dans toutes les sphères nationales. En outre, d’importants chantiers de reconstruction et de réinsertion des populations sont prévus. Au cours de cette sous-période, en matière de pauvreté, il est envisagé que les actions conjuguées de la reprise économique et de réduction des inégalités devront permettre d’atteindre un taux de pauvreté en 2013 en dessous de 33,6% (taux de 1998). Ce taux devrait atteindre selon les prévisions 16% à l’horizon 2015, dans la mesure où on prévoit un taux de croissance de près de 5,9%, notamment en raison de l’effet des investissements publics réalisés, de la hausse des activités agricoles, du retour des investisseurs privés, de l’exploitation des hydrocarbures et des mines, etc.

- La dernière sous-période est celle de 2014-2015, qui est censée être celle de l’accélération durable de la croissance économique qui sera maintenue au taux de 7%. En outre, on devrait enregistrer l’augmentation de la valeur ajoutée, notamment à cause des réformes qui auront été initiées dans la deuxième sous-période. Cette transformation structurelle que l’on voudrait profonde, devrait permettre à l’économie de résister aux chocs exogènes et la mise en œuvre de réformes visant la transformation profonde de la structure de l’économie.

94 Tableau 6 : Impacts, axes stratégiques et objectifs du DSRP 2009

Impacts Axes Stratégiques Objectifs

1/ Rétablissement et raffermissement des fondements de la République

1- Consolidation de la paix, sécurité des personnes et des biens, et promotion de la bonne gouvernance

(i) : Mener à son terme le processus de désarmement, démobilisation et de réinsertion, et réunifier le pays (ii) : Rétablir la sécurité pour tous

(iii) : Restaurer l’autorité de l’Etat sur toute l’étendue du territoire (iv) : Bâtir la paix et l’harmonie entre les populations

(v) : Assurer une gouvernance institutionnelle moderne, équitable et inclusive

5- Décentralisation comme moyen de participation des populations au processus de développement et de réduction des disparités régionales

(i) Approfondir la décentralisation et la participation citoyenne (ii) Mettre en place un aménagement équilibré du territoire national.

2/ Transformation de la Côte d’Ivoire en un pays émergent

2- Assainissement du cadre macroéconomique

(i) Rétablir le capital confiance entre les dirigeants, les institutions et les populations

(ii) Assurer une redistribution équitable des ressources nationales

3- Création d’emploi et de richesses par le soutien au monde rural et promotion du secteur privé comme moteur de la croissance

Renforcer les secteurs productifs afin, notamment, de diversifier l’économie et d’augmenter la transformation des produits agricoles, minéraliers et énergétiques sur place

3/ Un bien-être social pour tous

4- Amélioration de l’accessibilité et de la qualité des services sociaux de base, préservation de l’environnement, promotion de l’égalité de genre et protection sociale

(i) Atteinte, à l’horizon 2015, des cibles des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD)

(ii) Assurer à chaque citoyen ses droits inaliénables à une vie de qualité et un accès aux services sociaux

de base

4/ La Côte d’Ivoire, un acteur dynamique de la scène régionale et mondiale

6- Contexte international et intégration

régionale Renforcer la coopération de la Côte d’Ivoire avec la communauté internationale Source : l’Auteur, sur la base du DSRP 2009

95 En définitive, on pourrait indiquer qu’à travers le DSRP, la Côte d’Ivoire disposait d’un cadre de référence et de coordination des politiques économiques, financières, sociales et culturelles qui devrait permettre d’éradiquer la pauvreté dans un processus dynamique, décentralisé et participatif. Cependant, il importe de noter que la réussite de la stratégie de réduction de la pauvreté (SRP) ne pourra connaitre un succès que si un certain nombre de conditions sont respectées. Ces conditions retranscrites dans le DSRP sont les suivantes : (i) l’existence d’un environnement de paix retrouvée et définitive, le fonctionnement normal des institutions publiques centrales et locales ; (ii) la tenue d’élections générales dans un contexte apaisé sans incident majeur ; (iii) la restauration de l’autorité de l’Etat sur tout le territoire national ; (iv) l’existence d’un environnement de sécurité partout et pour tous; (v) la réalisation de la transformation et de la diversification de l’économie ivoirienne; et (vi) la mise en œuvre avec succès de nouvelles politiques de gouvernance publique transparentes et inclusives (cf. DSRP, 2009).

Dans le dispositif de suivi-évaluation de la stratégie de réduction de la pauvreté, il était prévu une révision en 2012, non seulement pour en faire un bilan à mi-parcours des avancées et les correctifs éventuels à apporter afin d’atteindre les objectifs fixés pour 2015.

Après la validation du DSRP au niveau national en janvier 2009, la Côte d’Ivoire a atteint le point de décision en juin 2010 par les institutions de Bretton Woods (FMI et Banque Mondiale) et le point d’achèvement en juin 2013, traduisant le bénéfice de l’appui octroyé dans le cadre du PPTE.

S’il peut être admis que, l’application des actions issues du DSRP, a été effectuée tant bien que mal, il est important de rappeler que l’élection présidentielle n’a pas pu être organisée en 2009, comme prévu, mais en octobre 2010. De novembre 2010 à fin avril 2011, s’est installée en Côte d’Ivoire une grave crise post-électorale qui a entrainé de nombreux morts, mais aussi des déplacements massifs de populations. Cette situation a naturellement eu un impact sur la planification faite dans le DSRP 2009, dont certaines hypothèses fortes mettant l’accent sur l’organisation d’élections transparentes dont les résultats devraient être acceptés par tous, et un environnement apaisé et de sécurité pour tous et sur tout le territoire national.

Dans la mesure où les prévisions sont en passe d’être faussées par les effets de la crise post-électorale, il est apparu urgent et impérieux de procéder à une actualisation des actions à mener pour lutter efficacement contre la pauvreté en Côte d’Ivoire. C’est ainsi qu’il a été confié au

96 Ministère d’Etat, Ministère du Plan et du Développement, la rédaction du Plan National de Développement 2012-2015, qui devenait le seul document de référence pour toutes les interventions du gouvernement et qui devait bénéficier de l'appui des partenaires au développement.

5. Programmes nationaux de développement (PND) 2012-2015 et politiques de lutte