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Chez la souris, le gène Dct est localisé sur le chromosome 14 et est composé de 9 exons. La séquence codante de ce gène est située sur le brin complémentaire, soit dans la direction téloméro-centrique. Il existe deux isoformes du transcrit Dct qui résultent d’un épissage alternatif de l’exon 7 (Figure 33). Le transcrit présent dans les mélanocytes ne contient pas l’exon 7, tandis que le transcrit des cellules du RPE contient l’exon 7 mais pas les exons 8 et 9 (Jiao, et al., 2006).

2.2.1 Expression attendue dans les mélanoblastes et les mélanocytes

Par des expériences d’hybridation in situ sur des embryons de souris de stades tardifs et des nouveaux-nés, il a été montré qu’une sonde spécifique à l’ARN messager (ARNm) du gène Dct s’hybride fortement avec toutes les cellules contenant de la mélanine (Steel, et al., 1992). Ces résultats ont été confirmés par des expériences d’immuno-histochimie avec un anticorps dirigé contre la protéine DCT (Pavan and Tilghman, 1994). L’analyse histologique classique ne permet pas de distinguer les mélanoblastes des cellules du mésenchyme du fait de l’absence de mélanine. La sonde dirigée contre l’ARNm de Dct, appelée sonde Dct, a permis d’identifier les mélanoblastes dès le stade E10. Les cellules exprimant l’ARNm Dct ont été identifiées comme les mélanoblastes pour leurs caractéristiques : leur nombre, leur localisation et le fait qu’à partir du stade E16,5 la sonde Dct soit spécifique aux mélanocytes pigmentés (Steel, et al., 1992). La sonde Dct et l’anticorps anti-DCT ne marquent pas toutes les cellules dérivées de la crête neurale, car des dérivés de la crête neurale, comme les cellules

94 mésenchymateuses de la mâchoire inférieure, n’expriment pas DCT (Steel, et al., 1992). Steel et collaborateurs ont conclu que la protéine DCT est spécifique des mélanoblastes et des mélanocytes.

Au stade E9,5, la sonde Dct s’hybride avec la vésicule optique et l’épithélium présomptif pigmentaire de la rétine. Au fur et à mesure du développement de l’œil, entre E9,5 et E11,5, l’hybridation avec la sonde Dct est de plus en plus intense. À E11,5, la sonde Dct s’hybride sur toute la largeur du RPE. L’expression de Dct est détectée dans le mésenchyme postérieur à l’oreille interne à partir de E10, ce qui correspond à la détection la plus précoce de mélanoblastes en migration. L’expression de Dct au niveau du canal cochléaire et de la stria vascularis augmente progressivement jusqu’au stade E16,5 (Steel, et al., 1992). À partir de E12, les mélanoblastes sont détectés par hybridation avec la sonde Dct dans le derme et le mésenchyme sous-cutané. Cependant leur distribution est inégale et de nombreuses régions de la peau sont dépourvues de mélanoblastes. Aux stades plus tardifs, les mélanocytes sont essentiellement localisés dans des follicules pileux, mais beaucoup sont encore observés dans le derme (Steel, et al., 1992).

Les résultats d’immuno-histochimie montrent que la protéine DCT est spécifique des mélanocytes interfolliculaires chez l’embryon à E18,5 et des mélanocytes des follicules pileux d’un souriceau de 7 jours (Pavan and Tilghman, 1994). Les sites d’expression de la protéine DCT chez l’embryon tels qu’ils sont révélés par immuno-histochimie, reflètent la distribution de l’ARNm Dct observée par hybridation in situ (Pavan and Tilghman, 1994). Les résultats obtenus par immuno-histochimie révèlent également une distribution qui n’est pas uniforme des cellules positives pour DCT : les cellules DCT+ sont observées le long de l’axe antéro-postérieur, spécialement au niveau de la tête, des membres postérieurs et de la base de la queue. Au contraire, avant le stade E15,5, très peu de mélanoblastes sont observés dans la partie du tronc située entre les membres. De même, la distribution dorso-ventrale n’est pas uniforme (Pavan and Tilghman, 1994). Ces observations sur la distribution non-uniforme des cellules DCT+ rejoignent celles de Steel et collaborateurs utilisant l’hybridation in situ.

Dans la peau des souris adultes, DCT est la seule enzyme de la famille des tyrosinases à être exprimée dans les cellules souches des mélanocytes situées dans le bulge du follicule pileux (Botchkareva, et al., 2001; Nishimura, et al., 2002). Contrairement aux gènes Tyr et Tyrp1, Dct est toujours exprimé dans les mélanomes et même dans les tumeurs amélanotiques (Orlow, 1995; Pak, et al., 2001).

95 2.2.2 Expression inattendue dans le télencéphale

La protéine DCT est également exprimée dans la partie frontale du télencéphale à partir du stade E10,5. Ce marquage, détectable jusqu’à E14 est surprenant car les cellules DCT+ du télencéphale ne sont pas destinées à devenir des mélanocytes (Steel, et al., 1992). L’expression du gène Dct dans le cerveau a été étudiée chez la souris transgénique Dct-LacZ (Mackenzie, et al., 1997). Au cours du développement, l’expression du rapporteur LacZ est localisée dans la partie dorsale du télencéphale entre E10,5 et E12,5. Entre E15,5 et E17,5, l’expression du rapporteur s’est déplacée dans la zone ventriculaire, où sont situées les cellules souches neuronales (Jiao, et al., 2006). Chez l’adulte, le niveau d’expression du gène Dct diminue fortement. Chez les souris Dct-LacZ, la β-galactosidase est observable dans le cortex, le septum, la zone subventriculaire, le gyrus denté et le bulbe olfactif. Des expériences d’immuno-histochimie chez la souris âgée de 15 jours (à P15) corroborent ces résultats (Jiao, et al., 2006). L’expression de Dct dans le cerveau change donc dans l’espace et dans le temps. Des expériences de RT-PCR ont été réalisées sur des cDNA issus de télencéphales de souris embryonnaires, de mélanocytes et de télencéphales de nouveau-nés de souris (Jiao, et al., 2006). L’isoforme du transcrit Dct présente dans le télencéphale est la même que celle présente dans les mélanocytes (Figure 33D), c’est-à-dire qu’elle est dépourvue de l’exon 7 (Jiao, et al., 2006).

Des expériences d’inhibition de l’expression du gène Dct dans des cellules en culture dérivées du télencéphale d’un embryon à E13,5 ont été réalisées avec des siRNA (small-interfering RNA). L’inhibition de Dct entraîne une diminution du nombre de cellules d’environ 25%. Au contraire, la surexpression de Dct dans des cellules de la zone subventriculaire du cerveau induit une augmentation du nombre de cellules de 260% (Jiao, et al., 2006). Le facteur de transcription SOX10 est exprimé dans les cellules de la crête neurale, alors qu’il n’est plus exprimé dans les progéniteurs des cellules non-gliales (Kim, et al., 2003). Par ailleurs, SOX10 active l’expression du gène Dct dans les mélanoblastes et les mélanocytes en interagissant directement avec son promoteur (Jiao, et al., 2004; Potterf, et al., 2001). SOX10 intervient également dans le développement du système nerveux périphérique (Britsch, et al., 2001). Dans des progéniteurs neuronaux, la surexpression de Sox10 augmente le niveau d’expression de Dct, tandis que l’inhibition de Sox10 le diminue d’une manière dose-dépendante (Jiao, et al., 2006). L’ensemble des données obtenues par Jiao et collaborateurs montre que l’expression spatio-temporelle du gène Dct est liée à la

96 Figure 34 : Hybridation in situ sur un embryon de souris entier à E11,5

(Baxter and Pavan, 2002)

La sonde Dct s’hybride avec l’épithélium pigmentaire de la rétine, le télencéphale, les mélanoblastes en migration et les ganglions dorsaux.

Tableau 2 : Stades d'apparition des marqueurs des mélanocytes dans l'épithélium pigmentaire de la rétine, les mélanoblastes en migration et le télencéphale

(Steel, et al., 1992)

97 neurogenèse du cortex cérébral. Dct joue donc un rôle dans la prolifération des progéniteurs neuronaux, en plus de son implication dans la biogenèse de la mélanine (Jiao, et al., 2006).

Une expérience d’hybridation in situ sur l’embryon in toto à E11,5 illustre l’ensemble des résultats décrits dans cette section 2.2 (Figure 34) (Baxter and Pavan, 2002). DCT est donc un bon marqueur des mélanoblastes en migration à partir de E10, c’est-à-dire 4 jours avant que les sondes dirigées contre les ARNm codant la tyrosinase et TRP1 ne détectent les mélanocytes et 6 jours avant que la mélanine ne soit produite. Le Tableau 2 présente les différents stades d’apparition des marqueurs des mélanocytes dans le RPE, le télencéphale et les mélanoblastes.