• Aucun résultat trouvé

Le comportement des polluants flottants et sa caractérisation

II.4 Les processus de dégradation des huiles végétales

II.4.4 Produits d'oxydation

Les produits d'oxydation sont différents selon l'acide gras impliqué et les conditions d'oxydation. Ainsi, l'oléate de méthyle conduit à deux hydroperoxydes par photoxydation, tandis qu'il y en a quatre par autoxydation, comme le montre la figure suivante :

ou

(a) (b)

figure 6 : mécanismes d'oxydation de l'oléate de méthyle. (a) photoxydation ; (b) autoxydation

Les isomères issus de la photoxydation sont en quantités équimolaires, tandis que la proportion des isomères 8 et 11 de l'autoxydation est légèrement supérieure (27 % chacun) à celle des isomères 9 et 10 (23 % chacun). Au contraire, le linoléate de méthyle fournit deux hydroperoxydes par autoxydation et quatre par photoxydation.

L'évolution des hydroperoxydes, instables, conduit à de nombreux composés. En effet, les hydroperoxydes insaturés peuvent réagir :

- avec l'oxygène pour conduire à des dihydroperoxydes, selon les mécanismes déjà décrits,

- par addition intramoléculaire sur une double liaison : O O H 9 OOH 9 O O H 9 OOH 10 8 OOH 11 OOH 9 OOH 10 OOH H 9 H

figure 7 : cyclisation d'un radical hydroperoxyle

La cyclisation se produit exclusivement sur une double liaison en β,γ et peut aboutir à un hydroperoxyperoxyde, comme sur la figure 7.

Le radical créé évolue à son tour de multiples façons, selon la structure de la molécule, en réagissant :

- avec le peroxyde en α pour former un radical alkoxy-époxydé, - avec l'oxygène pour former des hydroperoxy mono, diperoxydes,

- avec une double liaison pour former de nombreux cycles, pour les acides gras au moins triéniques.

Les radicaux hydroperoxy peuvent aussi réagir entre eux et mener à des dimères et oligomères dont les chaînes sont reliées par des ponts peroxy, éther ou carbone.

Enfin, sous l'effet de la lumière ou de la chaleur et par catalyse par un métal de transition tel que le fer ou le cuivre (Horton et Fairhurst, 1987), les hydroperoxydes se décomposent en produits responsables d'odeurs rances tels que des aldéhydes, des cétones et des radicaux alkyle et vinyle qui mènent à leur tour à des aldéhydes et des carbures saturés ou non (Gunstone, 1984, Karleskind, 1992). Certains d’entre eux, tels que le pentane et l’hexanal, issus de l’oxydation de l’huile de soja (Hui, 1992), peuvent être dangereux pour la vie aquatique (Centers for Disease Control and Prevention, 2002).

O O O O

O O

Les produits primaires d’oxydation étant, comme pour l’autoxydation, des peroxydes, c’est aussi la mesure de l’indice de peroxyde (IP) qui rend compte d’une photoxydation.

II.4.5 Hydrolyse

L'hydrolyse des triglycérides produit du glycérol et des acides gras libres selon le schéma suivant (Arnaud, 1994) :

(R-COO)3C3H5 + 3 H2O 3 R-COOH + C3H5(OH)3

Les acides gras libres à chaîne courte (C10 à C14) sont responsables de fortes odeurs rances. De plus, les acides gras libres peuvent être plus facilement oxydés que les triglycérides intacts et conduire aux produits à chaînes courtes cités précédemment (Robards

et al., 1988).

Si la réaction d'hydrolyse est incomplète, on n'obtient pas de glycérol mais des mono ou diglycérides. La position de l'équilibre dépend de la nature des esters, qui conditionne la solubilité dans l'eau et de la proportion d'eau. Les étapes réversibles sont les suivantes :

figure 8 : étapes de la réaction d’hydrolyse

R2COO R1COO OCOR3 + H2O R2COO HO OCOR3 + R1COOH OH HO OH + R2COOH + R3COOH H2O

Des lipases et hydrolases d'origine bactérienne (Pseudomonas) et fongique (Aspergillus, Geotrichum, Muchor, Rhizopus) et certaines levures (Candida) peuvent se révéler efficaces pour réaliser la réaction (Karleskind, 1992).

La mesure de la quantité d’acides gras libres présents dans la graisse (ou « acidité ») donne donc une indication sur la dégradation hydrolytique du corps gras. Elle est exprimée en fonction de l’acide gras majoritaire dans le produit étudié.

II.4.6 Polymérisation

Dans le cas des huiles contenant une forte proportion d’acides insaturés, l’oxydation conduit, par une polymérisation, à un durcissement complet, particulièrement rapide si l’huile est étalée sous forme d’un film mince offrant une grande surface de contact avec l’air (Arnaud, 1994), comme c’est le cas à la suite d’un déversement accidentel en mer. La synthèse des polymères passe par l'élimination des triglycérides polyinsaturés et augmente la concentration en triglycérides monoinsaturés et saturés. Cette réaction peut se faire avec ou sans l'intervention des bactéries marines. Elle se produit sur deux acides gras insaturés de triglycérides adjacents. La structure de la réaction est vraisemblablement la suivante :

figure 9 : exemple de processus de polymérisation de deux triglycérides

O OU

La jonction des deux triglycérides se fait au niveau de deux doubles liaisons mais on ignore si la liaison comporte ou non un atome d'oxygène (Mudge et al., 1994). Des expérimentations en laboratoire menées sur des huiles d’olive, de tournesol et de lin ont montré que la composition en acides gras des triglycérides formant les polymères est pratiquement identique dans les trois cas, indépendamment de la composition de l’huile de départ (Mudge, 1995). Une fois les polymères produits, la dégradation de l'huile est fortement ralentie, voire stoppée (Mudge et al., 1994). Les polymères créés sont stables mais flexibles et pourraient se former sur les plages. L'agitation pourrait permettre l'agrégation de ces fragments en boules. Cependant, la polymérisation peut entraîner la formation d’une couverture sur le sédiment. Les échanges gazeux sont alors impossibles et le sédiment devient anoxique. On mesure alors une augmentation très importante du nombre de bactéries hétérotrophes anaérobies et de bactéries sulfato-réductrices dans ces régions (Mudge et al., 1995).

II.4.7 Biodégradation

De nombreuses bactéries sont présentes dans l’eau de mer, prêtes à se nourrir d’éléments organiques providentiellement issus d’une pollution accidentelle. Les analyses qui suivirent le déversement de blé, dû au naufrage du cargo Fénès en 1996, dans les eaux peu profondes des îles Lavezzi (France), révélèrent l’action de bactéries aérobies puis sulfato-réductrices anaérobies (Marchand et Kantin, 1997).

Les huiles végétales peuvent être facilement dégradées biologiquement, à condition que leur concentration dans le milieu soit maintenue au-dessous d’un niveau critique. Ainsi, la dispersion de l’huile dans le milieu de culture, donc la vitesse de rotation, peut influencer la

croissance des microorganismes. L’ajout d’un surfactant peut d’ailleurs être nécessaire pour maintenir la dispersion des huiles solides (Ratledge, 1994). Les conditions de culture doivent être optimisées pour maintenir en particulier le pH à un niveau proche du pH optimal de la lipase nécessaire à l’hydrolyse de l’huile. Il se situe vers 7,0 pour de nombreuses lipases (Tan et Gill, 1985). L’eau de mer est un milieu plutôt favorable à l’action des bactéries, avec un pH généralement compris, pour les eaux de surface, entre 8,0 et 8,3 et pouvant descendre jusqu’à 7,0 dans certaines eaux côtières de faible salinité (Ivanoff, 1972). Ainsi, de nombreux microorganismes peuvent utiliser les acides gras à longue chaîne comme seule source de carbone et d’énergie. Une étude de la demande en oxygène nécessaire à la dégradation, en station d’épuration, d’émulsions d’huiles de différentes longueurs de chaîne a montré que leur disparition est rapide et beaucoup plus facile que celle d’émulsions de pétroles. En effet, le taux de dégradation biochimique du test est 0,35 ± 0,10 pour les huiles, contre 0,11 ± 0,05 pour les pétroles étudiés (elle est 0,17 pour les eaux usées classiques). Ainsi, la dégradation biologique des huiles est achevée en 14 jours dans les conditions du test, tandis que celle des pétroles nécessite 20 à 25 jours (Groenewold et al., 1982).

La présence d’une lipase est cependant indispensable pour qu’un micro-organisme se développe sur une huile. En effet, l’huile ne peut pas pénétrer telle quelle à l’intérieur de la cellule et doit au préalable être hydrolysée. Les acides gras libérés sont alors transportés à l’intérieur de la cellule, où ils sont assimilés. Les lipases étant régio-spécifiques, elles n’assimilent pas forcément les acides gras insaturés en priorité. Des élongations sont cependant nécessaires quand les chaînes sont trop courtes, ainsi que la désaturation des acides gras saturés (Tan et Gill, 1985).

Des expérimentations menées en milieu marin par Mudge et al. (1994) sur trois huiles végétales (huiles d’olive, de tournesol et de lin) ont confirmé que le taux de dégradation se situe entre 3 et 8 % par jour. Cependant, l’ajout de sels nutritifs, qui permet d’augmenter le taux de biodégradation, favorise aussi la polymérisation des huiles, qui diminue le taux de biodégradation jusqu’à 1 % par jour. De plus, les vitesses de dégradation des trois huiles ne sont pas identiques. Cette différence peut être expliquée par la nécessité de convertir l’acide linoléique en acide mono-insaturé afin de pouvoir être dégradé par les bactéries. Ceci conduit à l’augmentation des quantités d’acides oléique, stéarique et palmitique, ainsi qu’à celle des mono et di-glycérides.