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Exploitation des résultats concernant l’influence de la nature de l’huile sur son émulsification

Chapitre IV : Résultats – Discussion

IV. 1 Résultats et interprétation des résultats de l’étude de l’émulsification

IV. 1.2 Influence de la nature de l’huile sur son émulsification

IV. 1.2.4 Exploitation des résultats concernant l’influence de la nature de l’huile sur son émulsification

IV. 1.2.4.1 Comparaison des différentes échelles expérimentales

Ces essais à différentes échelles avaient en premier lieu pour but de confronter les résultats obtenus grâce aux trois moyens expérimentaux.

Les produits chimiques ne formant pas d’émulsion avec l’eau et l’huile de pin présentant un comportement proche de celui des produits chimiques, avec des viscosités trop faibles pour une bonne précision de l’appareil et des teneurs en eau proches de zéro, les résultats comparables concernent les essais menés avec les huiles de soja et de ricin.

L’émulsification de l’huile de soja en laboratoire et en polludrome donne des résultats tout à fait comparables. La viscosité de l’émulsion d’huile de soja au laboratoire s’insère bien dans la courbe de progression de la viscosité de l’émulsion en polludrome en fonction du temps. Une agitation de 40 minutes au laboratoire correspond à une mise en contact de 2 heures dans le canal d’essai, où l’agitation de surface est plus faible. La teneur en eau au bout de 24 heures en polludrome est supérieure de 46 % à celle en laboratoire, mais cette dernière s’insère aussi convenablement dans la courbe de progression obtenue en polludrome. La campagne en mer n’a permis de déterminer qu’un seul des paramètres caractéristiques de l’émulsion : la teneur en eau. Celle-ci présente, pour l’huile de soja, une valeur moyenne de 19 % sur le palier, comparable aux résultats obtenus aux autres échelles, en restant toutefois inférieure de 25 % à la valeur de laboratoire. L’huile de ricin ne semble pas totalement émulsionnée en mer, au bout de 70 minutes.

Les trois outils expérimentaux permettent donc d’obtenir des résultats tout à fait comparables pour l’émulsification des huiles végétales. Les caractéristiques de l’émulsion en mer sont susceptibles de se rapprocher ou de s’éloigner de celles du laboratoire en fonction des conditions de vent et de courant sur la zone polluée. On peut donc utiliser le montage en

ampoules rotatives du laboratoire, selon le protocole mis au point pour cette étude, pour simuler l’émulsification de polluants flottants tels que les huiles végétales. Ceci permet, en cas

d’accident par exemple, d’obtenir rapidement et à faible coût des information sur l’émulsification du polluant déversé, afin de choisir une technique de lutte adaptée. Le polludrome semble former des émulsions plus rapidement qu’en mer. Toutefois, les conditions de l’expérimentation en mer étaient relativement calmes. Il est probable qu’une mer plus forte, comme c’est le cas dans une partie

des accidents, notamment certains naufrages, formerait des émulsions à une vitesse comparable à celle obtenue en polludrome. Cet outil est donc utilisable pour suivre, à plus long terme qu’en laboratoire -puisqu’on peut laisser tourner le polludrome pendant plusieurs jours tout en effectuant régulièrement des prélèvements- l’évolution d’un produit flottant déversé en mer. L’ampleur de l’agitation de la surface de l’eau du polludrome est réglable afin de simuler les conditions présentes sur le lieu du sinistre.

IV. 1.2.4.2 Le cas de l’huile de pin

L’huile de pin est une huile végétale particulière qui n’est pas composée majoritairement de triglycérides d’acides gras mais d’alcools terpéniques. L’étude de son émulsification confirme que son comportement se rapproche plus de celui des produits chimiques testés (qui ne forment pas d’émulsion lorsqu’ils sont agités en présence d’eau) et des

hydrocarbures légers que de celui des autres huiles végétales. Ce comportement particulier peut résulter de plusieurs causes.

D’une part, lorsque l’huile de pin est agitée en présence d’eau, une odeur caractéristique des alcools terpéniques se dégage. Une partie de l’huile s’évapore donc rapidement, comme la partie aromatique des hydrocarbures légers et contrairement aux autres huiles végétales, composées uniquement de fractions lourdes. On retrouve donc, vis-à-vis de l’émulsification, un comportement analogue à celui des pétroles légers qui forment des émulsions instables en incorporant très peu d’eau, comme les pétroles South Pass 60, Ship Shoal 239 ou encore Eugene Island 32 (Fingas et al., 1995).

D’autre part, l’étude de Fingas et al. (1995) révèle que, si une faible viscosité n’est pas un facteur empêchant la formation d’émulsions, en revanche, tous les produits ayant formé une émulsion instable présentent au départ une très faible viscosité. La similitude de comportement entre l’huile de pin et les produits chimiques testés, qui présentent tous une viscosité inférieure à 10 cSt, vient appuyer l’observation de Fingas et al. et peut permettre d’envisager que le produit de départ doit présenter une viscosité minimale pour pouvoir s’émulsionner, sauf s’il contient naturellement les cotensio-actifs nécessaires à son émulsification.

IV. 1.2.4.3 Comparaison de l’émulsification des huiles de soja et de ricin

L’huile de soja présente une viscosité 15 fois plus faible que celle de l’huile de ricin : (78 ± 3 cSt pour l’huile de soja contre 1160 ± 12 cSt pour l’huile de ricin, à 15 °C et 150 s-1). Cet écart significatif permet de mettre en évidence l’influence de ce paramètre sur l’émulsification de ces huiles, à travers la comparaison des caractéristiques des émulsions : leur viscosité et leur teneur en eau.

En premier lieu, les expérimentations, réalisées aux différentes échelles, ont permis de constater que si la viscosité de l’émulsion d’huile de ricin est plus forte que celle de l’émulsion d’huile de soja, ce qui est normal étant données les valeurs des viscosités des huiles de départ, en revanche, les rapports viscosité de l’émulsion / viscosité de l’huile ne sont pas significativement différents : entre 1,6 et 2,8 pour l’huile de soja, contre 1,2 pour l’huile de ricin. La viscosité des émulsions d’huiles végétales semble donc proportionnelle à la

viscosité de l’huile de départ, mais en restant du même ordre de grandeur. Cette

information est capitale au niveau opérationnel pour le choix des pompes de récupération.

Cette variation n’est pas comparable à celle observée par Fingas et al. (1995) sur certains pétroles. En effet , la viscosité d’une émulsion peut être multipliée jusqu’à 10 000 par rapport au pétrole initial. Cependant, Fingas et al. effectuent leurs mesures à un gradient de cisaillement de 1 s-1, et non 150 s-1 comme dans cette étude. Les mesures se situent alors au niveau d’un pic et non d’un palier. La comparaison entre les deux études est, pour cette raison, sujette à caution.

On peut tout de même estimer que les émulsions d’huiles de soja et de ricin appartiennent à la catégorie des émulsions méso-stables définie par Fingas et al. (1995 et 1997). En effet, l’élasticité de ces émulsions est faible, leur viscosité est multipliée par 40 à 200 au taux de cisaillement de 1 s-1 et elles se décomposent en majorité en trois phases. Ces critères correspondent aux observations faites sur les émulsions d’huiles de soja et de ricin, à l’incertitude due à la différence dans le protocole de mesure près.

En second lieu, les mesures des teneurs en eau montrent que ces deux huiles ont incorporé les mêmes proportions d’eau dans les émulsions qu’elles ont formées avec l’eau de mer. La teneur en eau ne semble donc pas dépendante de la viscosité de l’huile de départ. On peut alors penser que les huiles végétales classiques déversées accidentellement en mer incorporent environ 25 % d’eau dans les émulsions qu’elles forment avec l’eau de mer. D’autre part, la quantité d’eau incorporée est faible, par rapport à celle contenue dans les émulsions de pétroles, comprise entre 50 % et 90 % dans la majorité des cas (Fingas et al., 1995). Cette eau incorporée (1/3 du volume d’huile de départ) ne sera donc pas trop pénalisante lors de la récupération d’une émulsion d’huile par pompage, contrairement à la récupération des émulsions de pétroles. En effet, les phases de pompage sont suivies de temps d’attente destinés à laisser une partie de l’eau contenue dans l’émulsion décanter avant d’être relarguée en mer. Cette procédure permet de débarquer des cuves pleines de pétrole et non à moitié ou aux trois-quarts remplies d’eau.