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Mesure des quantités dispersées : analyse des huiles végétales

Le comportement des polluants flottants et sa caractérisation

II.3 Phénomènes de dispersion

II.3.3 Mesure des quantités dispersées : analyse des huiles végétales

II.3.3.1 Composition des huiles végétales

Les huiles appartiennent à la classe chimique des lipides. Elles sont essentiellement constituées de triglycérides, esters d’acides gras à longue chaîne avec le glycérol, ayant la forme générale suivante :

H2C O C R1 O O R2 C O CH H2C O C R3 O

où R1, R2 et R3 représentent la chaîne carbonée des radicaux d’acides gras (Hartley, 1977). Un triglycéride est "homogène" s'il est composé de trois acides gras identiques ; sinon, il est dit "mixte". Les chaînes carbonées des huiles végétales possèdent en majorité un nombre pair d'atomes de carbone, compris entre 6 et 22, et peuvent contenir jusqu'à trois insaturations. L'huile de ricin présente la particularité de contenir des oxyacides (acides ricinoléiques) qui lui confèrent ses propriétés physiques et chimiques remarquables. En effet, la nature et les proportions des acides gras d'une part, et la structure glycéridique d'autre part, déterminent les propriétés physiques, la réactivité chimique et le comportement physiologique d'une huile.

Les huiles contiennent aussi des composés minoritaires. Certains proviennent du végétal dont est extraite l'huile alors que d'autres sont issus de phénomènes de dégradation. Les phospholipides font partie de la première catégorie. Ils peuvent atteindre 2 à 3 % dans certaines huiles brutes telles que les huiles de maïs et de soja mais sont facilement éliminés lors du raffinage. Les stérols, ainsi que les alcools terpéniques (particulièrement importants dans l'huile de pin), les vitamines liposolubles et les hydrocarbures constituent l'"insaponifiable", fraction minoritaire extraite du végétal, au même titre que les pigments

chlorophylliens. Enfin, les produits d'altération que l'on trouve dans les huiles sont constitués d’acides gras libres provenant de l'hydrolyse des triglycérides, au cours du transport ou du stockage, et d’acides oxydés, responsables d’émanations nauséabondes (Hui, 1992 ; Karleskind, 1992).

II.3.3.2 Analyse des esters méthyliques d'acides gras

L'analyse quantitative des huiles végétales est réalisée sur ses composés majoritaires, les triglycérides. L'analyse par chromatographie en phase gazeuse (CPG) est couramment effectuée sur les esters méthyliques d’acides gras issus des triglycérides.

Cette technique nécessite une étape préparatoire : le corps gras doit être saponifié pour libérer les acides gras qui sont ensuite estérifiés en présence de trifluorure de bore. Les esters méthyliques formés se concentrent dans l’heptane qui joue le rôle de tiers-solvant et permet d’éviter de perdre les esters méthyliques d’acides gras à courtes chaînes (AFNOR, 1977). Les triglycérides des corps gras neutres comme les huiles végétales peuvent aussi être transestérifiés par le méthanol à chaud en présence de potasse. Après adjonction d'eau, les esters sont extraits par de l'heptane (Karleskind, 1992 ; Ackman, 1998).

Récemment, Boocock et al. (1998) ont mis en cause ces méthodes traditionnelles de production d'esters méthyliques d'acides gras à partir de triglycérides, qui ne sont pas toujours quantitatives. Leurs expérimentations montrent que cette transformation nécessite l'utilisation d'un cosolvant tel que le tétrahydrofurane (THF), afin de travailler dans une seule phase, ce qui permet d'augmenter la polarité du milieu et de produire rapidement et efficacement (98,3 % au bout de 5 minutes) des esters méthyliques d'acides gras.

L'analyse chromatographique des esters méthyliques d'acides gras peut être réalisée sur un chromatographe équipé d'un détecteur à ionisation de flamme (FID) (AFNOR, 1990b ; Gasparoli et Giovanessi, 1995 ; Molkentin et Precht, 1997 ; Boocock et al., 1998). Un injecteur "on-column" est préconisé pour mesurer les faibles concentrations et obtenir une meilleure reproductibilité (Van Lieshout et al., 1995). De plus, Gasparoli et Giovanessi (1995) ont démontré que l'analyse des acides gras sur colonne remplie nécessite un temps plus long que sur colonne capillaire, tout en procurant une résolution plus faible. Les colonnes remplies ont de ce fait été abandonnées au profit des colonnes capillaires. Cependant, leur type varie selon les laboratoires. Ainsi, Gasparoli et Giovanessi utilisent une colonne en polyéthylène glycol (carbowax), de polarité moyenne, de 15 m de long, 0,32 mm de diamètre et 0,2 à 0,5 µm d’épaisseur de film, qui leur permet de séparer neuf acides gras de l'huile de ricin en 13 minutes. Molkentin et Precht (1997) utilisent, pour l'analyse des esters méthyliques d'acides gras du lait, en particulier celui de l'acide butyrique, à faible poids moléculaire, une colonne capillaire plus longue (25 m), plus fine (0,25 mm de diamètre) et de même épaisseur de film (0,2 µm). Les conditions de température sont peu différentes des précédents auteurs. Par contre, Boocock et al. (1998) proposent l'analyse des esters méthyliques d'acides gras de l'huile de soja sur une colonne en silice fondue beaucoup plus courte (2 m de long), de 0,25 mm de diamètre et de film en polyméthyle siloxane de 0,25 µm d’épaisseur. Cependant, cette méthode ne procure pas d'informations sur la composition des triglycérides. Des précisions peuvent être apportées par le passage des échantillons en spectromètrie de masse.

II.3.3.3 Analyse directe des triglycérides

Les anciennes méthodes (avant 1995)

L'analyse des triglycérides a rapidement évolué ces dernières années. En effet, il n'était naguère pas possible d'analyser par chromatographie gazeuse ces composés à haut poids moléculaire car les températures nécessaires à leur vaporisation n'étaient pas compatibles avec les matériaux des colonnes. Différents appareillages étaient utilisés. La chromatographie liquide haute performance (HPLC) fut la première technique permettant d'analyser directement les triglycérides des huiles. Les chromatographes sont équipés de détecteurs à ultra-violets (UV) (Andrikopoulos et al., 1991), de masse (SM) (Neff et Byrdwell, 1995 ; Byrdwell et Emken, 1995 ; Byrdwell et Neff, 1998), à indice de réfraction (Trân et al., 1997) ou encore à diffusion de lumière. Seule la technique utilisant un détecteur de masse permet de caractériser de façon satisfaisante les triglycérides de masses molaires proches. L'analyse dure alors 40 à 80 minutes. La chromatographie en fluide supercritique sur colonne capillaire permet également l'analyse des triglycérides. Cette technique qui utilise à la fois les technologies de la Chromatographie en Phase gazeuse (CPG) et de la HPLC permet une analyse en 50 minutes. Cependant, les conditions expérimentales sont difficiles à mettre au point et la résolution est médiocre (Baiocchi, 1993).

Les méthodes récentes

Les propriétés des matériaux ayant évolué, l'analyse des triglycérides par CPG est maintenant possible. Tout comme pour l’analyse des esters méthyliques d’acides gras, l'injecteur "on-column" est recommandé. Cependant, Van Lieshout et al. (1995) ont montré que l'injecteur "split PTV (Programmed Temperature Vaporization)", qui permet, en atteignant des températures de 500 à 600 °C, l'injection de l'échantillon sous forme liquide

puis sa vaporisation avant le transfert dans la colonne, est adapté à ce type d'analyse à haute température. Si le type d'injecteur peut varier, le détecteur utilisé est en revanche toujours un FID. Le gaz vecteur est l'hydrogène. La séparation des pics selon le nombre d'atomes de carbone est courante, que la colonne soit polaire ou apolaire (Peña et al., 1997), courte et métallique (Ulberth et al., 1998) ou microcapillaire (Russo et al., 1998). Ce dernier type de colonne permet une analyse très rapide, en moins de 8 minutes. La meilleure résolution est cependant obtenue par Mayer et al. (1997) sur colonne peu polaire. Ces auteurs ont réussi à séparer 37 triglycérides provenant des tissus de la momie Ötzi retrouvée en Autriche, en 30 minutes. Ils ont pour cela utilisé une colonne capillaire couverte d'un film de diméthyl-diphénylsiloxane, de 15 m de long et 0,32 mm de diamètre intérieur. La séparation se fait à la fois selon le nombre d'atomes de carbone et le nombre d'insaturations. Mudge et al. (1994) ont eux aussi utilisé la CPG à haute température pour l'analyse des triglycérides des huiles de tournesol, d’olive et de lin pour l'étude de leur dégradation dans l'eau de mer. Cette technique leur a permis de séparer les triglycérides des huiles et ainsi de suivre les taux et les schémas de dégradation. Cependant, la mise au point reste très délicate et la stabilité de la colonne est incertaine.