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CHAPITRE 2 : CADRE DE RÉFÉRENCE

2.3 LA COMPRÉHENSION INFÉRENTIELLE : CHOIX ET DESCRIPTION D’UN OBJET

2.3.4 La production d’inférences en contexte de résolution de problèmes écrits de

Considérant notre troisième objectif de recherche, nous cherchons à travailler avec une catégorisation d’inférences permettant de cibler l’utilité de l’inférence pour réussir à résoudre le problème. Les catégories d’inférences présentées précédemment, c’est-à- dire celles étant propre au domaine de la lecture, ne permettent pas de répondre à ce besoin. En effet, selon le contexte de l’histoire dans lequel s’inscrit le problème, le choix du vocabulaire, la longueur du texte et la structure de l’énoncé, la quantité ainsi que le type d’inférences peuvent grandement varier. Par exemple, pour certains

problèmes, les inférences qui sont nécessaires pour parvenir à résoudre le problème correctement renvoient à des inférences de type text-connecting, tandis que pour d’autres, ces inférences nécessaires sont plutôt des inférences de type gap-filling, tel que défini par Baker et Stein (1981). Puisqu’aucune catégorisation recensée précédemment ne nous a semblé adaptée à notre besoin, nous avons élargi nos recherches aux catégorisations développées dans le domaine particulier de la résolution de problèmes écrits de mathématiques.

Dans sa thèse de doctorat, Porcheron (1998) propose une classification des inférences pouvant être générées en situation de résolution de problèmes écrits de mathématiques selon trois niveaux : (a) générique, (b) générique intermédiaire et (c) spécifique. Pour expliquer ces trois niveaux, il utilise l’exemple d’un problème arithmétique concernant l’âge de deux personnes, dans lequel on pourrait s’intéresser à la variable « avoir un âge ». Selon Porcheron (1998), le niveau générique renvoie aux inférences pour lesquelles aucune perspective de quantification immédiate n’est possible. Par exemple, inférer que Philippe et Jacob aient un (certain) âge, comme toute personne, sans être en mesure de le spécifier, correspond à une inférence générique. Le niveau générique est appelé intermédiaire lorsqu’une quantification est rendue possible grâce à un calcul. Finalement, Porcheron (1998) décrit le niveau spécifique comme étant les inférences « quantifiées dans l’énoncé » (p. 12). Par exemple, dans l’affirmation « Philippe et Jacob ont trois ans de différence », une donnée numérique est explicitement spécifiée, ce qui fait référence au niveau spécifique. En résumé, Porcheron (1998) explique que la compréhension d’un problème suppose la production d’inférences, pouvant être « quantifiée dans l’énoncé (niveau c) - quantifiable par une formule de calcul (niveau b) - pensée au niveau générique sans perspective de quantification immédiate (niveau a) » (p. 12).

Ces trois niveaux ont pour but de préciser les relations entre les deux types d’inférence que distingue Porcheron (1998), à savoir :

(1) Celles qui permettent de faire émerger des propriétés quantifiables et les objets auxquels elles s’appliquent.

(2) Celles qui permettent de les quantifier effectivement (p. 12).

Tels que décrits, les deux types d’inférence présentés par Porcheron (1998) ne permettent pas de se prononcer sur l’utilité de l’inférence pour accéder à la solution du problème. De ce fait, cette classification ne répond pas à notre critère « utilité de l’inférence pour réussir le problème ». Par ailleurs, notre définition de l’inférence semble aussi être différente de celle de Porcheron (1998), notamment à l’égard de la distinction implicite/explicite. À notre avis, le troisième niveau qu’il propose, soit le niveau spécifique, n’est pas de l’ordre de l’implicite. La donnée numérique ne doit pas être inférée puisqu’elle est présentée explicitement dans l’énoncé. Pour ces deux raisons, cette typologie ne sera pas retenue dans le cadre de notre étude.

La classification proposée par de Dupin de St-André (2011), aussi dans sa thèse de doctorat, se rapproche de notre critère d’utilité. Par contre, puisque cette typologie a été développée dans le domaine de la lecture, elle n’est pas parfaitement adaptée à nos besoins. Ce que propose Dupin de St-André (2011) est maintenant présenté en incluant les trois grandes catégories que distincte l’auteure pour regrouper les différents types d’inférence décrits précédemment.

Tableau 11. Classification des types d'inférence selon Dupin et St-André (2011)

Catégorie Type d’inférence Définition

Inférence nécessaire

Anaphorique Lien entre un mot de substitution et son référent.

Causale Lien de causalité entre plusieurs événements.

Lexicale Comprendre le sens d’un mot peu familier.

Inférence optionnelle

Prédictive Anticipations plausibles de la suite du texte.

Pragmatique Élaboration qui donne lieu à un résultat plausible. Inférence nécessaire ou optionnelle selon le contexte De différents contenus

Lieu, agent, temps, instrument, objet, sentiment-attitude, catégorie et action.

Logique Déduction qui donne lieu à un résultat certain.

Les trois catégories de Dupin de St-André (2011) décrivent l’utilité de l’inférence pour comprendre le texte. Pour notre part, nous proposons aussi trois catégories d’inférences, mais décrivant plutôt l’utilité de l’inférence pour résoudre le problème. Nous avons choisi de reprendre le terme « nécessaire » tel que proposé par Dupin de St-André (2011). Or, nous avons privilégié le terme « non nécessaire » au terme « optionnel ». L’option faisant référence à un choix généralement délibéré, nous jugeons que le terme « non nécessaire» est plus approprié. Certaines inférences sont donc nécessaires pour réussir à résoudre le problème alors que d’autres ne le sont pas. Finalement, nous distinguons aussi les inférences « à éviter » pour réussir à résoudre le problème.

Plus précisément, les inférences jugées nécessaires sont celles qui servent à comprendre les données de l’énoncé (données quantitatives ou qualitatives) étant directement liés à la résolution mathématique du problème. Ces inférences se

retrouvent donc dans la zone commune définie précédemment. Elles sont nécessaires afin d’atteindre une compréhension qui tienne compte de l’intention première associée à l’activité de résolution de problèmes, soit celle de résoudre le problème. Sans la production de ces inférences, le solutionneur ne peut atteindre la solution. Parmi les inférences jugées nécessaires pour la réussite du problème, nous retrouvons (1) les inférences permettant de dégager une donnée quantitative (numérique) et (2) les inférences permettant de dégager une donnée qualitative. Nous distinguons donc deux types d’inférence nécessaires : quantitative et qualitative.

Prenons par exemple le problème suivant :

Sophie est une grande athlète de course à pieds. Bientôt, elle participera à une importante compétition où elle souhaite repartir avec la médaille d’or! Afin de bien se préparer, elle s'entraîne sur une piste extérieure qui est située tout près de chez elle. La piste mesure 2 km de distance. Sophie fait 4 tours de piste par jour, tous les jours de la semaine sauf le samedi. Elle nage aussi 1 km tous les jeudis. Combien de kilomètres Sophie court-elle sur cette piste par semaine?

Pour réussir à résoudre ce problème, le solutionneur doit produire une inférence nécessaire permettant de dégager une donnée implicite quantitative : le nombre de jours couru par Sophie chaque semaine. Cette donnée numérique n’est pas présentée explicitement. L’élève doit inférer que si Sophie court tous les jours sauf le samedi, cela veut dire qu’elle coure six jours par semaine, car une semaine compte sept jours. Les inférences jugées non nécessaires sont celles qui, bien qu’elles permettent une compréhension plus riche de l’histoire dans laquelle s’inscrit le problème, ne sont pas orientées spécifiquement vers l’intention de résoudre le problème. Ces inférences permettent plutôt à l’élève de mieux comprendre qui sont les personnages, quels sont leurs actions et leurs sentiments, où se déroule l’histoire, dans une visée de compréhension générale du contexte. Que ces inférences soient produites ou non, cela

n’aura pas d’impact sur la réussite du problème. Dans le même problème présenté précédemment, un élève pourrait inférer que Sophie souhaite monter sur la première marche du podium. Cette inférence pourrait être produite en s’appuyant sur l’information « Elle souhaite repartir avec la médaille d’or ». Cette inférence permettrait à l’élève de se représenter plus en détails l’histoire, de mieux comprendre les aspirations de Sophie, sans pour autant lui fournir quelconque piste de modélisation mathématique. Il ne s’agit donc pas d’une inférence nécessaire pour la réussite du problème. Les inférences nécessaires sont celles faisant partie du modèle de situation tel que défini précédemment.

Finalement, toujours selon le problème de la course à pieds, un exemple d’inférence à éviter serait d’inférer que parce que Sophie nage les jeudis, elle ne doit pas courir en plus cette journée-là. Cette inférence est à éviter puisqu’elle est contre-productive : elle amène le solutionneur à s’éloigner de la modélisation adéquate du problème, qui veut que Sophie coure six jours par semaine et non cinq jours. La figure 6 ci-dessous présente un schéma synthèse des différents types d’inférence que nous venons de décrire.

Figure 6. Notre classification des types d'inférence pouvant être produites lors de la compréhension/résolution d'un problème écrit de mathématiques

Cette classification servira à élaborer notre épreuve d’évaluation de la compréhension inférentielle des énoncés de problèmes écrits de mathématiques. Il importe de préciser que les problèmes qui nous intéressent sont ceux dont la résolution mathématique exige la production d’au moins une inférence en lecture18 pour accéder à la solution. Autrement dit, ce sont des problèmes pour lesquels la base de texte ne suffit pas, c’est- à-dire des problèmes où une ou des inférences nécessaires doivent être produites pour arriver à modéliser correctement la situation décrite dans le problème. Le choix de cette catégorisation en particulier nous permet de faire des liens entre les types d’inférence et les modèles de compréhension présentés précédemment. En effet, la production d’inférences non nécessaires permet au solutionneur de se construire un modèle de situation alors que la production d’inférences nécessaires permet au solutionneur de se

construire des représentations renvoyant à celles de la zone commune. Il faut aussi préciser que certaines inférences nécessaires peuvent être associées à la construction d’un modèle de problème. Or, ces inférences correspondent davantage à des inférences mathématiques, tel qu’inférer le choix d’un concept ou d’un calcul à utiliser.

CHAPITRE 3