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Production de DSB réplicationnelles et transcriptionnelles

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II. Les inhibiteurs de la topoisomérase I

II.4. Conséquences cellulaires de la CPT

II.4.4. Production de DSB réplicationnelles et transcriptionnelles

Les Top1cc sont normalement rapidement réversés après le retrait de la CPT (Goldwasser et al., 1996). De courtes expositions à la CPT sont généralement peu toxiques pour la cellule (< 60 min) (Holm et al., 1989). De longues expositions à la CPT sont nécessaires pour induire l’apoptose. La cytotoxicité de la CPT résulte de la conversion des Top1cc stabilisés réversibles en dommages de l’ADN irréversibles (cassure double-brin de l’ADN = DSB) après les processus de réplication et de transcription (Holm et al., 1989; Hsiang et al., 1989a; Pommier, 2006). Les DSB induites par la réplication sont le mécanisme cytotoxique majeur des inhibiteurs de la Top1 dans les cellules en division. En effet, les cellules cancéreuses sont plus résistantes à la CPT quand elles ne sont pas en phase S (Horwitz and Horwitz, 1973; O'Connor et al., 1991) ou quand elles sont prétraitées avec un inhibiteur de la réplication (Holm et al., 1989; Hsiang et al., 1989a). Ces cassures réplicationnelles sont obtenues avec des faibles concentrations en CPT (< 1 µM) (Holm et al., 1989; O'Connor et al., 1991). A des concentrations plus élevées (> 1 µM), les dommages induits par la CPT peuvent dépendre de la transcription (Pommier, 2006). Ainsi, la CPT peut

70 induire une apoptose transcription dépendante dans des cellules non-réplicatives comme par exemple des fibroblastes quiescents (Cristini et al., 2016).

II.4.4.1 DSB réplicationnelles

Deux mécanismes impliqués dans la production de cassures double-brin réplicationnelles (Rep-DSB) ont été décrits (Figure 29). Le premier mécanisme détaillé est le modèle « replication run-off » (Figure 29A) (Strumberg et al., 2000). Il correspond à la conversion des Top1cc bloqués sur le brin leader en Rep-DSB après réplication du dernier nucléotide du brin néosynthétisé par l’ADN polymérase. L’extrémité 5’ du brin leader est phosphorylé et permettrait d’empêcher la religation par la Top1 (Strumberg et al., 2000). Le deuxième modèle montre que la formation des Rep-DSB est médiée par le complexe endonucléasique Mus81-Eme1 (Figure 29B) (Regairaz et al., 2011). La stabilisation des Top1cc par la CPT induit la formation de surenroulements positifs en amont de la fourche de réplication, ce qui bloque sa progression. Le clivage par Mus81-Eme1 des fourches de réplication bloquées permet de supprimer les surenroulements positifs et de rétablir la poursuite de la réplication. Ainsi, bien que ce complexe induise des Rep-DSB, il protège les cellules de la mort cellulaire induite par la CPT. En effet les cellules déficientes en Mus81 sont hypersensibles à la CPT (Regairaz et al., 2011).

Figure 29 : Mécanisme de production des cassures double-brin réplicationnelles (Rep-DSB) par Top1cc. (A)

Représentation du modèle de réplication run-off. Pendant la synthèse d’ADN, lorsque Top1cc est bloqué par la CPT (rectangle vert) sur le brin leader, l’ADN polymérase prolonge le brin néosynthétisé jusqu’au dernier nucléotide, générant ainsi une Rep-DSB, nommée « double strand-end » (DSE). L’extrémité 5’ du brin leader est phosphorylé (Strumberg et al., 2000). (B) Représentation du modèle de production de Rep-DSB médié par Mus81-Eme1. Mus81-Eme1 induit le clivage des fourches de réplication bloquées par l’accumulation de surenroulements positifs générés par la stabilisation des Top1cc par la CPT. Cette illustration représente un Top1cc bloqué sur le brin leader. Le même mécanisme s’applique lorsque Top1cc est bloqué sur le brin retardé. Le triangle violet représente l’ADN polymérase (Regairaz et al., 2011). (Adapté de Regairaz et al., 2011).

71 II.4.4.2 DSB transcriptionnelles

De façon similaire à la réplication, les Top1cc stabilisés par la CPT sont converties en Top1cc irréversibles après collision avec l’ARN pol II sur le brin d’ADN matrice (Wu and Liu, 1997). La fréquence des complexes irréversibles est plus importante dans les régions proches du promoteur. Ce gradient de concentrations peut être expliqué par la diminution de l’activité transcriptionnelle aux sites distants du promoteur suite à l’arrêt de l’élongation de l’ARN pol II dû à la présence de Top1cc le long de la région transcrite (Bendixen et al., 1990).

Le collision entre l’ARN pol II et Top1cc aboutit à la production de cassures simple- brin transcriptionnelles (TC-SSB) (Lin et al., 2008; Wu and Liu, 1997) mais également de cassures double-brin transcriptionnelles (TC-DSB) (Figure 30) (Cristini et al., 2016; Sordet et al., 2010; Sordet et al., 2009). Les TC-DSB dépendent de la transcription puisque l’inhibition de la transcription par le 5,6-dichloro-1-beta-D-Ribofuranosyl Benzimidazole (DRB), le flavopiridol (FLV) ou l’α-amanitine abolit la production des DSB induites par la CPT dans des cellules post-mitotiques (lymphocytes et neurones primaires) (Sordet et al., 2009). Cependant, les mécanismes de production des DSB médiés par la transcription sont relativement peu caractérisés par rapport à ceux impliqués dans l’induction des dommages par la réplication. La première SSB, qui résulte d’un défaut de réparation d’un Top1cc par la voie d’excision par TDP1, est requise pour la formation d’une DSB (Cristini et al., 2016). Plusieurs mécanismes non-exclusifs expliquant la production de la deuxième SSB aboutissant à la formation de la DSB sont envisagés. Le premier correspondrait à la présence de deux Top1cc proches situés sur les brins opposés. Cette hypothèse parait plausible du fait de la grande concentration de Top1 dans les régions hautement transcrites (Khobta et al., 2006). Deuxièmement, il se pourrait que la SSB du brin opposé résulte de la réparation d’une lésion endogène de l’ADN qui formerait une coupure (Pourquier et al., 1997a). Enfin, il se pourrait que la deuxième SSB résulte du clivage d’une R-loop. En effet, la surexpression de la RNase H1, enzyme qui dégrade l’ARN des hybrides ADN-ARN, inhibe l’induction de γH2AX par la CPT dans des neurones post mitotiques et des cellules Hela dans lesquelles la réplication a été bloquée par l’aphidicoline (Sordet et al., 2009). La formation de R-loops peut être causée par l’accumulation de surenroulements négatifs derrière les complexes de transcription bloqués par les Top1cc (Drolet et al., 1994). L’inhibition de l’activité SR kinase de Top1 par la CPT pourrait également favoriser la génération de R-loop en interférant avec l’épissage par hypophosphorylation des facteurs ASF/SF2 (Figure 30) (Soret et al., 2003; Tuduri et al.,

72 2009). Plus récemment, il a été montré que la conversion des R-loops en DSB dépend de l’activité des facteurs de la réparation des dommages par excision de nucléotides couplés à la transcription (TC-NER) tels que les endonucléases XPF et XPG (xeroderma pigmentosum group F/G) et la protéine Cockayne syndrome group B (CSB) (Sollier et al., 2014). Il se pourrait que ces facteurs TC-NER participent à la production de TC-DSB en réponse à la CPT.

De futures études permettront de caractériser le processus de production des TC-DSB et l’implication des R-loops dans ce mécanisme.

Figure 30 : Représentation schématique de la production des cassures double-brin transcriptionnelles (TC-DSB) par Top1cc. Top1cc est bloqué par la CPT (rectangle rouge) sur le brin transcrit et entre en collision avec l’ARN polymérase II.

La collision convertie le Top1cc réversible en Top1cc irréversible et génère une TC-DSB. L’accumulation de surenroulements négatifs derrière l’ARN polymérase II et l’inhibition de l’activité SR-kinase de Top1 par la CPT pourraient favoriser la formation de R-loops (Adapté de Sordet and Solier, 2012).

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