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La deuxième possibilité pour ce chemin réactionnel a se divise en trois étapes : - La première étape est la même que celle de la première possibilité ;

- La deuxième étape se compose de la transformation du soufre élémentaire « rapidement biodégradable » précédemment formé, en soufre élémentaire « lentement biodégradable », décrit par une cinétique du premier ordre (abiotique) (Equations I – 22) ;

- La troisième étape consiste en l’oxydation biotique du soufre élémentaire « lentement biodégradable » en acide sulfurique, décrit par l’équation I – 31.

Les résultats obtenus grâce au modèle mathématique suivant l’hypothèse du chemin a de la Figure 19, révèlent une bonne correspondance entre les résultats expérimentaux et la modélisation. La formation du soufre élémentaire lentement biodégradable, plus stable, entraînerait donc une accumulation de ce produit sur la surface cimentaire et serait donc perçu comme un produit final de corrosion. Cependant, la prise en compte du chemin réactionnel b ( Figure 19) est à considérer. En effet, l’intervention d’espèces soufrés supplémentaires ( S2O32-, S4O62-) autre que le soufre élémentaire, a déjà été mise en avant dans la littérature expérimentale (Peyre-Lavigne et al. ; 2015), comme précisé précédemment.

I.3.4. Production d’acide par les microorganismes

I.3.4.1. Type de microorganismes présents dans les réseaux d’assainissement

De nombreux auteurs ont observé par diverses techniques (culture sur milieu sélectif, pyroséquençage, métabolomique,…) la présence de bactéries chimiolithotrophes et hétérotrophes sur des matériaux cimentaires biodétériorés (Parker, 1945; Parker, 1947; Parker et Prisk, 1953; Parker, 1951; Milde et al., 1983; Islander et al., 1991; Cho et Mori, 1995; Davis et al., 1998; Gu et al., 1998; Nica et al., 2000; Vincke et al., 2001; Roberts et al., 2002; Okabe et al., 2007; Giannanton io et al., 2009; Santo Domingo et al., 2011; Gomez-Alvarez et al., 2012; Cayford et al., 2012; Ling et al.,

2015; Pagaling et al., 2014; Grengg et al., 2015). D’autres théories suggèrent qu’une succession de microorganismes a lieu lors du phénomène de biodétérioration, en particulier pour les bactéries sulfo-oxydantes, qui sont les principales responsables de la production d’acide sulfurique (Rigdon et Beardsley, 1956; Milde et al., 1983; Sand et Bock, 1987; Diercks et al., 1991; Mori et al., 1992) . Les gammes de pH correspondant à leur activité ont permis de diviser les bactéries sulfo -oxydantes intervenant dans ce processus en deux groupes distincts : les microorganismes sulfo-oxydants acidophiles et les microorganismes sulfo-oxydants neutrophiles (ASOM et NSOM) (Islander et al., 2001). Une succession de microorganismes intervenant dans le processus de biodétérioration a pu être définie: Thiobacillus thioparus, Thiobacillus novellus, Thiobacillus intermedius, Thiobacillus neopolitanus (aujourd’hui nommé Halothiobacillus neopolitanus) et Thiobacillus Thiooxidans (aujourd’hui nommé Acidothiobacillus thiooxidans). D’autre part, certains auteurs ont mis en avant la présence de microchampignons dans les réseaux d’assainissement (Cho and Mori, 1995 ; Davis et al., 1998 ; Gu et al., 1998 ; Valix et al., 2015).

En 2007, de nombreuses précisions ont été apportées par rapport aux microorganismes présents dans les réseaux d’assainissement sur les surfaces de matériaux cimentaires dégradées ( Okabe et al., 2007). Lorsque le pH de la surface cimentaire diminue de 9 à 5, la population microbienne augmente. En effet, une quantité importante de microorganismes sulfo-oxydants neutrophiles est présente lors de cette étape. Les espèces dominantes sont dans l’ordre : Thriothrix spp., Thiobacillus plumbophilus, Thiomonas sp. et Halothiobacillus neopolitanus. Ces différents microorganismes sont responsables de la diminution du pH car ils produisent de l’acide sulfurique, mais ne sont pas responsables d’une dégradation du matériau (Rigdon and Beardsley, 1956 ; Milde et al., 1983; Sand et al., 1987 ; Diercks et al., 1991; Mori et al., 1992). Les microorganismes sulfo-oxydants utilisent les espèces soufrées intermédiaires, formées lors de l’oxydation de l’hydrogène sulf uré, comme source d’électrons. Les principales sources pour Thriothrix spp. sont l’hydrogène sulfuré et les ions thiosulfates (Rossetti et al., 2003). Thiomonas spp. utilise en revanche le soufre élémentaire et les ions thiosulfates (Wood et Kelly, 1991; Moreira et Amils, 1997). L’espèce Halothiobacillus neopolitanus s’adapte à une gamme de pH plus large (4.5 – 8.5) que les autres microorganismes neutrophiles (Wood et Kelly, 1991). Cette espèce reste active sur une plus longue période et le nombre de microorganismes présents est important. D’après Parker et Prisk (1953), au cours de la croissance des microorganismes sulfo-oxydants dans un milieu enrichi en thiosulfate, certaines souches telle que Halothiobacillus neopolitanus accumule le tétrathionate comme intermédiaire de croissance. Lorsque le pH diminue de 5 à 2, la bactérie Acidothiobacillus thiooxidans apparait et devient la bactérie sulfo-oxydante la plus abondante. Son apparition provoque des dégradations du matériau importantes. En effet, cette espèce peut croître plus facilement à un pH égal à 2, avec comme donneurs d’électrons les ions thiosulfates et le soufre élémentaire (Wood et Kelly, 1991). De plus, Parker et Prisk (1953) précisent qu’A. thiooxidans, lors de sa croissance dans un milieu enrichi en thiosulfate, oxyde les ions thiosulfates en soufre élémentaire et ces derniers s’oxydent rapidement en gypse. D’autres auteurs (Terenobu et al., 1999; Yamanaka et al., 2002) ont déterminé, à partir d’échantillons prélevés dans des réseaux d’assainissement au Japon, qu’Acidothiobacillus ferrooxidans était également présente et responsable d’une partie de la production de l’acide sulfurique. Les caractéristiques de croissance des principales bactéries sulfo-oxydantes responsables de la biodétérioration, sont répertoriées dans le Tableau 3 (Miokono, 2013).

Tableau 3 : Principales caractéristiques de croissance des bactéries sulfo-oxydantes, majoritairement présentes dans les réseaux d'assainissement, issues de Miokono. (2013).

En ce qui concerne le développement des microchampignons dans les réseaux d’assainissement, ils représenteraient 50% de la population microbienne totale au bout d’un an d’exposition, et ont les mêmes caractéristiques physiologiques que les bactéries sulfo-oxydantes (Cho and Mori, 1995 ; Davis et al., 1998 ; Gu et al., 1998 ; Okabe et al., 2007, Peyre-Lavigne et al., 2015). Les sources possibles d’énergie pour ces champignons sont les composés organiques volatiles produits par A. thiooxidans. Gu et al. (1998) ont prélevé ces champignons sur des bétons exposés en réseau d’assainissement et les ont identifié comme appartenant à l’espèce Fusarium. Valix et Shanmugarajah (2015) ont déterminé que la succession microbienne ayant lieu lors de la biodétérioration de mortiers revêtus d’une couche polymérique à base d’époxy, commençait par l’apparition des microchampignons et était suivie par les bactéries sulfo-oxydantes neutrophiles puis acidophiles.

De récentes études (Pagaling et al., 2014 ; Ling et al., 2015) ont apporté de nouvelles informations concernant les espèces présentes dans un réseau d’assainisse ment. Ling et al. (2015) ont analysé la diversité microbienne sur des échantillons de béton exposés pendant 1 an, par la technique de pyroséquençage, dans un réseau d’assainissement ayant des concentrations en hydrogène sulfuré élevées (supérieures à 300 ppm). Le principal résultat obtenu lors de cette étude est que lorsque le pH diminue, la diversité des espèces microbiennes présentes est moins importante. Pagaling et al. (2014) ont aussi étudié les microorganismes présents sur des échantillons de béton ex posés dans des réseaux d’assainissement par pyroséquençage. Ces auteurs ont déterminé que les microorganismes dominant la communauté acidophile sont Acidithiobacillus sp. et Mycobacterium sp. De plus, ils confirment les précédentes observations avec une di minution de la biodiversité lorsque le pH diminue, mais aussi lorsque la concentration en oxygène diminue et lorsque la concentration en hydrogène sulfuré augmente. Plus particulièrement, ils ont observé que le genre Mycobacterium résiste mieux aux conditions très acides qu’Acidithiobacillus sp.

I.3.4.2. Evolution de la quantité d’acide produit par les bactéries sulfo -oxydantes en fonction du pH

Miokono (2013) a évalué la quantité d’acide produit par les bactéries sulfo-oxydantes A. thiooxidans et H. neopolitanus, ainsi que le taux de croissance et le nombre de bactéries actives, en fonction du pH. Les résultats obtenus sont présentés dans la Figure 20. Pour calculer les quantités d’acide produit par les bactéries, l’auteur se base sur la détermination des quantités d’espèces soufrées. L’expérience mise en place consiste à immerger des mortiers dans un milieu liquide contenant les microorganismes. Ainsi, la quantité d’acide produit par les bactéries est considérée égale à la somme de la quantité d’ions sulfates en solution et de la quantité d’ions sulfates précipités dans le mortier.

La source de soufre initiale étant les ions thiosulfates, cette quantité peut être déterminée grâce à l’Equation I – 32.

[𝐻𝑔é𝑛é𝑟é+ ] = 2. [𝑆2𝑂3 𝑖𝑛𝑖𝑡𝑖𝑎𝑙2− ] − [𝑆 𝑡𝑜𝑡𝑎𝑙𝑚𝑒𝑠𝑢𝑟é 𝑝𝑎𝑟 𝐼𝐶𝑃]+ [𝑆𝑂42−

𝑒𝑛 𝑠𝑜𝑙𝑢𝑡𝑖𝑜𝑛 𝑚𝑒𝑠𝑢𝑟é 𝑝𝑎𝑟 𝐶𝐼] (I – 32)

Figure 20 : Paramètres de croissance d’A. thiooxidans et H. neopolitanus à différents pH initiaux dans un milieu optimal pour la croissance de ces deux types de bactérie.

Yuan et al. (2015) ont modélisé la production d’acide sulfurique par l’intermédiaire de bactéries sulfo-oxydantes présentes à la surface cimentaire sous forme de biofilm. De manière générale, le taux de production d’acide sulfurique est gouverné par différents facteurs : l’activité et la quantité de bactéries sulfo-oxydantes, la teneur et le type d’espèces soufrées, la concentration en ions aluminium (Herisson et al., 2014), la température et le pH. Dans le modèle proposé, il est considéré que la température est fixée à 25 – 30 °C (température la plus fréquente dans les réseaux), que la teneur et le type d’espèces soufrés n’influent pas sur l’activité des bactéries et qu’il n’y a pas d’ions aluminium en quantité suffisante car le ciment considéré est de type CEM I. Ainsi, le taux de production en acide sulfurique sera uniquement gouverné par le pH, dire ctement relié à la concentration en acide sulfurique. En réalité, différents types de bactéries sulfo-oxydantes interviennent et chacune d’entre elles produisent de l’acide sulfurique avec différents taux. Lorsque, de manière générale, l’activité microbienne augmente, le taux de production en acide augmente jusqu’à atteindre une valeur critique de pH, en dessous de laquelle ce taux de production chute. Dans ce modèle (Yuan et al., 2015), deux types de bactéries sont considérées: les bactéries sulfo-oxydantes neutrophiles et les bactéries sulfo-sulfo-oxydantes acidophiles.

Les bactéries sulfo-oxydantes neutrophiles interviennent dans un premier temps quand le pH est supérieur à un pH critique, nommé pHNSOB. La quantité d’acide produit lors de l’intervention de ce type de bactérie est faible et le pH diminue de 9 à 5. Le taux de production de l’acide sulfurique est fitté par une fonction log normal décrite dans l’Equation I – 33.

𝑅𝐻2𝑆𝑂4−𝑁𝑆𝑂𝐵= 𝛼0

𝜎√2𝜋𝑒−(𝑝𝐻𝑁𝑆𝑂𝐵−𝑝𝐻𝐴𝑆𝑂𝐵) 2

2𝜎 10𝑝𝐻𝑁𝑆𝑂𝐵−𝑝𝐻 (I – 33) C’est ensuite au tour des bactéries sulfo-oxydantes acidophiles d’intervenir. Elles interviennent pour un pH inférieur au pH critique précédemment atteint par les neutrophiles (pHNSOB). Lorsque le pH devient égal au pH critique des acidophiles nommé pHASOB, une production d’acide sulfurique rapide

a lieu. Enfin, lorsque le pH devient inférieur à ce même pH critique (pHASOB), la production d’acide sulfurique chute brutalement. Il y a donc la formation d’un pic (Figure 21). De la même manière que pour les neutrophiles, le taux de production en acide sulfurique est fitté par une fonction lognormal décrite dans l’Equation I – 34.

𝑅𝐻2𝑆𝑂4−𝐴𝑆𝑂𝐵= 𝛼0

𝜎√2𝜋𝑒−(𝑝𝐻−𝑝𝐻𝐴𝑆𝑂𝐵) 2

2𝜎 (I – 34) Les paramètres α0 et σ dépendent du nombre de bactéries mises en jeu et de leurs activités. Ici, les valeurs de ces paramètres ont été obtenues à partir d’expériences réalisées par De Munyck et al. (2009).

Yuan et al. (2015) ont considéré un échantillon à base de CEM I surmonté d’une couche de CaS (3.2), mis au contact de la suspension de SOB. La variation du pH dans la suspension de SOB gouverne le taux de production de l’acide sulfurique (Figure 21). Aux temps courts, le pH augmente légèrement dû à l’alcalinité du béton et au fait que la production d’acide sulfurique est plus faible que sa consommation. Au bout de 8 jours, le pH commence à diminuer et le taux de produ ction de l’acide sulfurique commence à augmenter. Ce dernier augmente très lentement au départ, lors de l’intervention des NSOB. Le taux de production augmente brutalement quand les ASOB interviennent jusqu’à un pH de 1,5, où la production d’acide sulfurique ralentit.

Ainsi, deux méthodes peuvent être utilisées afin de déterminer la quantité d’acide produit par les bactéries sulfo-oxydantes: à partir de la somme de la quantité d’ions sulfates en solution et ceux précipités dans le mortiers (Miokono, 2013), ou à partir du suivi du pH dans le temps (Yuan et al., 2015).

Figure 21 : Evolutions du pH et du taux de production d'acide sulfurique en fonction du temps dans la suspension de SOB proche de la surface cimentaire, extrait de Yuan et al. (2015).