développement. Selon cette approche, certains pays – pourtant inclus dans la liste du CAD –
ne seraient plus éligibles à recevoir l’aide de l’UE. En principe, seront privés d’aide
européenne les PRI de la tranche supérieure et certains grands PRI « qui sont engagés sur la voie
du développement durable et/ou qui ont accès à des ressources nationales ou extérieures importantes pour
financer leurs propres stratégies de développement » (Parlement européen 2011). Le critère d’exclusion
général est le suivant: « les pays partenaires qui comptent pour plus de 1 % du PIB mondial et/ou les pays
à revenu intermédiaire de la tranche supérieure selon la liste des bénéficiaires d'aide publique au développement
(APD) établie par le CAD de l’OCDE ». Toutefois, d’autres critères, « en rapport avec leurs besoins et
leurs capacités, tels que l’indice de développement humain, l’indice de vulnérabilité économique, la dépendance à
l’égard de l’aide ou encore la croissance économique et l’investissement étranger direct
22, sont appliqués »
(Parlement européen 2011). Dans la pratique, cette exclusion concernera 19 pays
23, pourtant
inclus dans la liste du CAD et, par conséquent, éligibles à l’APD.
Cette exclusion interpelle d’autant plus que, si elle est finalement appliquée, elle relèvera d’un
accord entre les États membres de l’UE. Parmi ces derniers, quinze pays sont membres du
CAD. Ainsi, 15 pays donneurs (sur 23) seraient tombés d’accord pour estimer que certains
PRI sont à même de se passer de l’aide européenne. S’ils peuvent se passer de l’APD pourquoi
sont-ils alors inclus dans la liste du CAD ?
Il est pratique courante que les bailleurs de fonds définissent leurs propres critères pour guider
la destination géographique de l’APD qu’ils octroient. Cependant, ces préférences étaient
généralement exprimées dans le cadre posé par la liste du CAD. L’exclusion d’emblée de
certains pays – sous prétexte qu’ils sont capables de financer leurs propres stratégies de
développement – questionne ce cadre. Cette exclusion est basée sur des critères (part du PIB
mondial, dépendance à l’égard de l’aide, etc.) qui vont au-delà du principal critère sous-jacent
22 L’INSEE définit les Investissements directs étrangers (IDE) comme des « investissements qu'une unité institutionnelle résidente d'une économie effectue dans le but d'acquérir un intérêt durable dans une unité institutionnelle résidente d'une autre économie et d'exercer, dans le cadre d'une relation à long terme, une
influence significative sur sa gestion ». Cf. site web de l’Insee
mars 2013).
23 Les pays en question sont : l’Argentine, le Brésil, le Chili, la Chine, la Colombie, le Costa Rica, l’Équateur, le Kazakhstan, l’Inde, l’Indonésie, l’Iran, la Malaisie, les Maldives, le Mexique, le Panama, le Pérou, la Thaïlande, le Venezuela et l’Uruguay (Gavas 2012).
dans la liste du CAD, à savoir le RNB. D’une certaine manière, le choix de ces critères
diversifiés, estimés plus pertinents pour guider la destination de l’APD, reflète les limites de la
liste du CAD. Ainsi, les bailleurs de fonds prennent des initiatives propres pour contrecarrer
les faiblesses d’une liste qui semble basée sur des critères réducteurs. Cet exemple vient
confirmer que la liste du CAD propose un cadre d’action qui n’est plus adapté aux réalités
complexes de ceux que l’on nomme « les pays en développement ».
En somme, les arguments exposés ci-dessus montrent que la liste du CAD s’avère trop
simpliste. Un simple critère de revenu national par habitant ne semble pas le plus adéquat pour
représenter l’actuelle complexité du monde en développement. Fonder la définition de l’APD
– et guider les décisions qui concernent sa destination (et sa composition) – sur la base de ce
critère pose de plus en plus question.
I.4. La finalité de l’APD
L’APD est également définie en fonction de la finalité qu’elle poursuit. En l’occurrence, les
apports de ressources doivent « être dispensés dans le but principalement de faciliter le développement
économique et d’améliorer les conditions de vie dans des pays en voie de développement » (OCDE 2010d :
291).
L’appréciation de cette finalité reste subjective, dans la mesure où elle n’est pas basée sur
l’évaluation des résultats concrets produits par les apports d’aide. D’une manière générale, ce
sont les pays donneurs qui, en déclarant chaque année leur aide auprès du CAD, jugent de la
contribution des ressources qu’ils octroient au développement des pays bénéficiaires. Comme
le soulignent Charnoz et Severino (2007 : 9) « c’est donc sur la base d’un objectif déclaré, et non pas
d’un effet démontré, que les flux d’aide sont comptabilisés ».
Pour parer à cette subjectivité, le CAD effectue régulièrement des clarifications à propos des
dépenses qui peuvent ou non être comptabilisées au titre de l’aide
24. Ces clarifications sont
également nécessaires pour adapter l’agrégat statistique à l’évolution des pratiques de l’aide au
fil du temps. Ainsi, par exemple, pour l’aide militaire : « le financement de matériels ou de services
militaires n’est pas comptabilisable dans l’APD. Les activités de lutte contre le terrorisme en sont également
exclues. Cependant, les dépenses afférentes à l’utilisation des forces armées des donneurs pour acheminer l’aide
humanitaire peuvent être prises en compte »
25. Le CAD est donc en charge d’éclaircir quels types de
dépenses contribueraient au développement, ce qu’il fait sur la base des consensus entre ses
membres. Il ne faut pas oublier que, si l’APD ne représente qu’une façon particulière de
mesurer l’aide, les règles relatives à sa notification ne représentent qu’une façon particulière de
la comptabiliser.
24 À ce jour, le document plus complet est constitué par les Directives pour l'établissement des rapports statistiques du CAD (OCDE 2010a).
25 Site web du CAD : APD : définition et champ couvert. Consultable à l’adresse :