• Aucun résultat trouvé

toute cette diversité dans un seul et unique groupe, qui pourrait se développer grâce à l’aide internationale, relève d’une extrême simplification

I.3.3. Le débat PRI/PFR

Face à cette diversité, les bailleurs de fonds ont tendance à intervenir de manière différenciée,

en fonction du niveau de développement du pays. De manière générale, ils octroient le

financement le plus concessionnel

13

(dons ou subventions) aux pays les pays pauvres, alors

qu’ils préfèrent intervenir sous forme de prêts dans les pays à revenu intermédiaire.

Cependant, cette approche différenciée n’est pas systématique. Par ailleurs, elle n’empêche pas

le fait qu’une partie importante de l’aide bénéficie à des pays à revenu intermédiaire, au

détriment des pays à faible revenu.

Comme le montre le tableau ci-dessous, la répartition de l’aide entre les PFR et les PRI n’a pas

subi de changements majeurs depuis les années 1970. C’est notamment lors de la dernière

décennie (2000-2010) que les bailleurs de fonds ont montré un comportement un peu plus en

accord avec le discours général, selon lequel l’aide doit privilégier les pays où les besoins sont

le plus importants

14

13 Un financement est concessionnel lorsqu’il est assorti des conditions financières favorables par rapport à celles du marché. Nous traiterons dans le détail les conditions financières de l’APD, dans le point I.2.4., ci-après.

.

14 Nous développerons ce point lorsque nous aborderons, dans le chapitre III, les Programmes d’action en faveur des PMA.

Tableau 1 : Répartition de l'aide publique au développement par groupe de revenu 1970-2009

(Versements nets en pourcentage de l'APD totale)

1970-1979 1980-1989 1990-1999 2000-2009

APD aux pays à faible revenu 48,4 50,4 45,8 53,9

APD aux pays les moins avancés 32,2 39,3 34,0 39,2

APD aux pays à revenu intermédiaire 51,6 49,6 54,2 46,1

Source : Nos propres calculs à partir des données du Rapport coopération pour le développement 2011

(OCDE 2012a : 251)

Ainsi, les pays à revenu intermédiaire reçoivent une partie très substantielle de l’aide. Au sein

de ce groupe de pays, les PRI de la tranche supérieure reçoivent une part d’APD qui est restée

à peu près stable depuis 1970. Elle est passée de 9,2 % de l’APD totale pendant la décennie

1970 à 8,1 % pendant la décennie 2000 (OCDE 2012a : 251). Il convient de rappeler que le

RNB par habitant des PRI de la tranche supérieure se situe entre 3 976 et 12 275 dollars (en

2010). Parmi ces pays se trouvent des puissances émergentes majeures comme la Chine ou le

Brésil. À titre de comparaison, le RNB par habitant de la Pologne était, en 2010, de 12 450

dollars et celui de la Hongrie de 12 860 dollars

15

, à quelques centaines de dollars près de celui

de certains pays éligibles à l’APD. Ces exemples illustrent bien la limite d’un seuil purement

économique pour décider des pays éligibles à l’APD.

Qui plus est, certains PRI sont devenus à leur tour pourvoyeurs d’aide vers d’autres pays

moins développés. Bien entendu, puisque ces pays ne sont pas membres du CAD, leur aide

n’est pas comptabilisée au titre de l’APD. Mais leur non appartenance au CAD ne les a pas

privés de devenir des bailleurs de fonds d’une certaine envergure

16

. Tel est le cas d’un certain

nombre de pays à revenu intermédiaire, notamment ceux de la tranche supérieure (comme

l’Afrique du Sud, le Brésil, la Chine, le Mexique, la Turquie et la Thaïlande), mais aussi de

certains pays appartenant à la tranche inférieure (comme l’Inde).

15 Données de la Banque mondiale (méthode Atlas). Consultable à l’adresse :

Ainsi, certains pays bénéficiaires d’APD deviennent eux-mêmes des pays donneurs. Lors des

révisions successives de la liste du CAD, quelques uns de ces pays ont été retirés de la liste en

raison d’une augmentation soutenue de leur niveau de revenu

17

. Toutefois, d’autres, parmi

lesquels des pays aussi puissants que la Chine, sont toujours bénéficiaires de l’APD.

Est-il donc justifié d’adresser l’APD à des pays qui ont suffisamment de ressources pour aider

d’autres pays à leur tour ? Comment expliquer aux contribuables que l’aide – financée

notamment par la récolte de l’impôt – sert en partie à financer des pays qui, comme la Chine,

semblaient être en mesure de racheter la dette du Portugal et de la Grèce pour venir au

secours de l’euro (Guichard 2010) ?

Il existe une abondante littérature qui envisage les pour et les contre d’octroyer de l’aide à des

pays à revenu intermédiaire

18

. Glennie (2011) résume les grandes lignes de ce débat dans les

deux postures suivantes. D’une part, certains postulent que l’aide devrait se concentrer sur la

réduction de la pauvreté dans les pays les plus pauvres. Si les partisans de ce courant

admettent que la pauvreté existe également dans les PRI, ils considèrent que ces pays se

trouvent dans une position suffisamment aisée pour dégager des ressources (propres ou via

l’emprunt à des conditions de marché) à même de lutter contre la pauvreté sur le plan national.

D’autre part, à l’encontre de ces arguments se trouvent ceux qui estiment que l’aide aux PRI

est non seulement légitime mais aussi nécessaire, et cela pour plusieurs raisons. Premièrement,

parce qu’il faut soutenir la réalisation des OMD partout dans le monde en développement.

Deuxièmement, parce que l’éradication de la pauvreté n’est pas le seul propos de l’APD. Dans

ce sens, Alonso (2007) estime que, au-delà de l’éradication de la pauvreté, l’aide aux PRI est

nécessaire pour soutenir leur contribution à la provision de Biens publics mondiaux (BPM)

19

17 Comme ce fut le cas de l’Arabie saoudite, retirée de la liste en 2008. L’historique de la liste des pays bénéficiaires de l’APD peut être consulté à l’adresse :

,

(Consultée en avril 2012)

18 Nous ne traçons ici que les grandes lignes d’une problématique beaucoup plus dense. L’état des lieux peut être consulté dans Alonso (2007), l’un des ouvrages de référence sur cette question.

19 Les biens publics mondiaux ont donné lieu à d’importants travaux notamment du Programme des Nations unies pour le Développement (PNUD), parmi lesquels l’ouvrage de référence le plus souvent cité : Kaul et al.

(1999). Les BPM sont ici définis comme des biens, services ou ressources qui bénéficient à tous, et se caractérisent par la non-rivalité (la consommation d’un bien par un individu n’empêche pas sa consommation par un autre), et la non-exclusion (personne ne peut être exclu de la consommation de ce bien). Quelques exemples sont la couche d’ozone, les vaccins, la qualité de l’air, de l’eau, etc. Dans un monde globalisé, la contribution aux BPM peut être difficilement conçue sans le concours des PRI, spécialement ceux de la tranche supérieure. Pour donner un ordre de grandeur de leur importance dans ce sens, les PRI ont contribué à la hauteur de 41 % des émissions de CO2 mondiales en 2007 (Glennie 2011 : 12).

pour consolider les progrès sociaux et économiques qu’ils ont acquis et pour appuyer le rôle