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Figure 1.1 : Photos illustrant le phénomène d’étiage. A gauche, le Réal Collobrier à Rimbaud à l’été 2011. A droite, la Seine à Paris à l’été 1943.

1.2 Processus hydro-climatiques liés à l’étiage

Le phénomène d’étiage est le résultat de la combinaison de différents processus liés au climat et aux caractéristiques du bassin versant. Connaître ces processus permet de mieux identifier les impacts de l’étiage mais aussi d’évaluer la grande diversité des régimes d’étiage. Il s’agit ainsi de produire une base de connaissance des types de données utiles à l’étude des étiages ainsi que de déterminer des similarités entre bassins versants à l’aide des processus qui contrôlent l’étiage.

Smakhtin (2001) décrit le fonctionnement d’un bassin versant de manière conceptuelle sous la forme d’un ensemble de réservoirs interconnectés. Chacun de ces réservoirs possède trois composantes : recharge, stockage et vidange. La Figure 1.2 illustre cette représentation conceptuelle du cycle de l’eau sur un bassin versant.

Figure 1.2 : Schéma des différents processus hydrologiques et de stockages sur un bassin versant (schéma modifié d’après WMO, 2008).

La recharge de l’ensemble du système est assurée par les précipitations. Une partie de celles-ci retourne à l’atmosphère par évaporation et par transpiration, et le reste se répartit entre ruissellement de surface et infiltration. Le stockage et la vidange sont alors assurés par différentes caractéristiques physiographiques du bassin versant comme la géologie, la présence d’aquifère, … Nous comprenons alors que les processus liés à l’étiage se divisent en deux grandes composantes : une composante liée aux précipitations et plus généralement au climat et une seconde composante liée aux sols et aux aquifères.

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Facteurs climatiques

A partir de cette première interprétation, il apparaît que le premier facteur influant sur les débits et donc sur l’étiage est le climat à travers les variations des précipitations et de l’évapotranspiration. Ainsi, en période d’étiage, le débit du cours d’eau va diminuer à cause d’un manque de précipitations (diminution de la recharge), d’une augmentation de l’évapotranspiration (pertes sur les couches superficielles des sols) ou des deux phénomènes combinés. Le débit du cours d’eau n’est alors assuré que par la vidange progressive des différents réservoirs, sous réserve qu’ils existent et en fonction de leur taux de remplissage. Le débit résultant de ces écoulements est alors appelé débit de base. Il ressort de ces considérations deux types de régime d’étiage associés à la saisonnalité.

 Un étiage lié à un déficit pluviométrique et une évapotranspiration élevée. Ce type d’étiage est très observé dans les milieux arides mais aussi dans des régions plus humides où les températures estivales sont relativement élevées et les précipitations sont faibles. Nous parlerons donc d’étiage estival.

 Un étiage lié aux stockages des précipitations sous forme de neige ou de glace. Ce type d’étiage est observé dans des régions froides et montagnardes. Nous parlerons alors d’étiage hivernal.

Généralement, nous ne constatons qu’une seule saison d’étiage suivant les bassins versants. En effet, dans le cas des cours d’eau influencés par la neige, la fonte des neiges ou de la glace au printemps entretient le débit de ces cours d’eau lors de la saison estivale. Cependant, certains bassins influencés à la fois par la neige en hiver et par de faibles précipitations et de fortes évapotranspirations en été peuvent alors posséder deux saisons annuelles d’étiage.

Cette information sur la saisonnalité et la dépendance spatio-temporelle de l’étiage avec le climat sont des indicateurs importants utilisés pour le regroupement de bassins versants dans l’optique de régionaliser différents indices d’étiage (Laaha et Blöschl, 2006a ; WMO, 2008 ; Van Loon et Van Lanen, 2012).

Comme le climat joue un rôle important sur le phénomène d’étiage, le changement climatique en constitue un facteur particulièrement influent. L’impact du changement

climatique sur la ressource en eau, notamment en période d’étiage, a déjà été abordé par de nombreuses études (Hisdal et al., 2001 ; Drogue et al., 2004 ; Giuntoli et Renard, 2010).

Facteurs liés au bassin versant

Les processus liés au bassin versant ont une grande influence sur l’étiage. En effet, nous remarquons que les propriétés géologiques, pédologiques et le couvert végétal des bassins versants ont un effet sur la recharge et le stockage des réservoirs qui représentent les sols et les aquifères mais aussi sur la vidange de ces réservoirs. Les propriétés de stockage et de capacité de drainage sont ainsi déterminées par la pente, la profondeur des sols, la texture, la géologie ou encore la couverture végétale. Parmi tous ces descripteurs, de nombreuses études ont montré que la géologie tenait un rôle très important et qu’il existait des relations entre elle et le débit d’un cours d’eau, notamment en période d’étiage (Armbruster, 1976 ; Bingham, 1986 ; Aucott et al., 1987 ; Tallaksen, 1989 ; Gustard et al., 1992 ; Vogel et Kroll, 1992 ; Smakhtin, 2001 ; Kroll et al., 2004 ; Tallaksen et Van Lanen, 2004) : une fois que les processus de surface (interception, stockage de surface) ont déterminé le volume d’eau qui s’infiltre, sa vitesse d’infiltration dépend de la perméabilité des sols dont la capacité de drainage détermine la vitesse de recharge du système souterrain et la réponse du bassin versant (WMO, 2008).

Le gradient hydraulique et la conductivité hydraulique déterminent ensuite le temps de stockage ainsi que le débit de base. Ces processus sont lents et permettent le soutien des débits d’étiage. Par exemple, la présence d’aquifère superficiels dans les bassins versants de montagne est une source d’eau lors des périodes sèches.

Outre ces facteurs qui favorisent l’entretien du débit des cours d’eau en l’absence de précipitations, la présence de lacs ou de zones humides permet également le soutien des débits en période d’étiage (Gerasimenko, 1972 ; Gustard, 1989 ; Sakovich, 1990).

Tous ces processus conduisent à une grande variété dans les régimes d’étiage avec généralement de grandes disparités spatiales en fonction des caractéristiques de bassin versant. A tous ces processus d’apports d’eau lors des périodes d’étiage, il faut rajouter les processus de pertes qui proviennent tout d’abord de l’évapotranspiration des couches superficielles (climat et couvert végétal) mais aussi le phénomène de drainage des cours d’eau par la nappe lorsque le niveau de celle-ci est assez bas pour le permettre. Dans certains cas, la

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géologie d’un bassin versant peut jouer un rôle encore plus complexe en permettant un apport ou une perte suivant la période considérée et les zones. C’est notamment le cas des systèmes karstiques dont la complexité est grande et qui ne seront pas étudiés dans la thèse.

Facteurs liés aux activités anthropiques (hors changement climatique)

Le phénomène d’étiage peut aussi être influencé par des activités humaines : les prélèvements d’eau, les rejets d’eau, la création de réservoir et le changement de l’occupation du sol.

Les prélèvements d’eau sont principalement liés à la production d’eau potable, aux activités industrielles et agricoles, en particulier à l’irrigation. Cela entraîne une baisse du niveau des cours d’eau, en particulier lors de périodes sèches (Eheart et Tornil, 1999 ; Ngigi

et al., 2008). L’eau peut aussi être prélevée dans la nappe mais lorsque ces prélèvements sont

trop proches de la rivière ils tendent à avoir un impact sur la diminution de son niveau (Clausen et al., 1994 ; Van Lanen et Weerd, 1994 ; Tallaksen et Van Lanen, 2004).

Les rejets d’eau dans les cours d’eau sont principalement constitués des rejets des industries et des rejets en sortie des stations d’épurations. En période d’étiage, ces rejets peuvent augmenter la pollution des cours d’eau en plus d’en augmenter les débits, les débits rejetés étant parfois supérieurs à ceux naturels (Maurice, 2009 ; Despriée et al., 2011).

Les débits des cours d’eau sont aussi très influencés par la création de réservoirs et d’ouvrages hydrauliques dont les objectifs varient : hydroélectricité, alimentation en eau potable, tourisme, … Suivant l’utilisation et l’activité, ces ouvrages sont susceptibles d’avoir des impacts importants sur les débits des cours d’eau, en accentuant la sévérité de l’étiage ou en apportant un soutien au débit des cours d’eau.

Un dernier facteur rentre dans cette catégorie. Il s’agit de l’occupation du sol dont les impacts sur les cours d’eau sont indirectement associés aux activités humaines d’urbanisations, de déforestations et de reforestations. Par exemple, la reforestation entraîne une augmentation de l’évapotranspiration ainsi qu’une diminution de l’eau souterraine qui est consommée par les plantes. Ces deux facteurs ont pour conséquence d’augmenter la sévérité de l’étiage (Robinson et Cosandey, 2002). L’impact quantitatif reste cependant souvent très localisé et assez controversé, tout comme l’impact de l’urbanisation (Salavati, 2015).