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Pour dévoiler la vérité sur de graves violations du droit international des droits de l’homme et du droit humanitaire international, les enquêtes sur les droits de l’homme doivent adopter une approche systématique. Une approche méthodologique permettra de s’assurer que l’enquête est exhaustive, professionnelle et à même de résister à l’épreuve d’un examen rigoureux, mené en particulier par ceux qui sont présumés avoir commis les violations.

Tout au long de l’enquête, la protection des victimes, des témoins, des sources et des autres personnes avec lesquelles l’équipe de l’enquête entre en contact est fondamentale.

PROCESSUS D’ENQUÊTE

Note : Après l’évaluation et l’analyse des informations réunies (étape 7), il peut s’avérer nécessaire de revoir les plans d’enquête (étape 2) et de collecter et d’enregistrer des informations supplémentaires (étape 4) grâce à diverses méthodes.

1. MANDAT, INTERPRÉTATION ET ELABORATION DES TERMES DE REFERENCE

Comme indiqué précédemment, les mandats ont fréquemment recours à des termes généraux pour décrire l’établissement des faits, l’investigation faisant suite à des allégations et la collecte des informations sur les violations du droit international des droits de l’homme et du droit humanitaire international. Dans la plupart des cas, les commissions/missions devront interpréter le mandant avant de commencer à le mettre en œuvre. L’interprétation du mandat dans des termes simples et sans ambiguïté est la clé du succès et de la crédibilité des enquêtes. Ce double objectif est généralement atteint grâce à l’adoption par la commission/

mission des termes de référence (voir sect. F, Termes de référence). La commission/mission devra déterminer :

• La compétence territoriale (ratione loci) – Couvre-t-il l’ensemble du pays ou seulement des régions du pays ? Couvre-t-il d’autres pays ?

• La compétence temporelle (ratione temporis) – Quelle période est-elle couverte par le mandat ? Comment la commission/mission appréhendera-t-elle les événements historiques ?

• La compétence matérielle (ratione materiae) – Quelles questions sont-elles couvertes par le mandat ? Accordera-t-il la priorité à certaines violations et quels critères seront appliqués ?

• Les personnes (ratione personae) – Quelles actions feront l’objet d’une enquête ? Quelles sont les entités ou personnes qui intéressent l’enquête ?

2. RECUEILLIR LES INFORMATIONS DE BASE

La première tâche consistera à rassembler les informations pertinentes sur le contexte dans lequel les incidents ou événements sous enquête se sont produits : histoire, gouvernement et structures politiques, partis politiques, système judiciaire, questions économiques, constitution et lois, structures des forces de sécurité et de la police, groupes ethniques, culture et religion, place des femmes dans la société et informations sur les acteurs influents, y compris les gouvernements étrangers. il sera également important de rassembler des informations préliminaires sur les événements pertinents qui se sont produits dans le pays et d’établir leur chronologie. Les informations de base permettront de parvenir à une meilleure compréhension du pays, d’élaborer plus facilement les plans d’enquête et d’affiner la méthodologie d’investigation, en prenant en considération les questions culturelles, sociales et religieuses, ainsi que la situation du pays en matière de sécurité.

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3. EXAMEN DES INFORMATIONS DE SOURCES OUVERTES ET DES RAPPORTS INTERNES

Les informations de sources ouvertes, telles que les journaux et autres publications, les agences de presse, les chaînes de télévision, les sites Web, les rapports des ONG, les rapports gouvernementaux, les réseaux sociaux et les rapports des Nations Unies sont extrêmement précieuses lors de la collecte des informations de base. Les informations de sources ouvertes peuvent également être explorées afin d’y puiser des renseignements pertinents pour le mandat de la commission/mission, ce qui contribuera à identifier les principaux incidents, facilitera la définition des priorités des enquêtes, fournira des pistes aux enquêteurs et identifiera les sources.

Les rapports internes des Nations Unies, notamment l’analyse de la situation qui prévaut dans le domaine des droits de l’homme, peuvent fournir de précieuses indications sur les violations et les parties susceptibles d’être impliquées, et suggèrent des pistes que la commission/mission peut explorer dans ses propres investigations.

4. IDENTIFICATION DES QUESTIONS À EXAMINER ET DES CRITERES D’ETABLISSEMENT DES PRIORITES

Mis à part les quelques cas dans lesquels des commissions/missions ont été créées pour enquêter sur un ou plusieurs incidents pré-identifiés, les commissions/missions sont tenues de hiérarchiser les questions et les incidents sur lesquels elles vont enquêter en se référant aux termes généraux de leur mandat, afin de s’assurer qu’elles s’acquitteront de leurs tâches dans les limites dont elles disposent en termes de ressources et de délai. La commission/mission devra adopter des critères d’établissement des priorités, qui peuvent inclure :

• La situation géographique (afin de s’assurer, par exemple, que les différentes régions du pays sont couvertes, ou seulement certaines de ces régions) ;

• La gravité des violations (afin de se focaliser uniquement, par exemple, sur les graves violations) ;

• Les types de violations (par exemple, les actes de torture, les meurtres, les déplacements forcés, les violences sexuelles, les destructions de logements) ;

• Les discriminations (afin de cibler, par exemple, des groupes spécifiques) ;

• Les auteurs (afin de se focaliser, par exemple, sur des auteurs spécifiques, tels que les forces de sécurité gouvernementales, les groupes armés) ;

• La valeur illustrative de l’incident face aux schémas de violations ; et

• L’accès à l’information.

Les informations de base ainsi que l’examen des informations de sources ouvertes faciliteront la définition des critères d’établissements des priorités ainsi que des questions, lieux, incidents et auteurs qui feront l’objet des enquêtes.

Pour définir les priorités, les éléments suivants doivent être pris en considération : a) Mandat ;

b) Temps et ressources disponibles pour mener les enquêtes ; c) Zone géographique à couvrir ;

d) Accès aux victimes, témoins et sources, et lieux où ils se trouvent ; e) Protection des victimes, témoins et sources ;

f) Accès aux sites des violations ;

g) Attentes des citoyens du pays concerné et de la communauté internationale ; h) Disponibilité des experts qui vont conduire les enquêtes spécialisées.

5. PLANS D’INVESTIGATION

Le plan d’investigation identifie les questions à examiner, la méthodologie de collecte des informations et les missions sur le terrain à réaliser (le cas échéant), et définit quelles seront les personnes qui s’acquitteront des différentes tâches. En somme, le plan d’investigation définit ce qui doit être fait, qui doit s’en charger et comment procéder. Les plans d’investigations doivent :

• Clairement identifier quelles violations (droit international des droits de l’homme et/ou droit humanitaire international) devront faire l’objet d’une enquête sur la base d’une interprétation du mandat de la commission/mission et des termes de référence convenus ;

• identifier quelles informations sont déjà connues sur les événements faisant l’objet de l’enquête et quelles informations doivent encore être réunies ;

• identifier les responsables – les entités (étatiques ou non étatiques) ou/et les personnes – faisant l’objet de l’enquête ;

• identifier les sources potentielles d’information (par exemple, les témoins et les victimes) ;

• Définir la méthodologie de collecte des informations (par exemple, entretiens face-à-face, documents) ;

• Définir qui collectera les informations ;

• Établir les mesures qui seront prises pour protéger les victimes, les témoins potentiels et les sources et examiner toutes les autres considérations de sécurité pertinentes ;

• Passer en revue les missions sur le terrain qui seront réalisées (où, quand, qui ?) ainsi que les ressources et équipements nécessaires.

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Dès le départ, les plans d’investigation doivent pleinement intégrer les questions de genre, de l’analyse des violations à examiner et de l’identification des sources d’information appropriées, à la définition de la méthodologie, notamment grâce à l’anticipation des préoccupations et des mesures de protection propres à chaque sexe permettant de les prendre en compte.