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4. Etat écologique des communautés

1.4. Processus de recolonisation des écosystèmes impactés

La réponse de la perturbation de la macrofaune benthique a été souvent utilisée comme indicateur de l'impact des opérations de dragage et clapage (Boyd et al., 2003 ; Bolam et al., 2006b ; Hermand, 2008).

Les réponses écologiques du benthos à des opérations de clapages dépendent de nombreux facteurs comme le volume et la fréquence auxquels les dépôts sont réalisés, de la similarité ou non de la granulométrie entre le site dragué et le site récepteur, la teneur en matière organique, le degré de contamination, et surtout de la nature de l'habitat de réception (état plus ou moins stable des communautés benthiques) (Bolam et Ress, 2003 ; Bolam et al., 2006a).

1.4.1. Dynamique de recolonisation

De manière générale, à la suite d'une perturbation au sein d'un écosystème, une dynamique de recolonisation de la macrofaune va avoir lieu. Celle-ci a d'ailleurs été mise en évidence à partir de différentes études en mer Méditerranée dans la baie de Blanes (Sardá et al., 2000) et en mer du Nord (Boyd et al., 2005).

En général, lorsque les communautés benthiques sont perturbées, les écosystèmes montrent une réduction de leur diversité spécifique, de leur abondance et de leur biomasse (Newell et al., 1998 ; 1999). Puis, lorsque les apports de matière diminuent, l'installation d'espèces

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stade est appelé "stade I" et fait référence aux espèces à "stratégie r" qui utilisent l’essentiel de leur énergie dans la reproduction, et possèdent ainsi un fort taux de croissance. Ces organismes présentent donc un taux élevé de fécondité et un cycle de vie très court (polychètes Capitellidae, Spionidae). La recolonisation se fait généralement par l'intermédiaire de larves ou d'adultes en provenance des zones environnantes. Ces espèces sont caractérisées par une faible taille mais, comme elles sont abondantes, il existe une augmentation de la biomasse et de la richesse spécifique durant les premiers stades de recolonisation (Figure V.2). De plus, ces espèces pionnières jouent un rôle dans la réoxygénation des sédiments superficiels. En effet, de part leur activité de bioturbation, elles participent au transport des composés dissous à l'interface eau-sédiment.

Par la suite, ces organismes benthiques sont remplacés par des organismes de stade II, individus de plus grandes tailles et de cycle de vie plus long. Ces assemblages sont plus divers mais moins abondants, ils incluent des amphipodes et des petits bivalves qui n'ont pas besoin de pénétrer profondément dans le sédiment. Cette seconde étape met en évidence une réduction de la biomasse de la communauté benthique qui peut perdurer pendant plusieurs années, bien que les clapages aient cessé. Enfin, le stade III fait référence à un état d'équilibre au sein de l'écosystème ; il comprend des assemblages dominés par des individus de grande taille et à cycle de vie long. Ce sont des organismes comme les polychètes (Maldanidae, Nephtyidae) et les échinodermes (Figure V.2). La durée des différents stades est très variable, de quelques mois à quelques années. Ces exemples de recolonisation de la macrofaune sont détaillés dans la section suivante.

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Figure V.2. Evolution et différents stades de recolonisation de la macrofaune benthique suite à des perturbations environnementales (cas des activités de clapages) (Basé à partir des travaux de Pearson et

Rosenberg, 1978 ; Rhoads, 1978, tiré de Newell et al., 1998)

1.4.2. Vitesse de récupération

Les temps de récupération des écosystèmes après des travaux de clapages peuvent être très variables d'un écosystème à l'autre, ils varient de quelques mois (Clark and Miller-Way, 1992 ; Diaz, 1994 ; Smith et Rule, 2001) à plusieurs années (Olivier et al, 1977 ; Harvey et al, 1998). La durée de récupération de l'écosystème va surtout dépendre de l'intensité à laquelle le site a été exploité. Dans le cas de clapages assez courts et avec de faibles volumes concernés, le temps de restauration peut être de seulement quelques semaines à quelques mois. Dans le cas d'une perturbation intense (important volume de sédiments clapés, haute fréquence de rejets...) (Bolam et Rees, 2003), sa restauration sera plus longue, de l'ordre de plusieurs années (1 à 5 ans).

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Les écosystèmes présentant des paramètres physiques constants et par conséquent une certaine stabilité (habitats profonds, euhalins) abritent généralement un large nombre d'espèces biologiquement stables. A l'inverse, les écosystèmes présentant une variabilité importante des paramètres physiques supportent relativement moins d'espèces avec d'importantes variations dans le nombre d'individus. Par conséquent, les communautés des environnements variables et aux fortes contraintes physiques (estuaires, habitats peu profonds) sont moins complexes mais se rétablissent plus rapidement à la suite d'une perturbation que les communautés des zones plus stables (habitats profonds, euhalins...). La récupération d’un écosystème côtier ou polyhalin suite à un dépôt de sédiment est comprise entre 1 à 5 ans (Tableau V.1). Les résultats de ces différentes études (Tableau V.1) sont résumés ci-dessous afin de mettre en relation le temps de récupération d'un milieu perturbé en fonction de la complexité de son état initial.

Tableau V.1. Temps de récupération de la communauté benthique suite à des dépôts de matériel de dragages sur des sites présentant des caractéristiques différentes.

Temps de récupération

Caractéristiques de

l’habitat Site Référence

3 mois Peu profond (6 m),

euhalin Port de Coff, Australia Smith et Rule, 2001 Un an après, largement restauré Peu profond (5 m), sableux, euhalin Torsminde, Norderney, Terschelling, De hann, Mer du Nord Essink (1997)

> 2 ans Sables fins, 55 m de profondeur, euhalin

Anse à Beaufils, baie

des Chaleurs, Canada Harvey et al. (1998)

1-4 ans 24 m de profondeur,

faible hydrodynamisme

Monterey Bay,

Californie, USA Oliver et al. (1977) >10 mois (car loin

d'être restauré) 30 m de profondeur, sédiment stable Columbia River, Oregon, USA Richardson et al. (1977) 1- 3 mois 3 m de profondeur,

fond vaseux, polyhalin Chesapeake, USA Diaz (1994)

6 mois Estuaire North Edisto River,

Sud Caroline, USA Van Dolah et al. (1984)

Dans un environnement variable du fait des changements importants de certains paramètres comme la salinité et l'hydrodynamisme (vagues, courants de marée), les espèces présentes appartiennent généralement au stade I ou II.

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l’asphyxie de nombreuses espèces benthiques, exceptés certains amphipodes (Ampeliscidae et Melititae). Durant les premiers stades de recouvrement de la faune (15 jours après le dépôt), l’assemblage benthique est caractérisé par une diminution de la densité des espèces les moins opportunistes (Nephtyidae et Opheliidae) et par une augmentation de la densité des espèces opportunistes (Spionidae, Capitellidae, Cirratulidae). Un an après, les densités des espèces opportunistes sont significativement plus importantes dans le l'écosystème impacté que sur la zone témoin. L'assemblage des espèces dans son ensemble est représentatif d'un premier stade de récupération. Comme beaucoup d’espèces présentes sur ce site ne sont pas opportunistes et possèdent de faibles taux de croissance, une durée de deux ans au minimum est prédite pour que la structure de la communauté macrobenthique soit similaire aux sites non perturbés. De la même façon, Richardson et al. (1977) ont étudié le recouvrement d'une zone impactée par un dépôt de 460 000 m3 de sédiment formant un monticule de 750 m de rayon et de 1,5 m de haut (Tableau V.1). La zone au départ présente une communauté diversifiée liée à un sédiment stable. Les auteurs ont montré une diminution drastique de l'abondance et du nombre d'espèces due à l'ensevelissement des individus. Après 2, 5 et 8 mois, la récupération de la communauté macrobenthique se fait lentement. A la fin du suivi (10 mois après la fin des clapages), la zone est loin d'être revenue à son état initial.

L'étude de Olivier et al. (1977) permet de mieux comprendre comment les facteurs physiques affectent la résilience des communautés benthiques. Ils ont étudié la résilience des communautés le long d'un transect de perturbations physiques (action des vagues) dans la baie de Monterey, en Californie. Les auteurs ont choisi trois stations (24, 18 et 9 m de profondeur) le long de ce transect. La complexité de la communauté se réduit avec la diminution de la profondeur et l'augmentation de l'hydrodynamisme. A la station à 24 m de profondeur, la communauté est dominée par des polychètes et réduite en crustacés, ces derniers étant davantage présents dans les stations moins profondes (station à -9 m) où l'action des vagues est plus importante pour ces espèces mobiles. Ils ont constaté que les communautés dans les environnements très variables sont plus résistantes, tandis que celles dans les zones plus profondes sont moins résistantes et que la récupération du site peut prendre jusqu'à 4 ans.

Ainsi, la résilience des communautés est inversement corrélée avec la complexité de la communauté et directement liée à la variabilité physique de l'environnement.

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3,6 m de profondeur avec une gamme de salinité de 0-5). Le stress physique présent dans cette zone engendre la présence d'une communauté de macrofaune faiblement abondante et la présence de sédiments vaseux instables. Ils ont montré que les espèces qui colonisent la zone impactée sont les mêmes qu'avant les rejets et que seulement un mois après, la zone a retrouvé son état initial. Ils concluent à une absence de succession de stades de recolonisation de la zone, étant donné que les espèces initialement présentes étaient déjà des espèces opportunistes. De même, la récupération des espèces benthiques après le dépôt de 28 475 m3 de sédiment a été étudiée par Van Dolah et al. (1984) au sein d'un estuaire (North Edisto River, Caroline, USA). Ils ont montré que seulement 6 mois après la fin des clapages, la communauté était similaire à celle de l'état initial et que la récupération de la zone s'est faite par des espèces déjà présentes sur le site et donc qu'aucune succession de stades de recolonisation n'a été observée.

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