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3.1 Méthodes de Monte Carlo

3.2.2 Processus de couche limite convective

3.2.2.1 De la convection à la conduction : le spectre de la turbulence

Des grands tourbillons à l’agitation moléculaire Lorsqu’une parcelle reçoit plus de flux de chaleur que ses voisines, elle acquiert une flottabilité positive (elle est moins dense que son environnement). Cette flottabilité lui permet de s’élever : son énergie thermique est convertie en énergie cinétique et potentielle. L’air dans la couche mélangée étant plus

froid que l’air contenu dans la parcelle qui s’élève, celle-ci conserve sa flottabilité et continue de s’élever, et ce jusqu’à ce que la température potentielle de l’air environnant dépasse sa propre température potentielle (par exemple autour de 1.2 km sur le profil ARMCu de la Figure3.2). Comme l’air devenu plus froid que son environnement redescend, des structures en forme de grands tourbillons se forment dans l’atmosphère. Ce mécanisme porte le nom de

convection ; le même processus est observé lorsque de l’eau est chauffée dans une casserole,

ou lorsque l’on chauffe l’air d’une pièce avec un convecteur. Ce transport d’air chaud et humide par convection est qualifié de transport non-local car les parcelles se déplacent loin de leur milieu d’origine. La convection permet de lutter contre la déstabilisation de la couche limite par les flux de surface, en homogénéisant l’air et en distribuant l’énergie délivrée par la surface aux couches supérieures de l’atmosphère. La convection n’est pas le seul processus par lequel les masses d’air instables tendent à se stabiliser et à s’homogénéiser. Elle se trouve en réalité à l’extrême d’un spectre, à l’autre bout duquel se trouve la diffusion moléculaire (ou conduction), par laquelle l’énergie thermique est transportée de proche en proche dans le milieu. Le transport d’énergie par la diffusion est qualifié de local, il est moins efficace que le transport par convection dans l’atmosphère car l’air conduit mal la chaleur (il est un bon isolant thermique). Entre ces deux extrêmes —les grands mouvements convectifs d’un côté et les microscopiques mouvements moléculaires de l’autre— se trouve la zone inertielle de la turbulence.

La théorie de la turbulence La turbulence est un type d’écoulement, à l’opposé des écoulements laminaires. Elle est générée par des instabilités dynamiques (gradient de vent par exemple créé par un obstacle dans le fluide) ou thermiques (gradient de température). Elle est constituée de tourbillons qui ont la propriété d’être autosimilaires. Chaque tourbillon se divise en deux tourbillons plus petits, qui à leur tour se divisent en deux, et ainsi de suite jusqu’à l’échelle où ils se dissipent, appelée échelle de dissipation visqueuse de Kolmogorov. D’après la loi de Kolmogorov, l’énergie des grands tourbillons est ainsi transférée en cascade aux tourbillons plus petits. L’énergie de tous les tourbillons est partiellement dissipée en chaleur par frottement dans les fluides visqueux, mais cette dissipation est négligeable dans la zone inertielle. La borne inférieure de la zone inertielle est justement définie par l’échelle de dissipation, qui dépend de la viscosité du fluide et du taux de dissipation, lui même dépen- dant de l’énergie injectée dans la cascade par les plus grands tourbillons. La turbulence est un moyen de transport très efficace qui contribue grandement au mélange de la masse d’air constituant la couche limite atmosphérique. Là où la géométrie des plus grands tourbil- lons dépend des caractéristiques du fluide, la turbulence de plus petite échelle est souvent considérée isotrope et homogène. Elle est dite dissipative car l’énergie cinétique des grands tourbillons finit par être dissipée en chaleur par les plus petits tourbillons. Un transfert d’énergie existe également des petits tourbillons vers les grands : les perturbations aux pe- tites échelles sont amplifiées et transférées aux grandes échelles. Ce phénomène se traduit en particulier par une sensibilité de l’évolution des fluides turbulents à leurs conditions initiales. Ecoulements turbulents et systèmes chaotiques En sciences de l’atmosphère, Lorenz est le premier à mettre cette sensibilité en évidence [Lorenz,1963]. Elle est connue sous le nom d’effet papillon, d’après le titre d’une présentation de Lorenz lors d’une conférence en 1972 “Does the flap of a butterfly’s wings in Brazil set off a tornado in Texas?”. Les flux tur- bulents sont par définition chaotiques : malgré leur caractère déterministe (ils sont régis par les équations de Navier-Stokes), l’incertitude liée à leur état à un instant donné (car cet état n’est pas connu avec une précision infinie) empêche de prévoir leur évolution au-delà d’une certaine précision. Cette précision se détériore à mesure que le système évolue : les trajectoires réelle et prévue de l’état du fluide divergent car les perturbations initiales s’amplifient. Ces systèmes déterministes complexes, qualifiés de chaotiques (comme l’atmosphère mais égale- ment de nombreux autres systèmes en biologie, astrophysique, chimie, économie, topologie

etc.) apparaissent donc comme imprévisibles et aléatoires. Plutôt que de modéliser leurs détails, on se restreint généralement à une description statistique de leur état, par le biais par exemple de la distribution fréquentielle d’énergie cinétique turbulente.

3.2.2.2 Nuages de couche limite convective

Formation Les courants d’air ascendant dans les rouleaux convectifs sont appelés des ther-

miques. Si l’humidité relative est suffisamment élevée au sommet de la couche limite, la vapeur

d’eau transportée depuis la surface par la convection et la turbulence se condense et des nu- ages de type cumulus ou stratocumulus se forment. La condensation relâche de la chaleur latente ce qui peut nourrir la turbulence et agir comme un second moteur pour la convec- tion. Les stratocumulus sont surmontés d’une couche d’air sec très stable qui les empêche de s’étendre verticalement et force l’eau condensée à s’étendre horizontalement. Ils sont donc caractérisés par une grande couverture nuageuse, une forte sensibilité au cycle diurne (ils s’épaississent la nuit par refroidissement radiatif à leur sommet) et ils peuvent être découplés de la surface car ils empêchent le rayonnement solaire de l’atteindre ce qui inhibe la convec- tion. Ce n’est pas le cas des cumulus, principaux nuages étudiés dans cette thèse. Ceux-ci présentent une couverture nuageuse plus faible car l’air à leur sommet est moins stable. Ils sont majoritairement contrôlés par la convection et matérialisent le sommet des thermiques. Les caractéristiques de populations de cumulus simulés numériquement seront analysées au Chapitre 5.

Mélange par entrainement turbulent Un processus important pour ces deux types de nuages est l’entrainement. L’air environnant est aspiré à l’intérieur du nuage (et dans la partie non condensée des thermiques), ce qui a pour effet d’assécher l’air aux bords (sommets et côtés) des nuages, dont la flottabilité diminue alors. Les coeurs des nuages sont moins exposés à l’environnement, ils sont donc moins affectés par l’entrainement latéral et conservent une vitesse verticale importante qui permet au nuage de se développer verticalement. Si l’air aux bords des nuages est suffisamment mélangé, l’eau qu’il contient peut s’évaporer et le nuage s’érode (on parle alors de détrainement). Les nuages participent ainsi au transport d’énergie dans la couche limite, en distribuant une partie de leur humidité à différents niveaux d’altitude [Siebesma et collab.,1998].

Evaporation des précipitations Un autre biais par lequel les nuages participent au transport de l’énergie dans la couche limite est la formation de précipitation. Lorsque les gouttelettes nuageuses sont suffisamment volumineuses (elles grossissent par des processus de condensation et de collision-coalescence), leur propre masse s’oppose au mouvement ascen- dant de l’air et elles commencent à tomber. La taille des gouttes dans les nuages de couche limite est en général trop faible pour produire des précipitations qui atteignent la surface (ou alors, sous forme de bruine). Les petites gouttes précipitées peuvent s’évaporer lorsqu’elles traversent la couche d’air non saturée sous les nuages, ce qui a tendance à refroidir l’air car l’évaporation consomme de la chaleur latente. Durant la campagne de mesure dont est issu le cas RICO (voir Chapitre 5), les cumulus étaient assez souvent associés à des précipita- tions qui s’évaporaient et formaient des colonnes d’air froid descendant, appelés courants de densité ou poches froides, qui induisaient une organisation méso échelle des nuages (voir par exemple la Figure 6 de Rauber et collab.[2007]). Les poches froides forment des structures spatialement cohérentes caractérisées par une anomalie négative de température lorsqu’elles s’étalent en surface. Elles sont également à l’origine de fronts de rafale (leur vitesse verticale est convertie en vitesse horizontale à la surface) qui amplifient le soulèvement des couches d’air chaud en surface, participant ainsi à l’entretien de la turbulence et la convection.