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3.1 Méthodes de Monte Carlo

4.1.2 Flux direct et diffus

4.1.2.1 Motivations

En plus du flux solaire total, la proportion de flux direct arrivant en surface est une quantité cruciale pour de nombreux systèmes : les concentrateurs solaires et panneaux photovoltaïques y sont particulièrement sensibles ; les flux diffus sont favorables au processus de photosynthèse tandis que les flux directs sont néfastes pour la végétation ; le confort thermique, en particulier des habitants de zones urbaines, en dépend également. Pour estimer la proportion de flux direct par Monte Carlo comme nous proposons de le faire dans les chapitres 6 et 7, il faut commencer par définir cette quantité. La définition la plus simple serait de considérer que tous les chemins non diffusés et non réfléchis contribuent au flux direct. Pourtant, cette définition peut ne pas être adaptée pour une quantité d’intérêt donnée.

4.1.2.2 Problématiques

En effet, si l’on compare des calculs produits par Monte Carlo à des observations dans le but par exemple d’inférer l’état de l’atmosphère au moment de la mesure, il est nécessaire d’adapter l’algorithme de Monte Carlo afin de reproduire la mesure de manière la plus précise possible. Par exemple, un instrument de type pyrhéliomètre mesure le flux solaire direct comme le flux solaire incident dans un angle solide donné autour de la direction du soleil. Ainsi, l’algorithme de Monte Carlo approprié pour une telle comparaison ne discrimine pas les chemins selon leur ordre de diffusion mais selon leur angle d’incidence lors de leur intersection avec le capteur virtuel. Dans la section 4.2.5.1, des estimations du flux direct en surface réalisées par Monte Carlo seront comparées à des résultats obtenus par un modèle de type deux flux. Évaluer la capacité d’un tel modèle à estimer la proportion de flux solaire direct en surface sous une atmosphère nuageuse nécessite également de déterminer l’algorithme de Monte Carlo adapté à la définition du flux direct telle que représentée dans le modèle approché de transfert radiatif.

4.1.2.3 Approximation de delta-Eddington

Comme brièvement exposé plus loin, en section4.2.5.1, afin de corriger la trop grande réflec- tivité effective des nuages inhérente à la discrétisation angulaire des fonctions de phases anisotropes en deux uniques directions, les modèles à deux flux implémentent la plupart du temps une correction dite delta-scaling. Dans cette méthode, la fonction de phase est rem- placée par une somme de deux termes : i/ une distribution de Dirac dans la direction avant, ii/ une expansion harmonique ou de Legendre à deux termes de la fonction de phase d’origine :

Pδ−Edd(cos θ) = 2fδ(1 − cos θ) + (1 − f)(1 + 3g0cos θ)

où θ est l’angle de diffusion, f est la fraction d’énergie diffusée dans la direction avant et g0 est le coefficient d’asymétrie de la fonction de phase tronquée,choisi tel que le moment d’ordre un de la fonction de phase est conservé. Le coefficient de diffusion ks est également modifié,

de telle sorte que la luminance moyennée sur les angles azimutaux soit conservée :

k0s= ks×(1 − f)

g0 = g − f

1 − f

Classiquement, f est choisi tel que le moment d’ordre deux de la fonction de phase est également conservé [van de Hulst, 1968], soit f = g × g lorsque la fonction de phase de Henyey-Greenstein est utilisée. Cela correspond à l’approximation dite de delta-Eddington [Joseph et collab.,1976]. Avec f = g, on obtient g0 = 0, ce qui correspond à une fonction de phase isotrope, conformément à l’approximation de transport [Davison,1957]. L’effet de ces transformations est de supprimer artificiellement une partie des diffusions avant, augmentant le flux direct (non diffus) en conséquence. Le partitionnement des flux totaux en leurs com- posantes directes et diffuses ne correspond alors plus à la définition de base qui discrimine les chemins selon leur ordre de diffusion.

4.1.2.4 Correction du scaling pour les flux directs

Si Joseph et collab.[1976] présentent ce biais comme un potentiel avantage pour comparer des calculs à des observations, la Figure 4.3 montre, en intégrant l’énergie diffusée dans un angle solide avant d’ouverture donnée (c’est à dire, en calculant f explicitement), que le rayon d’ouverture de l’angle solide de diffusion avant correspondant à f = g × g vaut environ 25o. Par l’approximation de delta-Eddington, l’énergie qui aurait été diffusée dans cet angle

solide est diffusée dans la direction θ = 0o, et contribue au flux direct. Pour que cette

quantification du flux direct soit équivalente à une mesure, il faudrait que l’instrument ait un angle d’ouverture d’environ 50o. Les pyrhéliomètres utilisés de nos jours ont plutôt une

ouverture de l’ordre de 5o, soit un demi-angle autour de 2.5o. La Figure 4.3 montre que le

facteur f adapté pour comparer un calcul deux-flux approché par delta-Eddington avec une mesure effectuée par un pyrhéliomètre est de l’ordre de f = 0.6 × g × g lorsque g ≈ 0.86. 4.1.2.5 Illustration

La Figure4.4 montre différentes courbes représentant la proportion de flux direct en surface en fonction de l’angle solaire zénithal, obtenues par différents algorithmes de Monte Carlo. Les directions diffusées sont échantillonnées lors d’une interaction avec une gouttelette d’eau, à partir de la fonction de phase de Mie tabulée pour les simulations légendées Mie, Mie instrument et Mie cut 2.5o, tandis qu’une fonction de phase de Henyey-Greenstein est utilisée pour les simulations légendées HG, HG instrument, δ-Edd scaled HG, f=g,

δ-Edd scaled HG, f=g×get δ-Edd scaled HG, f=0.6×g×g. L’approximation de delta-

Eddington est implémentée dans un algorithme à collisions nulles : lorsqu’une collision est échantillonnée, le rapport de mélange en eau liquide est lu dans le champ 3D LES d’origine. Le coefficient de diffusion nuageux ks,c est calculé en fonction du rapport de mélange et des

propriétés de Mie interpolées à la longueur d’onde du chemin. Une routine est exécutée pour appliquer la transformation de ks,c, g en k0s,c, g0. Le facteur f peut valoir g, g2 ou 0.6 × g2

en fonction de la configuration de la simulation. Le coefficient d’absorption ka,c ainsi que les

propriétés optiques des gaz ka,g, ks,g ne sont jamais modifiées. La nature de la collision (nulle

ou vraie), l’espèce responsable de la collision (gaz ou nuage) et le type de collision (diffusion ou absorption) sont testés à partir du coefficient de diffusion nuageux transformé, k0

s,c. Si

une vraie diffusion nuageuse est échantillonnée, alors la direction diffusée est échantillonnée à partir de l’inverse de la cumulée de la fonction de phase de Henyey-Greenstein de paramètre

g0.

Différentes définitions du flux direct sont implémentées dans les différents algorithmes de Monte Carlo utilisés :

0.0 2.5 5.0 10.0 15.0 20.0 25.0 30.0

Half opening angle Ω [

o

]

0.0 0.2 0.4 0.6 0.8 1.0

F

raction

of

energy

f

Fraction of energy scattered in Ω

λ =325nm, g=0.868

λ =875nm, g=0.860

0.60 1.00

Correction

factor

β

,with

f

=

β

g

2

Figure 4.3 – Proportion de l’énergie diffusée par la fonction de phase de Mie, pour deux longueurs d’onde du spectre solaire, dans un angle solide avant de demi ouverture Ω, en fonction de Ω. L’axe gauche donne cette proportion f et l’axe droit donne le facteur β tel que la proportion f vaut β × g2 pour g=0.86. Ce calcul a été réalisé à partir des données de Mie calculées au préalable et utilisées dans tous les calculs de transfert radiatif de cette thèse. Les données de Mie en question sont intégrées sur une distribution de taille de goutte lognormale de rayon effectif 10 µm.

0 10 20 30 40 50 60 70 80 90

Solar Zenith Angle [

o

]

0.0 0.1 0.2 0.3 0.4 0.5 0.6 0.7 0.8 0.9

F

raction

of

direct

flux

Mie ±σ

HG ±σ

HG instrument ±σ

Mie cut 2.5

o

±σ

Mie instrument ±σ

δ-Edd scaled HG, f=0.6×g×g ±σ

δ-Edd scaled HG, f=g×g ±σ

δ-Edd scaled HG, f=g ±σ

Figure 4.4 – Proportion de flux direct en fonction de l’angle solaire zénithal, estimée par différents algorithmes de Monte Carlo utilisant des fonctions de phase de Mie ou de Henyey-Greenstein, avec ou sans approximation de delta-Eddington, et pour différentes définitions du direct. Un calcul de Monte Carlo a été effectué pour chaque angle solaire, chacun avec 100 000 réalisations. Le champ nuageux est le même qu’à la section4.2.5.1

• Dans les simulations Mie, HG, δ-Edd scaled HG, δ-Edd scaled HG, f=g×g et δ- Edd scaled HG, f=0.6×g×g, les chemins contribuent au flux direct s’ils n’ont jamais été diffusés ni réfléchis.

• Dans les simulations Mie instrument et HG instrument, les chemins contribuent au flux direct si leur angle incident en surface appartient à l’angle solide de demi angle 2.5o orienté en direction du soleil.

• Dans la simulation Mie cut 2.5o, les chemins contribuent au flux direct s’ils n’ont

jamais été diffusés ni réfléchis ; lors d’une diffusion, si l’angle diffusé échantilloné est inférieur à 2.5o, la diffusion est considérée comme nulle : l’ordre de diffusion n’est pas

incrémenté et le chemin continue dans la direction incidente avant collision. 4.1.2.6 Analyse

Ces différentes simulations permettent d’évaluer la sensibilité de l’estimation de flux direct à différents facteurs. La fonction de phase utilisée ne modifie pas la proportion de chemins diffusés au moins une fois : le fait d’être diffusé au moins une fois ne dépend pas de la fonction de phase mais de l’épaisseur optique du milieu le long du rayon. Par contre, la proportion de chemins qui atteignent la surface dans un angle solide Ω2.5

s de ±2.5o autour de la direction

du soleil est plus importante avec la fonction de Mie qu’avec celle de Henyey-Greenstein. Lorsque la fonction de phase de Henyey-Greenstein est utilisée, la proportion de chemins

n’ayant jamais été diffusés ni réfléchis est la même que la proportion de chemins incidents en surface dans l’angle solide Ω2.5

s .

Les simulations Mie cut 2.5o et Mie instrument montrent que pour évaluer la pro-

portion de flux direct, il est équivalent i/ de ne pas réaliser les évènements de diffusion échantillonnés dans un intervalle angulaire θ ∈ [−2.5o,2.5o] et de compter les contributions

des chemins n’ayant jamais été diffusés (donc, y compris les contributions des chemins qui auraient dû être diffusés au moins une fois dans l’intervalle [−2.5o,2.5o]) ou ii/ de réaliser

tous les évènements de diffusion et de compter comme contributions au flux direct celles des chemins incidents à la surface dans l’angle solide Ω2.5

s . Même si quasiment la moitié des

diffusions sont échantillonnées dans un petit intervalle angulaire dû au pic de la fonction de phase de Mie, le chemin peut être dévié de la direction solaire de manière significative dès qu’il vit un nombre de diffusions suffisamment élevé. Ici, le flux direct vu par la surface dans les simulations Mie instrument et Mie cut 2.5o est quasiment le même. Il semble donc

que les chemins incidents à la surface dans l’angle solide Ω2.5

s soient plutôt les chemins ayant

vécu zéro ou peu d’évènements de diffusion, en accord avec la faible couverture nuageuse de la scène nuageuse considérée.

L’approximation de delta-Eddington introduit bien un biais menant à la surestimation du flux direct. Si la référence est la simulation Mie instrument, l’approximation de transport surestime le flux direct en surface d’environ 28 W.m−2 en moyenne sur les valeurs calculées (25 % de la référence en moyenne) et l’approximation de delta-Eddington classiquement utilisée surestime le flux direct en surface d’environ 14 W.m−2 (12 % de la référence en moyenne). La correction du facteur f telle que déterminée à la lecture de la Figure 4.3

(f = 0.6 × g2) permet de réduire cet écart à -2 W.m−2 (-1 % de la référence en moyenne).

4.1.2.7 Discussion

Les algorithmes de Monte Carlo sont suffisamment flexibles pour adapter la définition du flux direct au problème d’intérêt. Cela dit, les développements présentés plus haut dans cette section permettraient d’intégrer directement la géométrie de surface (végétation, ville ou système énergétique) dans la scène atmosphérique où est propagé le rayonnement solaire. Ce couplage impliquerait de coder un algorithme de Monte Carlo pour chaque type de prob- lématique de surface (mais pas pour différentes géométries appartenant à une même famille de problèmes grâce aux abstractions implémentées dans la bibliothèque, qui permettent de séparer les algorithmes des données). Toutefois, il aurait l’avantage

• de ne pas faire d’approximation ou de compromis sur la définition du flux direct : chaque chemin contribue à un observable donné par son poids et non pas selon un critère arbitraire défini à l’avance.

• de ne pas perdre d’information à l’interface entre l’atmosphère et la surface : la surface ne reçoit pas un flux moyen mais la distribution d’énergie portée directement par les chemins échantillonnés

• de propager proprement les incertitudes de Monte Carlo liées au sous-échantillonnage statistique de l’espace des chemins, en combinant la variance liée à la diffusion multiple, à l’échantillonnage spectral, etc. à la variance liée à l’échantillonnage de la géométrie de surface, voire à d’autres types de phénoménologies si le couplage est également fait au niveau des processus.