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CHAPITRE 1 : Synthèse bibliographique

3.3 Processus abiotiques

Figure 1-19 : Représentation schématique de l’évolution de la disponibilité de la MO au cours du temps, d'après Naidu (2014).

Pour illustrer la diminution de la disponibilité des contaminants au cours du temps, des expériences ont été réalisées en dopant des terres avec des HAP et en les laissant « vieillir » sur des durées variables (jusqu’à 525 jours). Ces travaux ont montré une diminution de l’extractibilité des HAP introduits (au butanol) et donc de la disponibilité de ces composés au cours du temps (Northcott and Jones 2001a). En parallèle, une augmentation de la concentration des HAP dans la MO après saponification a révélé une diffusion progressive des HAP dans matrices organiques du sol.

L’évolution temporelle des sols contaminés entraîne ainsi une diminution de la biodégradation, et donc de la production potentielle de MOD.

3.3 Processus abiotiques

Suivant les propriétés physico-chimiques du sol considéré, une partie de la MO peut voir ses propriétés modifiées par le biais de processus d’oxydation ou d’interactions (rétention, catalyse) avec les surfaces organiques et minérales et par conséquent impacter la nature et la quantité de MOD.

Parmi ces caractéristiques des sols, on peut citer le pH du sol, la salinité, la teneur en carbone organique, la porosité, la température, ou encore le potentiel hydrique des sols. Tous ces paramètres ont potentiellement une influence sur la rétention et/ou le transfert des MOD dans le milieu. Néanmoins, il est très difficile de contrôler simultanément chacun de ces paramètres en laboratoire, et la plupart des études ne cible qu’un ou quelques-uns de ces paramètres conjointement (Totsche et al. 2007).

Pan et al. (2008) ont exploré différentes conditions de pH et salinité dans le but de comprendre les interactions entre contaminants et MOD en lien avec la conformation de cette dernière. Ils suggèrent que le facteur déterminant influençant ces interactions est la formation de régions hydrophobes lors de la mise en place de la conformation de la MOD, contrôlée par le potentiel zêta de la solution (pH et salinité). Néanmoins, l’influence de la force ionique sur les interactions entre la MOD et les contaminants organiques est discutée au sein de la communauté scientifique. Ainsi, aussi bien des interactions positives favorisant les réactions MOD-contaminant (Lassen and Carlsen 1997; Jones and Tiller 1999) que négatives retardant ces réactions (Carter and Suffet 1982; Marschner et al. 2005) ont été exposées.

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L’évolution de ces paramètres physico-chimiques au cours du temps ont une forte incidence sur la solubilisation des contaminations des friches industrielles polluées au goudron de houille. La distribution entre les contaminants présents dans la phase liquide non aqueuse (NAPL – goudron) et la phase aqueuse est gouvernée par la diffusion des solutés à l’interface des deux phases. Le taux de transfert global est contrôlé par le taux de diffusion le plus lent (Luthy et

al. 1994). Or cette dissolution évolue au cours du vieillissement de la pollution : le taux de transfert

des contaminants (e.g. le naphtalène) décroît, et un film se développe à l’interface entre la phase aqueuse et la NAPL après plusieurs heures de contact (Luthy et al. 1993; Mahjoub et al. 2000). Ce film interfacial entraîne une résistance au transfert des contaminants. En contexte d’atténuation naturelle d’un site anthropisé, l’évolution du sol au cours du temps influe donc fortement sur la solubilisation de la contamination, et donc sur sa percolation vers les eaux souterraines. Dans un site anthropisé âgé, le transfert de la MOD vers la phase aqueuse sera donc plus faible que dans un site récent où ces interfaces entre phases ne se sont pas encore développées complètement.

3.3.1 Phénomènes de sorption : diminution des concentrations de MOD

Les processus d’adsorption sont définis par la capacité des matériaux pulvérulents ou poreux à fixer sur leur surface des molécules ou des ions (MO, métaux, gaz…) en phase gazeuse ou liquide (Grim 1968; Theng 1974). L’adsorption se produit à l’interface des deux milieux de natures différentes. Deux formes d’adsorption se distinguent : la physisorption due à des forces de nature physique, et la chimisorption résultant de réactions chimiques. Ce sont des processus réversibles qui dépendent de :

la surface spécifique du matériau support. Certains solides (e.g. argiles) possèdent des surfaces spécifiques élevées dont la capacité de sorption dépend du milieu (pH, nature des ions…) ;

la nature de la liaison adsorbat-adsorbant, en lien avec l’énergie libre d’interaction entre les sites d’adsorption et la région de la molécule en contact avec la surface. Les forces attractives responsables de l’adsorption sont de type Van der Waals et des forces électrostatiques principalement ;

le temps de contact entre le matériau adsorbant et les solutés.

D’autres processus de sorption, comme l’absorption (rétention d’un composé sur un matériau par transformation chimique) et l’échange d’ions (substitution d’un ion par un autre de même charge), interviennent dans les interactions entre les MO et les matériaux constitutifs du sol. Les mécanismes induits dans ces processus de sorption sont dépendants de la température, du pH et de la concentration des espèces (Gu et al. 1994; Gu et al. 1995; Jones and Tiller 1999; Kalbitz et al. 2000b; Fang et al. 2012).

Dans les milieux contaminés, la rétention des produits organiques incluant des contaminants implique une diminution de leur disponibilité (biologique et chimique) entraînant leur accumulation dans les sols, mais également une diminution de leur concentration dans les eaux. Toutefois, les processus de sorption sont partiellement réversibles et les molécules sorbées sont susceptibles d’être remobilisées et réintroduites dans les compartiments aquatiques lors de modifications des conditions physico-chimiques de l’environnement.

3.3.2 Oxydation abiotique de la MO anthropique

Des études ont montré qu’au cours du vieillissement d’un sol, des processus d’oxydation pouvaient affecter des composés organiques en faisant intervenir des atomes d’oxygène singulet (Zepp et al. 1978; Haag and Hoigne 1986). Ces derniers, présents dans l’air et dans l’eau, peuvent

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L’oxydation abiotique intervient principalement à la surface de la MO (Boehm 1994; Lehmann et al. 2005), aux interfaces entre la MO et les milieux oxydants (eau, air). Elle induit la formation de composés carboxyliques, phénoliques, hydroxyles, carbonyles ou encore de quinones à partir de molécules apolaires ou peu polaires (Lau et al. 1986; Quantin et al. 2005). L’apparition de ces groupements fonctionnels augmente la polarité du composé et donc sa

solubilité en phase aqueuse et ainsi sa bio-disponibilité (Brown et al. 2003).

De plus, l’oxydation abiotique de la MO peut conduire à l’apparition de charges négatives

à sa surface (Glaser et al. 2002; Liang et al. 2006). Celles-ci favorisent la rétention de cations par

interactions électriques (Cheng et al. 2006). En solution aqueuse, les MOD issues de l’oxydation sont donc susceptibles d’interagir avec des composés chargés positivement comme des éléments traces métalliques ou des éléments salins (Na+, K+). Il a ainsi été observé une diminution de la solubilité de composés organiques en présence de concentrations salines très importantes. Celle-ci est due à une réduction de la densité de surface de charge et à une modification de la conformation des composés. Ces transformations peuvent entraîner la floculation d’amas moléculaires et la sorption de MOD sur les surfaces électronégatives des particules organiques du sol grâce à la formation de ponts cationiques (Greenland 1971; McDowell and Wood 1984; Tipping and Woof 1991; Kalbitz et al. 2000b).

L’oxydation de composés persistants dans les sols (e.g. HAP) peut également conduire à des processus de polymérisation (Whelan and Sims 1992; Ghislain et al. 2010). L’apport de groupements fonctionnels au cours de l’oxydation favorise les interactions des MO entre elles ou avec les minéraux du sol (catalyse), conduisant à une condensation des composés (Whelan and Sims 1992; Kalbitz et al. 2000a).