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V.1. Principe

Les causes des pathologies de l’articulation fémoropatellaire telles que la chondromalacie ou l’arthrose ne sont pas bien connues. On sait cependant qu’elles sont responsables de douleur et de faiblesse interférant avec la fonction normale du genou. Le mécanisme suggéré est un déséquilibre entre la résistance du cartilage et la contrainte développée entre le fémur et la rotule. Maquet a donc suggéré qu’une réduction de cette contrainte pourrait soulager les patients atteints de telles pathologies (Maquet, 1963 ; Maquet, 1976).

Il existe deux moyens pour diminuer cette contrainte : réduire la force résultante (R5) exercée par la rotule sur la trochlée ou répartir cette force sur une surface de contact plus importante. La procédure de Maquet exploite le premier moyen. En effet, la force résultante exercée par la rotule sur la trochlée (R5) dépend non seulement des forces engendrées par le quadriceps (Mv) et le tendon patellaire (Pa) mais aussi de l’angle β formé par les directions des forces Mv et Pa. En avançant la rotule antérieurement, le bras de levier sur lequel agit le quadriceps devient plus long, réduisant d’autant la force (Mv) nécessaire pour réaliser le même travail d’extension du genou. Par la même occasion, l’angle β est augmenté ce qui réduit aussi l’importance de la résultante R5. Les premières études sur modèles ont prédit une réduction de 50% de la contrainte après un avancement de 2cm (Maquet, 1976).

Figure 29. Forces apppliquées à la rotule. Mv : tension du quadriceps. Pa : tension du tendon patellaire. Β : angle formé par les lignes d’action de Mv et Pa. R5 : résultante des forces Mv et Pa appuyant la rotule contre la trochlée (d’après Maquet P., 1976, Clin. Orthop. Relat. Res., 115, 225-230)

Techniquement, après une incision médiale de la peau le long de la tubérosité tibiale, une série de trous est percée le long du trait d’ostéotomie planifié sur une longueur de 15 cm. Un ostéotome permet alors de fendre l’os le long de ces trous. La tubérosité tibiale est avancée et maintenue en position à l’aide d’un greffon autologue corticospongieux prélevé sur l’ilium ipsilatéral. Un avancement maximum de 2.5 cm est recommandé pour éviter les tensions excessives sur la peau et des risques de nécrose potentielle.

V.2. Evolution

La force fémoropatellaire atteint quatre fois le poids du corps durant la marche et n’est transmise qu’à travers seulement 10 à 30% de la surface patellaire (Matthews et al., 1977). La diminution de la force R5 n’est pas synonyme de réduction de la contrainte fémoropatellaire. En effet, la contrainte étant le quotient de la force par la surface de contact, une diminution de la force n’est donc pas forcément associée à une diminution de la contrainte si elle s’accompagne d’une diminution de la surface de contact. L’effet de la procédure de Maquet sur la surface de contact a donc rapidement été étudié (Nakamura et al., 1985 ; Ferrandez et al., 1986) et ceci a montré qu’un avancement de plus de 1cm n’était pas justifié. En effet, au- delà de cette valeur, même si la force résultante continue de diminuer, la surface de contact se réduit entrainant un pic de contrainte plus important que la contrainte initiale avant l’intervention. Les techniques plus modernes d’évaluation biomécanique du genou mettent en avant que l’efficacité de la procédure dépend non seulement de l’importance de l’avancement mais aussi de l’angle tibiofémoral et de l’effort nécessaire au mouvement. L’avancement entraine par ailleurs des modifications au niveau de l’articulation fémorotibiale et ses répercussions biomécaniques ne sont donc pas limitées uniquement à l’articulation fémoropatellaire (Shirazi-Adl et Mesfar, 2007). Cette restriction dans les premières études de

Figure 30. Avancement de la tubérosité tibiale selon la procédure de Maquet.

la technique durant les années 90 explique sûrement les résultats paradoxaux des différents rapports cliniques. Plusieurs rapports décrivent un taux de réussite avoisinant les 85% malgré un taux de complications principalement locales (nécrose cutanée, déplacement de greffon et non-union de 10 à 30%). (Maquet, 1976 ; Hirsh et Reddy, 1980 ; Hejgaard et Watt-Boolsen, 1982 ; Mendes et al., 1987). La principale complication, la nécrose cutanée, peut être évitée en pratiquant une incision antérolatérale plutôt que médiale (Kadambande et al., 2004). D’autres études cependant décrivent des résultats nettement moins satisfaisants et mettent en garde contre une utilisation systématique de cette procédure. La réponse à la chirurgie semble en effet plus favorable lorsque la chondromalacie touche la facette articulaire latérale de la rotule et dépend aussi du grade de la chondromalacie (Engebretsen et al., 1989 ; Karlssson et al., 1992 ; Jenny et al., 1996). Le fait que l’effet de la procédure soit influencé par l’angle de flexion comme mentionné ci-dessus justifie la chirurgie chez des patients à faible degré de flexion du genou, c’est-à-dire des patients peu actifs ou âgés (Cheng et al., 1995). Il n’y a donc pas de critères bien définis pour pratiquer l’avancement de la tubérosité tibiale chez l’homme, la décision se fait au cas par cas et peut être assistée par des simulations informatiques basées sur l’anatomie de chaque patient (Cohen et al., 2003).

Depuis sa première description par Maquet en 1963, la procédure a évolué sur plusieurs points. Initialement, Maquet décrivait un avancement du tendon rotulien en plaçant le greffon entre le tendon et la partie proximale du tibia. Cette technique entrainait un problème cosmétique important, d’où le développement de l’avancement de la tubérosité tibiale (Maquet, 1963 ; Maquet, 1976). Une technique a tout d’abord été décrite pour s’affranchir du greffon osseux tout en réalisant un avancement antéromédial de la tubérosité tibiale (Fulkerson, 1983). L’ostéotomie nécessaire à cet avancement a été ensuite modifiée afin de pouvoir réaliser un avancement antérieur uniquement lorsqu’une antéromédialisation n’était pas nécessaire (Rue et al., 2008) (Figure 31).

Ces chirurgies étant relativement invasives et techniquement difficiles, le greffon osseux autologue de la procédure de Maquet a été remplacé avec succès par des greffons hétérologues (Atkinson et al., 2008) ou des cages de tantalum (Fernandez-Fairen et al., 2010) afin de s’affranchir des complications liées au prélèvement du greffon corticospongieux provenant de l’ilium (Silber et al., 2003).

Figure 31 : avancement antérieur sans greffon (d’après Rue J. 2008, Am. J. Sports Med., 36, 1953-1959)

Notons enfin que les pathologies de la rotule sont souvent associées à des pathologies du compartiment médial du genou et l’avancement de la tubérosité tibiale pour traiter les problèmes de rotule peut être combiné avec une ostéotomie proximale du tibia pour traiter le problème de compartiment médial. Dans des cas précis, ceci peut permettre d’éviter une prothèse du genou (Megied et al., 2010).

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