• Aucun résultat trouvé

IV. LA RUPTURE DU LIGAMENT CROISE ANTERIEUR CHEZ L’HOMME

IV.2. Pathogènie

La RLCA est l’une des pathologies du genou les plus fréquentes avec une incidence annuelle de près de 100 000 patients aux Etats unis par exemple (Cimino et al., 2010). Une recherche sur Pubmed avec les mots-clés « anterior cruciate ligament » donne accès à 12881 articles. Malgré cette incidence élevée et la pléthore d’articles, il reste difficile de prédire le risque d’une RLCA.

Contrairement à la situation chez le chien, la RLCA n’est que rarement isolée et est le souvent associée à d’autres lésions du genou comme la déchirure du ligament collatéral médial (Beynnon et al., 2005). La RLCA affecte particulièrement les sportifs et plus encore les femmes (Arendt et al., 1995, Arendt et al., 1999). Aucun consensus n’existe cependant quant au lien avec le cycle menstruel (Wojtys et al., 1998 ; Arendt et al., 1999 ; Wojtys et al., 2002).

Le point de contact du LCA avec la fosse intercondylienne est la localisation la plus commune de rupture. La largeur de la fosse a été corrélée avec le risque de RLCA dans de nombreuses études (Souryal et al., 1993 ; Lund-hanssen et al., 1994) mais quelques autres ne montrent aucune différence significative entre les individus sains et atteints (Schickendantz et Weiker, 1993 ; Teitz et al., 1997).

A ce jour, nul ne sait si les facteurs de risques intrinsèques sont les mêmes chez l’homme et chez la femme ou si le type de sport pratiqué influence la pathologie (Beynonn et al., 2005). Tout comme chez le chien, le diagnostic commence par l’examen clinique et est confirmé par l’imagerie. Trois tests cliniques sont principalement utilisés. Le test de Lachman (ressemblant le plus au signe du tiroir chez le chien) est le test le plus sensible (Se=0.91 et Sp=0.78 sous anesthésie) : le fémur du patient est maintenu dans une main pendant que l’autre tente de déplacer le tibia vers l’avant. Une laxité accrue par rapport au genou controlatéral signe une RLCA. Le test du tiroir antérieur consiste à fléchir légèrement le genou, bloquer le pied et tirer le tibia vers l’avant avec les deux mains (Se=0.63 et Sp=0.91). Le test le plus spécifique est le test de glissement pivotant (Se=0.73 et Sp=0.98) : il s’effectue avec le patient couché sur le côté sain, genou affecté étendu et tourné vers l’intérieur ; le praticien appuie sur la face latérale du genou en le fléchissant à la recherche d’un craquement ressenti vers 30° de flexion (Vaneck et al., 2012a). Différents appareils sont disponibles pour objectiver la laxité avec des spécificités et sensibilités variables. Les meilleurs valeurs semblent être obtenues avec l’arthromètre KT1000 (Vaneck et al., 2012b). Au niveau de l’imagerie, si le « gold standard » reste l’arthroscopie (Winters et Tregonning, 2005), elle n’en reste pas moins une technique invasive. L’IRM est donc recommandée comme la technique de choix pour diagnostiquer une RLCA avec une sensibilité et une spécificité de 0.95 (Smith et al., 2012).

IV.3. Lésions méniscales

Le rôle des ménisques est identique à celui décrit chez le chien (Renstrom et Johnson, 1990 ; Hollis et al., 2000). La lésion méniscale est la lésion la plus commune du genou avec une incidence annuelle de 61 cas pour 100 000 individus (Austin et Sherman, 1993). Contrairement à la situation chez le chien, les lésions du ménisque latéral sont fréquemment décrites et traitées, même si elles restent quatre fois moins fréquentes que celle du médial (Baker et al., 1985). Suivant les études, les lésions méniscales sont présentes dans 15 à 40% des cas de RLCA et au-delà lorsque celle-ci est chronique (Levy et Meier, 2003). Les différentes études montrent que les patients atteints d’une RLCA et d’une lésion méniscale

souffrent plus souvent d’arthrose que les patients sans lésion méniscale et que dans le cas de méniscectomie, le degré d’arthrose est proportionnel à l’importance du fragment de ménisque excisé : la suture du ménisque est associée à un meilleur résultat que son ablation totale ou partielle (Fink et al., 1994 ; Neuman et al., 2008 ; Xu et Zhao, 2013). Les lésions méniscales candidates à la suture doivent se situer dans la zone abaxiale du ménisque à moins de 2mm de la jonction méniscosynoviale pour le traitement par arthrotomie et à moins de 4mm pour le traitement par arthroscopie (Dehaven et Sebastianelli, 1990 ; Beaufils, 1998). Le traitement par arthroscopie est maintenant le « gold-standard » car il permet une récupération fonctionnelle plus rapide (Vanderschilden, 1990). Bien que toujours considérée comme une technique expérimentale par la communauté scientifique, la transplantation allogénique de ménisques est pratiquée depuis 27 ans. Plusieurs milliers de patients ont été traités ainsi avec un excellent rétablissement et un taux de complications de 21,3% comparable à celui des sutures méniscales sous arthroscopie (Austin et Sherman, 1993 ; Elattar et al., 2011).

Le « gold-standard » pour le diagnostic de lésions méniscales est l’IRM (Rubin, 1997 ; Major et al., 2003 ; Oei et al., 2007 ; Barber et al., 2013). Sa sensibilité et sa spécificité varient entre 87 et 97% et 87 et 98% respectivement avec des valeurs prédictives positives et négatives atteignant 97% (Runkel et al., 2000 ; Major et al., 2003 ; Muhle et al., 2013).

L’arthroscanner est en général utilisé faute d’accès à l’IRM. Une étude a pourtant présenté une sensibilité et une spécificité comparable à celle de l’IRM, 92% et 88% respectivement (Vandeberg et al., 2002). Les résultats de l’échographie varient grandement en fonction de l’expérience de l’opérateur et de l’équipement utilisé. Les études récentes montrent une sensibilité de 66% à 90% et une spécificité de 72% à 95% avec des valeurs prédictives positives et négatives pouvant atteindre 94% (Park et al., 2008 ; Shanbhogue et al., 2009 ; Wareluk et Szopinski, 2012).

Figure 28. Vue sagittale (1) et coronale (B) d’une lésion méniscale horizontale dans le tiers postérieur du menisque médial (d’après Barber B.R. 2013, Radiol. Clin. N. Am., 51, 371-391)

IV.4. Traitement conservatif

Il est intéressant de constater que les problématiques sont les mêmes qu’en médecine vétérinaire. J’entends par là que lorsqu’une publication sur le traitement du LCA plaide en faveur du traitement conservatif c’est un pavé dans la mare (Delincé et Ghafil, 2013 ; Maffulli et al., 2013). Déjà en 2001, une enquête auprès de 742 chirurgiens avait montré que 70% utilisaient le traitement conservatif chez au mieux 25% de leurs patients alors que 5,7% d’entre eux l’utilisaient dans plus de 75% des cas (Delay et al., 2001). Cependant les évidences se multiplient qui démontrent que chez certaines catégories de patients le traitement conservatif délivre de bons résultats (Kessler et al., 2008 ; Frobell et al., 2010 ; Delincé et Ghafil, 2013). Même l’argument phare d’une « prévention » du développement de l’arthrose mis en avant par les partisants de la chirurgie est maintenant controversé quand on sait bien que l’ostéoarthrose poursuit son développement malgré la chirurgie et que le traitement conservatif n’est pas toujours associé à son développement (Neuman et al., 2008). Personne ne remet cependant en doute l’indispensable utilité de la chirurgie dans des cas précis. Les critères de sélection pour orienter au mieux les patients vers l’un ou l’autre traitement ne sont cependant pas clairement définis et la décision est finallement laissée au jugement du chirurgien et de son interprétation des évidences dans la littérature. De manière répétée, on lit que les patients ayant une activité physique intense ou souffrant d’autres atteintes que la RLCA dans le genou (déchirure du ménisque ou d’autre ligament) sont de meilleurs candidats à la chirurgie (Zysk et Refior, 2000 ; Fithian et al., 2003). A l’inverse, les patients ayant des

activités à bas risque et souffrant d’une rupture isolée du LCA se prêteraient au traitement conservatif (Kannus et Järvinen, 1990, Nichols et Johnson, 1991). Le but du traitement conservatif est de retrouver une mobilité normale et une stabilité fonctionnelle par l’amélioration de la fonction neuromusculaire (Zatterstrom et al., 1998).

L’utilisation d’orthèse, bien que largement répandue (dans le traitement conservatif comme en postopératoire), n’a pas encore montré de réel intérêt à long terme (Smith et al., 2013).

Documents relatifs