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Chapitre 5 : Féminité maquillage et expertise

17 Etude 7 c : Entretiens

17.2 Procédure

Nous avons réalisé des entretiens semi-directifs avec ces quatre femmes, à l’aide d’une grille d’entretien. Cette grille permettait d’interroger les femmes sur les thèmes suivants : leur choix de maquillage par rapport à la consigne ; leur relation au maquillage au quotidien et leur relation au maquillage en général (voir Annexe 6 pour la grille complète).

confrontation ». L’entretien d’auto-confrontation croisée est une méthode d’analyse de l’activité professionnelle couramment utilisé afin de comprendre comment se déroule une activité, et analyser les connaissances et les savoirs faire que le professionnel met en place pour la réaliser (voir Boubée, 2012, pour une présentation plus complète).

17.3 Résultats

17.3.1 Le maquillage personnel, entretien avec les participantes 17.3.1.1 Le choix du maquillage :

Par rapport à la consigne de se rendre féminine pour une rencontre entre collègues dans un milieu professionnel, les participantes ne rapportent pas avoir réalisé un maquillage différent de celui qu’elles exécutent habituellement pour aller travailler. Certaines participantes ne mettent pas l’accent sur la recherche de féminité dans leur maquillage, mais cherchent seulement à donner une bonne image d’elles-mêmes. Les autres avancent avoir volontairement cherché à se rendre féminines par leur maquillage afin de donner une bonne image de soi et être appréciée de leur nouveaux collègues. Cependant, dans tous les cas leur maquillage est semblable à celui de leur quotidien. Leur choix est parfois guidé par une forme de rhétorique : « si je me maquillage bien les yeux, je maquillage moins la bouche, enfin ça tout le monde le sait », et ont de la difficulté à expliquer par quoi ce choix est motivé.

17.3.1.2 L’utilisation du maquillage :

Les femmes rapportent que leur maquillage est « un rituel », elles se maquillent toujours dans le même ordre, le teint, les yeux puis les lèvres. Une femme seulement déclare commencer par les yeux : « comme ça si je rate je peux reprendre sans refaire le teint, mais si je mets

seulement du mascara et du crayon je commence par le teint ». Les autres femmes n’avancent

aucun argument quant à l’ordre de leur maquillage : « j’ai toujours fait comme cela ».

Elles rapportent s’être maquillées afin : d’« avoir bonne mine », de « donner de l’éclat à

mon teint », d’« apporter de la lumière et de la chaleur au visage comme si j’avais pris un peu le soleil », « masquer ce teint terne de l’hiver ». Elles utilisent le maquillage pour mettre en avant

une partie de leur visage qu’elles apprécient : « mes yeux c’est ce que je préfère, le choix des

couleurs c’est pour faire ressortir mes yeux, faire ressortir mes expressions. Avoir les yeux expressifs », « la couleur de la bouche met de la lumière, de l’énergie, du peps. Ça donne un visage dynamique ». Elles cherchent à « rester assez naturelle » pour certaines ou paraître

« sophistiquée », « pas trop naturelle parce que j’aime pas tellement c’est un peu une carapace

Chap.5 : Féminité maquillage et expertise

17.3.1.3 Relation au maquillage en général

Toutes attestent avoir commencé à se maquiller aux alentours de 15 ou 16 ans, et qu’à cette époque, elles n’avaient pas encore de rituel. Elles fonctionnaient par essais-erreurs ou par mimétisme avec leur mère, puis avec la mode à travers les magazines féminins : « au début ma

mère m’avait montré puis je regardais dans les magazines », « ma mère et ma grand-mère se maquillaient, alors c’était dans l’ordre des choses de se maquiller », « dans ma famille on se maquille à l’instinct, c’est naturel de se maquiller ».

17.3.1.4 Leur relation actuelle au maquillage

Elles aiment se maquiller et passent du temps pour rechercher les produits qui leur conviennent : « je suis très exigeante en mascara, je surveille les sorties de nouveaux mascaras

dans les magazines et les publicités, je vais les essayer en boutique », même si elles déclarent ne

pas tellement faire confiance aux conseils prodigués dans ces mêmes boutiques, sauf si le choix du produit est déjà fait et qu’elles demandent des conseils pour l’utiliser.

17.3.2 Le maquillage professionnel, entretien avec les maquilleurs professionnels : 17.3.2.1 Le choix du maquillage

Le fait marquant de ces séances de maquillage, est que pour les quatre professionnels à peine les femmes installées, ils ont immédiatement commencé à les maquiller : « Je visualise

complètement le maquillage », « quand je rencontre cette femme je la vois maquillée, j’ai rapidement une idée très précise de ce que je vais faire, de comment je vais la maquiller », « je fais une projection dans ma tête du maquillage, ensuite je sais ce qui lui ira ou pas ». « Parfois je sais immédiatement ce que je vais faire parfois, je ne le sais qu’une fois que j’ai fait le teint, parce que un teint c’est un teint, on fait du ton sur ton, il n’y a pas à réfléchir. Mais une fois que le teint est fait je sais quoi faire ». Dans cet exercice où la consigne est imposée, les maquilleurs

n’ont pas eu l’opportunité de questionner les femmes sur leur préférence en maquillage. Ils déclarent alors avoir fait attention à de nombreux détails :

• la consigne : « je savais déjà que je ne ferai aucun smokey eyes, les yeux

charbonneux cela fait tout de suite maquillage du soir, ce n’est pas adapté à une journée de travail », « j’ai exclu d’emblée les rouges, une bouche rouge, il faut l’assumer, ça peut être trop pour le quotidien » ;

• les vêtements : « les vêtements m’ont aidé pour déterminer sa personnalité, on ne

fait pas les mêmes choix de maquillage pour une femme exubérante ou une femme réservée », « elle avait un pantalon kaki, alors j’ai fait un rappel de couleur kaki avec une ombre à paupières » ;

• le type de peau : « peau grasse ou peau sèche, je n’utilise pas du tout les mêmes

produits », « elle avait une belle peau, j’ai donc réalisé son teint en transparence pour laisser transparaitre son grain de peau. Mais si elle avait eu des boutons ou beaucoup de rougeurs j’aurais utilisé un fond de teint couvrant » ;

• la structure du visage : « sur une paupière mobile, on peut tout faire, mais sur

une petite paupière…qui fait des plis, on évite l’ombre à paupière, les aplats de couleur et les smokey, non on en fait pas ».

17.3.2.2 La réalisation du maquillage

Les quatre maquilleurs professionnels ont réalisé le maquillage dans le même ordre : le teint complet, les yeux et les sourcils puis la bouche, et ont terminé par des retouches à différents endroits du visage. Pour tous les professionnels, le maquillage du teint a duré la moitié de la séance soit 10 minutes environ. Le teint est une étape importante du maquillage, et tous utilisent des techniques de « contouring » (i.e., jouer sur les ombres du visage en apportant par endroit des touches de poudre très foncée pour attirer la lumière à certains endroits du visage, et ainsi créer des effets d’optiques, afin d’adoucir un visage anguleux par exemple). Ils décrivent avec aisance et facilité ce qu’ils font, les gestes réalisés, les produits et les outils utilisés pour maquiller (pinceau, houpe, éponge,…), mais ont besoin de plus de temps pour argumenter leur choix. Pour eux, cela semble « évident », ce sont à présent des automatismes, ils ont parfois tendance à reproduire le geste de maquiller pour détailler l’effet recherché.

17.3.2.3 Retour sur leurs expériences professionnelles et leurs activités

Les professionnels choisis pour cette étude ont 15 à 20 ans d’expérience, et ont perfectionné leur technique et adapté leur matériel pour être plus performants : « Je redécoupe mes éponges,

oui pour une meilleure prise en main, mais en fonction de ce que je veux faire je vais avoir besoin d’un bord fin et d’un plus large par exemple pour étaler puis travailler la matière en précision », « je fais fondre mes rouge à lèvres, comme je les applique au pinceau, je les conditionne sur une palette pour avoir à portée de main toutes mes couleurs, pouvoirs les montrer à la cliente. Et c’est plus léger et compacte pour le transport ». Un maquilleur relate

avoir mis 10 ans à perfectionner un technique pour « réchauffer la cerne », « je ne dis pas que ce

qu’on m’a appris à l’école n’est pas ce qu’il faut faire, mais parfois ça ne marche pas. J’avais remarqué qu’au cours de la journée la couleur changeait, devenait terne, alors j’ai développé cette technique, je recherche toujours la perfection ». Un autre maquilleur remarque que les

automatismes n’étaient pas du tout présents à la fin de ses études et que ce n’est qu’après plusieurs années de pratique qu’il a gagné en rapidité et en dextérité. Par exemple, afin de redessiner parfaitement un sourcil : « au début on trace un trait imaginaire qui part du coin

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externe l’œil pour avoir l’emplacement de la fin du sourcil mais maintenant je le vois tout de suite », « au début je n’avais pas trop de vision de ce que je faisais, au début pour faire cet exercice il m’aurait fallu 45 minutes. » et ajoute que la connaissance de ses produits lui assure

également un diagnostic maquillage réussi « je connais mes produits, on m’aurait donner une

autre mallette, j’aurais eue besoin de plus de temps ».

18 Discussion

Dans ce chapitre, nous avons étudié l’effet de l’expertise du maquillage à la fois sur la perception de la féminité faciale et sur le jugement social, mais également chercher à comprendre ce qui différencie un maquillage professionnel d’un maquillage personnel.

Le maquillage professionnel fait paraître les femmes plus féminines que le maquillage personnel. Le maquillage professionnel augmente plus le CF de L* des yeux que le maquillage personnel. Aucune corrélation entre les jugements de féminité et la modification des CF par le maquillage (professionnel et personnel) n’a été observée.

L’expertise du maquillage n’impacte pas les dimensions positives du jugement social, la seule présence de maquillage fait paraître les femmes plus compétentes et tout aussi chaleureuses. Pour autant, la présence de maquillage augmente l’attribution de traits négatifs sur la dimension de chaleur.

Les évaluations des maquilleurs professionnels concernant le jugement social des femmes qu’ils viennent de maquiller correspondent aux jugements d’autrui. Les évaluations des femmes sur le jugement social qu’elles pensent recevoir sont plus élevées que le jugement d’autrui.

18.1 Contraste facial, type de maquillage et féminité perçue : un maquillage