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2.2.5 Procédure d’acquisition des paramètres de texture de micro-usure dentaire

Pour les cervidés actuels, selon les populations considérées les mandibules de cervidés ont été récupérées propres ou ont dû subir une étape supplémentaire de nettoyage visant à éliminer la graisse et la chair restantes avant de pouvoir réaliser les moulages dentaires sur les secondes molaires inférieures des spécimens. Ensuite, un premier tri des spécimens a permis, quand l’effectif le permettait, notamment dans le cas des cervidés actuels, d’écarter les spécimens juvéniles de l’analyse afin de ne pas prendre en compte les variations alimentaires ayant cours dans les premiers temps de la vie de l’animal. Ainsi, les spécimens présentant une seconde molaire inférieure (M2) éruptée et

visiblement usée ont été étudiés en priorité. A titre indicatif, la mise en place de la première molaire inférieure des Cervus elaphus a lieu au cours de la première année et la seconde molaire érupte au cours de la seconde année de la vie de l’animal (première molaire visible entre 2 et 10 mois et seconde molaire visible entre 14 et 22 mois, en fonction des individus et du contexte environnemental ; Azorit et al., 2002 ; Lowe, 1967). Dans le cas des fossiles, des effectifs souvent réduits m’ont obligée à inclure dans l’analyse un petit nombre d’individus jeunes. Ainsi, dans le cas où les molaires permanentes des spécimens n’étaient pas suffisamment usées pour présenter une facette dentaire exploitable, j’ai échantillonné la prémolaire 4 déciduale des spécimens. Ce cas de figure ne représente que

quelques individus (annexe 4, p. a-14 à p. a-4 ). Il existe peu de travaux portant sur les différences alimentaires chez les cervidés en fonction de l’âge. Illius et Gordon (1987) font l’hypothèse qu’une différence de masse corporelle en fonction de l’âge devrait avoir pour conséquence des

différences alimentaires. Duart et al. (2011) et Veiberg et al. (2009) mettent en évidence des différences de capacité du reticulo-rumen en fonction de l’âge et de la masse corporelle des individus. Padmalal et Takatsuki (1994) démontrent l’existence de différences de qualité nutritive de l’alimentation consommée par les faons, les femelles et les mâles de cerf sika, qui soutiennent le principe de Jarman-Bell (Müller et al., 2013). Weckerly et Nelson Jr (1990) en revanche n’obtiennent pas de différences alimentaires significatives entre les juvéniles de moins d’un an et les adultes de 1,5 ans et plus. Dans une étude (Bignon-Lau et al., 2017) portant sur deux populations de rennes de Norvège et visant à évaluer l’impact de l’âge chez les adultes (adultes jeunes, matures et âgés) sur les paramètres de texture de micro-usure dentaire, cet outil bien que capable de détecter de subtiles différences alimentaires (Calandra et al., 2016) n’a pas permis de mettre en évidence de différences en fonction de l’âge des individus.

Un second tri a ensuite permis, par l’observation minutieuse à la loupe des facettes dentaires,

d’écarter les spécimens principalement fossiles présentant des surfaces dentaires trop altérées pour présenter un signal de micro-usure dentaire intact (absence d’émail intact, traces laissées lors de l’extration ou de la péparation des spécimens, …). La facette linguale du protoconide des secondes molaires inférieures (M2) est utilisée en priorité dans un souci de comparaison avec la

micro-usure dentaire(figure7-1). Si cette facette est altérée, le moulage est fait sur une autre facette linguale, le signal de micro-usure étant relativement homogène à l’échelle de la dent (Schulz et al., 2010). Dans le cas où la M2 ne peut être exploitée, notamment dans le cas des fossiles pour lesquels le

matériel mandibulaire n’est pas toujours présent, l’analyse porte à défaut sur les autres molaires inférieures ou supérieures, puisqu’il a été montré que les textures de micro-usure dentaire des molaires d’un même individu présentent des valeurs de leurs paramètres texturaux comparables (Ramdarshan, Blondel, Gautier, Surault, & Merceron, 2017). Le signal de texture de micro-usure dentaire des molaires supérieures et inférieures d’un même individu présentant un décalage (Ramdarshan, Blondel, Gautier, Surault, & Merceron, 2017 ; Schulz et al., 2010), ces informations sont indiquées dans l’annexe 4 (p. a-14 à p. a-4 ). A l’issue de ce tri, les spécimens sélectionnés ont été nettoyés à l’aide d’un coton-tige imbibé d’acétone en insistant sur la facette dentaire d’intérêt. Un nettoyage approfondi est fondamental. En effet, il permet l’élimination des potentiels restes alimentaires et des poussières déposés sur la facette. Le nettoyage permet également d’éliminer de la facette les restes de la colle utilisée lors de la consolidation des fossiles ainsi que, principalement dans le cas des collections anciennes, d’ôter de la surface de la facette le vernis pouvant rendre inaccessible la texture de micro-usure dentaire. Pour chaque spécimen, le moulage de la facette d’intérêt est effectué en trois exemplaires à l’aide de silicone de haute précision utilisé classiquement pour les impressions dentaires en dentisterie humaine (figure7-1) (Silicone Regular Body President, réf. 6015 - ISO 4823, consistance moyenne, polyvinylsiloxane addition type ; Coltene Whaledent). Le premier réplicat constitue un ultime nettoyage de la facette d’intérêt, puisque tout élément encore susceptible d’être déposé sur la facette partira lors du détachement du moulage de la facette. Le troisième réplicat est conservé pour d’éventuelles analyses ultérieures.

Le moulage est ensuite directement scanné à l’objectif x100 d’un microscope confocal Leica DCM8 (Leica Microsystems) en lumière blanche (ouverture numérique : 0,90 ; distance de travail : 0,9 mm), au laboratoire iPHEP (CNRS et Université Poitiers ; projet TRIDENT ; ANR-13-JSV7-0008 ; Porteur : Gildas Merceron, Leica DCM8 équipé et déposé à l'iPHEP) à l’aide du logiciel LeicaScan (figure 7-2). Le fait de scanner directement le moulage permet de s’affranchir d’une étape supplémentaire de moulage et ainsi de réduire le risque d’induire des artéfacts. Pour chaque surface scannée on obtient une surface composée d’un nuage de points correspondant à un modèle d’élévation digital (2584 x 1945 points ; intervalle latéral en x et y de 0,129 µm, pas numérique vertical de 1 nm) de 251 par 333 µm au centre de la facette dentaire. A ce stade, les surfaces présentant des altérations importantes (liées à un mauvais nettoyage ou à l’altération post- mortem de la facette dentaire) sont écartées (figure 7-2, CC-CHIZE-87303).

Ensuite, une étape de pré-traitement consiste, à l’aide du logiciel LeicaMap, à générer à partir du centre de la surface scannée une surface de 200x200 µm (figure 7-3). En effet, Merceron et al. (2016) ont montré qu’une unique surface de cette taille était suffisante pour discriminer des groupes de brebis aux régimes alimentaires connus. Il s’agit ensuite d’inverser la surface en Z, de remplir les points non mesurés (<5% des points de la surface) par la moyenne des points voisins et de redresser la surface. Le corollaire du choix d’effectuer le scan directement sur le silicone est la production fréquente de pics aberrants sur les surfaces obtenues. Ces pics sont le résultat d’interférences entre le faisceau lumineux du microscope confocal et les bulles d’air emprisonnées dans le silicone. Afin de s’affranchir de ces artéfacts, Merceron et al. (2016) ont développé une procédure automatisée qui

permet par une suite d’étapes bien détaillées dans les données supplémentaires de leur article, de soustraire à la surface scannée les pics aberrants, sans induire d’altération du signal textural sur le reste de la surface comme le feraient des filtres classiques. Les surfaces sont ensuite toutes contrôlées une à une afin d’éliminer d’éventuels artéfacts ou éléments exogènes sur la surface risquant de fausser les analyses (figure 8).

Une Analyse Fractale Multi-échelle (SSFA : « Scale sensitive Fractal Analysis ») (R. S. Scott et al., 2006) est ensuite effectuée avec les logiciels SFrax et ToothFrax (Surfract, www.surfract.com)(figure 7-4).

Cette approche est basée sur le principe selon lequel, à l’instar de la longueur des côtes françaises, une surface peut paraître lisse quand elle est observée à un faible grossissement et présenter un fort relief quand on l’observe à une échelle plus fine. Ainsi, une mesure de longueur, d’aire ou de volume sera plus élevée si observée à une échelle d’observation plus fine (R. S. Scott et al., 2006). Il résulte de cette analyse l’obtention de six paramètres quantitatifs descriptifs de la texture de micro-usure dentaire (Calandra & Merceron, 2016 ; J. R. Scott, 2012 ; R. S. Scott et al., 2006).

La complexité de la texture (« Area-scale fractal complexity » ou Asfc) quantifie le changement de la rugosité de surface en fonction de l’échelle d’acquisition. Une surface présentant des stries et des ponctuations de tailles variées présentera une complexité forte (DeSantis, 2016 ; J. R. Scott, 2012 ; J. R. Scott et al., 2009) (figure 7-4).

L’anisotropie de la texture (« exact proportion Length-scale anisotropy of the relief » ou epLsar), permet de quantifier l’orientation préférentielle des marques à la surface de la facette dentaire. Une orientation préférentielle des traces de micro-usure correspond à une forte anisotropie (DeSantis, 2016 ; J. R. Scott, 2012 ; R. S. Scott et al., 2006) (figure 7-4).

L’échelle de complexité maximale (« Scale of maximum complexity » ou Smc) correspond à l’échelle à laquelle la complexité est la plus forte. Elle est plus élevée pour une surface comportant plus de grosses ou larges marques et moins de marques à des échelles fines. Il s’agirait de l’échelle des particules causant l’usure (DeSantis, 2016 ; J. R. Scott, 2012 ; J. R. Scott et al., 2009 ; R. S. Scott et al., 2006). Le volume de remplissage textural (« Textural fill volume » ou Tfv) tient compte du relief de texture de la surface dentaire à différentes échelles en s’affranchissant de la forme globale de la facette. Il s’agit de combler la surface avec des cuboïdes à base carrée de volumes différents correspondant aux différentes échelles (R. S. Scott et al., 2006). Il est fort dans le cas de marques profondes et/ou larges (DeSantis, 2016 ; J. R. Scott, 2012 ; R. S. Scott et al., 2006).

L’hétérogénéité de la complexité (« Heterogeneity of the Area-scale fractal complexity » ou HAsfc) décrit le degré de variation de la complexité texturale d’une région à une autre de la facette, et ce à différentes échelles. On divise pour cela la surface en sous-surfaces qui sont comparées entre elles. L’hétérogénéité est forte quand il existe de fortes différences entre les sous-surfaces de la facette dentaire (DeSantis, 2016). Ce paramètre est interprétable en termes de diversité de nature et de taille des particules causant l’usure (J. R. Scott et al., 2009 ; R. S. Scott et al., 2006). On considère classiquement l’hétérogénéité de la complexité à deux échelles différentes, HAsfc 9 correspond à une subdivision en 9 cellules (ou sous-surfaces) de taille identique et HAsfc 81 à une subdivision en 81 cellules (J. R. Scott et al., 2009) (figure 7-4).

Si tous ces paramètres apportent des informations complémentaires et relativement indépendantes (Schulz et al., 2010 ; R. S. Scott et al., 2006), les paramètres de textures les plus utilisés et les plus efficaces pour discriminer les brouteurs et les paisseurs sont la complexité, l’anisotropie et l’hétérogénéité (Ungar et al., 2007).

2.2.6- Analyse de la texture de la micro-usure dentaire et écologie alimentaire des