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PROBLEMES LIES A L’ECHANTILLONNAGE POUR L’ETABLISSEMENT DES FLUX ELEMENTAIRES

La représentativité de l’échantillonnage, en vue de l’établissement de flux d’éléments, nécessite une bonne connaissance des variations :

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des débits liées au climat et à l’impact des aménagements artificiels le long du cours d’eau (barrages EDF, endiguements..),

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des concentrations qui dépendent du fond géochimique naturel et de la variabilité spatiale et temporelle des apports anthropiques (Walling et Webb, 1985 ; Meade et al., 1990 ; Idlafkih, 1998 ; Meybeck et Helmer, 1992).

A.1.

ESTIMATION DES DEBITS

L’incertitude sur les débits est en général assez élevée (20% au minimum) et toujours plus grande que sur les concentrations. Il y a plusieurs raisons à cela :

1) incertitudes élevées sur les mesures de débits (10 à 20%), souvent par manque de points dans la courbe de jaugeage qui est souvent ancienne,

2) éloignement trop important du point d’échantillonnage par rapport à la station de jaugeage,

3) existence d’un cycle diurne artificiel des débits dicté par EDF sur certaines rivières et en particulier la Garonne (δh ≈ 20 à 40 cm).

La plupart du temps, dans nos études, les débits ont été reconstitués, à partir de la station de mesure la plus proche du point de prélèvement, en retranchant (ou en ajoutant) les débits des affluents ou des pompages connus. Cette méthode présente l’inconvénient de ne pas tenir compte des temps de transfert des masses d’eau, temps qui sont difficilement évaluables du fait de leur grande dépendance vis-à-vis des débits. Cet effet peut être lissé selon l’échelle de temps que l’on considère, à savoir des débits moyens journaliers, mensuels ou annuels.

A.2.

ESTIMATION DES CONCENTRATIONS

De nombreux travaux de synthèse (Meadle et al., 1990 ; Idlafkih, 1998 ; Meybeck et Helmer, 1992 ; Huang et al., 1992 ; Horowitz, 1991 ; Hart et Hines, 1995) font état de la complexité et de la diversité du comportement des éléments chimiques dans les cours d’eaux, notamment entre les phases dissoutes et particulaires. Afin d’étudier leur mode de transport, la majorité de la communauté scientifique a adopté les seuils de filtration conventionnelles de 0,45 µm ou 0,22 µm. Ces seuils permettent la séparation de l’eau

« brute » en deux fractions dites «dissoute» et «particulaire» (De Mora et Harrison, 1983 ; Horowitz, 1991 ; Hart et Hines, 1995). Le domaine des colloïdes se trouve ainsi très mal défini puisque se situant de part et d’autres de ces seuils de coupure (Mc Carthy et Zachara, 1989 ; Buffle et al., 1992 ; Jaïy, 1998). La fraction « dissoute » peut alors se subdiviser elle-même en deux phases ; l’une que l’on qualifiera de « colloïdale » et l’autre de « vraie dissoute ». Cette phase colloïdale du « dissous » correspond aux particules minérales ou organiques de diamètre inférieur à 0,2 ou 0,45 µm ayant des propriétés colloïdales. Tandis que la phase « vraie dissoute » correspond aux éléments sous forme ionique ainsi qu’aux molécules de tailles très petites (quelques nanomètres). Ces colloïdes qui subsistent dans la phase «dissoute» sont d’une importance capitale dans le transport des éléments trace (terres rares, métaux). Malgré leur taille très petite, ils peuvent présenter d’importantes surfaces spécifiques qui leur confèrent une grande réactivité vis-à-vis les éléments présents dans la phase du «vrai dissous» (exemple : adsorption, complexation des métaux traces).

Des travaux portants sur les terres rares dans les eaux de rivières (Elderfield et al., 1990 ; Sholkovitz, 1992 ; Dupré et al., 1996) ont mis en évidence que la phase colloïdale est responsable du fractionnement de certains éléments selon la porosité du filtre utilisé (0,45 µm, 0,2 µm, 0,02 µm). Viers et al. (1997) ont montré dans les eaux du bassin de Nsimi (Cameroun), en couplant calculs de spéciation et expériences d’ultrafiltration, qu’environ 70% du lanthane de ces eaux est transporté par complexation à la surface des colloïdes (<0,22 µm) organiques. Dans ce travail, nous avons choisi de filtrer nos échantillons au seuil de coupure 0,22 µm.

Les techniques de conservation des échantillons d’eaux naturelles et d’analyse des différents éléments chimiques susceptibles d’être présents dans les eaux naturelles sont actuellement bien maîtrisées. Des protocoles de préparation ultra propres, couplés avec des appareils comme l’ICP-MS dont les performances ne cessent de s’accroître (seuils de détection, sensibilité, précision, rapidité …), ont permis de développer au sein du laboratoire un savoir-faire dans le domaine des mesures physicochimiques sur les eaux naturelles et en particulier sur les éléments trace. Cependant, l’évaluation des flux élémentaires, en particulier ceux affectés par l’impact de l’activité humaine, se heurte encore de nos jours, au problème de la représentativité spatio-temporelle de l’échantillonnage et en particulier au mode d’intégration temporel pour leurs calculs à l’échelle annuelle. Différents problèmes peuvent survenir quand il s’agit de distinguer et d’évaluer les flux d’éléments d’origine naturelle de ceux d’origine anthropique :

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Distinction dans les eaux de la contribution du fond géochimique naturel de celle d’origine anthropique

Certains travaux, en particulier ceux s’intéressant aux polluants transportés par la phase dissoute, se réfèrent aux ruisseaux de bassins versants de montagne supposés non pollués (Idlafkih, 1998 ; Meybeck et Helmer, 1989 ; Meybeck, 1986). D’autres (Roy, 1996 ; Freydier, 1997) notamment pour l’étude des pollutions métalliques principalement transportées par la phase particulaire, se réfèrent à une valeur moyenne de la croûte continentale (Upper Continental Crust Taylor and McLennan, 1985; Hofmann, 1988) ou des schistes (North American Shale Composition Condie, 1993). Dans cette campagne «métaux dans le bassin de la Garonne», étant donné la dominance du transport particulaire des ETM dans les rivières à l’échelle mondiale, nous avons choisi la référence la plus communément utilisée : l’UCC.

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Variations spatio-temporelles des flux anthropiques

De part leurs diversités spatiales et temporelles et leurs origines multiples, les flux anthropiques sont difficilement mesurables de façon directe et individuelle. Ces flux anthropiques, peuvent être : directs, ponctuels ou permanents (rejets domestiques, agricoles), cycliques (rejets industriels, stations d’épuration), diffus, souvent reliés avec les épisodes météorologiques (ruissellement, lessivage des zones agricoles, des mines, des constructions, de zones contaminées, retombées atmosphériques directes). De ce fait, dans les études présentées dans ce travail, nous avons utilisé une méthode indirecte qui consiste à évaluer l’impact global de ces différentes sources de pollution en réalisant par un bilan des flux « amont-aval » ciblé en particulier sur les grandes agglomérations comme celle de Toulouse.

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Hétérogénéité de la section mouillée entraînant un artefact de prélèvement Les prélèvements, qu’ils soient manuels ou automatiques (chapitre suivant) sont des prélèvements réalisés en surface, à 1 m de profondeur au maximum. Ce type de prélèvement, en surface, présente le désavantage d’éventuellement privilégier les particules fines par rapport aux plus grossières, qui ont tendance à être transportée et à sédimenter en fond de rivière par gravité. Dès lors, les matières en suspension présentes au sein de l’échantillon ainsi prélevé, ne sont pas forcément représentatives de la coupe transversale au point d’échantillonnage. En période de fortes eaux, ce processus intervient peu du fait de la turbidité élevée ; au contraire en période de basses eaux, ce phénomène peut entraîner un biais d’échantillonnage, notamment sur les éléments transportés préférentiellement par la phase particulaire (métaux, certains nutriments P, N). Les variations du profil de vitesse au sein de la section mouillée au point de prélèvement sont également à l’origine de l’hétérogénéité des MES en son sein. Pour palier en partie à cet effet, il convient de choisir des points de prélèvement où les niveaux de l’eau et le brassage vertical sont suffisants quelle que soit la saison.

Dans le but de distinguer puis de quantifier les flux d’éléments d’origine naturelle et anthropique, il est fondamental de découpler l’échantillonnage en deux parties selon que l’on souhaite travailler sur les flux d’éléments préférentiellement transportés par la phase soluble ou par la phase particulaire :

1) Flux d’éléments dissous

Le groupe d’éléments présents dans les eaux de rivière sous la forme dissoute est principalement constitué par les ions majeurs, les éléments nutritifs et la matière organique dissous (et certains micropolluants organiques et inorganiques dissous). Les flux d’éléments dissous présents leur confère une certaine homogénéité spatiale dans la section mouillée.

L’échantillonnage ne se trouve limité que par les variations :

1) spatiales des rejets ponctuels au sein de la section immédiatement en aval du prélèvement,

2) temporelles, journalières et hebdomadaires des rejets ponctuels (Chestérikoff et al., 1991, Vanderborght et Wollast, 1990) et des ouvrages hydroélectriques.

2) Flux d’éléments particulaires

La surveillance de la phase particulaire et donc des éléments associés à celle-ci, essentiellement par des phénomènes d’adsorption (matières en suspensions, biomasse algale, N, P, C organique, micropolluents organiques et inorganiques particulaires), pose un réel problème aux chercheurs (Etcheber, 1980 ; Benoit, 1995, 1999 ; Roy et al., 1999 ; Schäfer et Blanc, 2002 ; Schäfer et al., 2002 ; Maneux et al., 2001; Coynel et al., 2004, Meybeck et al., 2004). Ces particules, majoritairement issues de l’érosion des sols et des roches, subissent dans le lit de la rivière des séquences successives de dépôts et de remise en suspension. Ces processus (érosion, dépôts, remise en suspension), fortement dépendants des conditions hydrodynamiques entraînent :

1) une hétérogénéité spatiale de la section mouillée prélevée, qui constitue alors une limite majeure pour la surveillance de la qualité intrinsèque des particules et de l’évaluation des flux (Meade et al., 1983, Meade et al., 1990, Horowitz, 1991),

2) des pics de matières en suspension (MES) lors des épisodes de crue : la plus grande partie des particules en suspension et des polluants associés, dont certains comptent parmi les plus toxiques, se trouve alors transportée pendant ces quelques jours de montées des eaux (Meade et al., 1990 ; Idlafkih, 1998 ; Cossa et al., 1994).

L’échantillonnage idéal permettant d’étudier la chimie des particules en suspension consiste d’un point de vue :

1) spatial à prélever en plusieurs points (en respectant les longueurs de mélange), sur plusieurs verticales au sein d’une même section,

2) temporel à resserrer le pas de temps des prélèvements.

Ceci permet d’intégrer les variations des concentrations des MES fortement liées aux conditions hydrodynamiques, en particulier en période de crues. Toutefois, Dorioz et al., (1991), Meybeck et al., (1992), conseillent une multiplication temporelle des prélèvements

«instantanés ponctuels » lors d’une crue car la variabilité temporelle des MES excéderait leur variabilité spatiale (turbidité élevée).

La mise en place de tels protocoles d’échantillonnage à l’échelle d’un grand bassin versant comme celui de la Garonne (52000 km2) est difficilement réalisable étant donné les moyens (humains, matériels et financiers) accordés par ce projet.

Aussi, comme on le verra en détail plus bas, lors de cette campagne métaux dans la Garonne, nous avons adopté un mode de prélèvement ponctuel journalier (à un temps t, du jour j) effectué chaque mois pendant un an. Il faudra donc être vigilant lors de l’interprétation des résultats concernant les flux selon que l’élément soit transporté par la phase dissoute ou particulaire. L’intégralité des crues n’ayant pas été prélevées, les flux particulaires annuels et donc des éléments associés seront de ce fait sûrement sousestimés dans ce travail.

B. MODALITES DE L’ECHANTILLONNAGE