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6 - PROBLEMATIQUES SCIENTIFIQUES LIES AUX MICRONUTRIMENTS

MICRONUTRIMENTS ET SANTE Edmond ROCK

6 - PROBLEMATIQUES SCIENTIFIQUES LIES AUX MICRONUTRIMENTS

a- différentiation des micronutriments des microconstituants

Il a été proposé de discerner certains composés alimentaires en microconstituants et d’autres en micronutriments pour indiquer une certaine essentialité prouvée pour ces dernières et pour lesquelles il existe une valeur chiffrée d’apport nutritionnel conseillé (ANC). C’est ainsi que les vitamines et les éléments trace sont considérés comme des micronutriments, et les caroténoïdes ou les polyphénols sont classés comme microconstituants. Cependant, cette position ne doit pas pour autant minimiser les actions santé des microconstituants, dont un statut plasmatique élevé a été inversement corrélé à bien de situations pathologiques dans les observations épidémiologiques. Existe-t-il et pourra-t-on déterminer des valeurs d’apport nutritionnel conseillé pour ces microconstituants ? Quelle méthodologie utiliser pour déterminer cette valeur ? Ce sont des questions qui restent en suspens. Pour autant, la résolution de ces questions ne doit pas servir à justifier la prise de compléments alimentaires. De cette problématique découle une autre question sur le rôle santé effectif de ces compléments alimentaires et un apport équivalent en aliments vecteurs de ces micronutriments et microconstituants.

b- Compléments versus aliments

Intuitivement, il semble réaliste d’affirmer qu’un aliment entier apporte bien plus qu’un micronutriment et que l’apport d’un micronutriment isolé ne peut avoir tous les effets additionnels et/ou synergiques d’un ensemble de composés contenu dans la matrice alimentaire d’origine. Cependant, il est aussi tentant de supposer, à priori, que les propriétés biologiques de ce micronutriment, observées sur des modèles expérimentaux in vitro et in vivo, doivent aussi être retrouvés dans l’organisme après ingestion. C’est dans cette hypothèse que de nombreuses études d’intervention ont été menées, à plus ou moins grande échelle, sur des sujets à risque de pathologies pour lesquelles le micronutriment testé devait agir d’une façon bénéfique. Un coup d’œil rapide sur ces études montre le plus souvent un échec dans le sens d’une détérioration de l’état de santé des personnes recevant le complément par rapport à ceux recevant le placebo. Une illustration est l’étude ATBC (pour Alpha-Tocopherol, Béta-Carotène) pour laquelle le groupe de personnes à risque de cancer de poumons et complémenté avec du béta-carotène montrait un risque plus élevé d’environ 12% par rapport au groupe recevant le placebo. Dans cette même étude, le facteur de risque est resté similaire au groupe placebo pour les personnes présentant un statut en béta-carotène élevé avant le début de la complémentation. Cette observation indique que le le béta-carotène retrouvé dans la circulation sanguine pourrait représenter non un biomarqueur d’effet contre le cancer de poumon mais un biomarqueur d’exposition aux aliments riches en béta-carotène. Ainsi, la protection contre le cancer de poumons décrite chez les personnes ayant un statut élevé en béta-carotène pourrait résulter de constituants/micronutriments de la carotte, autres que le béta-carotène. Cette hypothèse a été récemment testée au laboratoire en différenciant l’effet biologique imputable à une matrice

alimentaire, en l’occurrence la tomate, de celui usuellement imputé au microconstituant d’intérêt, le lycopène. Ce travail sera illustré durant la présentation.

c- Antioxydant et cancer : la complémentation peut-elle avoir un effet délétère ?

Des études récentes ont montré qu’un apport d’antioxydants est lié à des effets délétères inattendus. Ainsi, l’étude SUVIMAX a montré que l’apport de minéraux, vitamines et antioxydants chez les individus ayant un taux initial élevé en PSA (Prostate Specific Antigen, un marqueur de risque de cancer de la prostate), augmentait ce taux en fin de l’expérimentation ; un tel effet n’a pas été retrouvé e chez les individus ayant un taux initial normal. Avec les études ATBC et une autre étude similaire, l’étude CARET, ces observations ont soulevé la question d’un éventuel bénéfice d’apports de micronutriments antioxydants. Schafer et al, (Nature 461, 109-113) apportent une explication rationnelle pour d’éventuels effets délétères des antioxydants. Partant de l’observation que les cellules épithéliales normales ne survivent que lorsqu’elles sont attachées à la matrice extracellulaire, ils ont analysé les changements métaboliques des cellules épithéliales détachées de cette matrice. Ils montrent que le détachement de la matrice induit une déficience en ATP, entraînant le mort cellulaire. Cependant, l’addition d’antioxydant restaure la synthèse d’ATP, stimule l’oxydation des acides gras et finalement permet la survie de ces cellules qui forment alors une colonie, un point de départ de la carcinogenèse. Ce résultat expérimental ouvre des perspectives nouvelles pour expliquer l’effet potentiellement délétère d’un apport en antioxydants chez les sujets à risque de cancers épithéliaux.

7- CONCLUSIONS

Sur la base des observations épidémiologiques, il est indéniable qu’il existe une association entre un apport/statut en micronutriments et des pathologies métaboliques et oxydatives, particulièrement celle associées au vieillissement. Cependant, les relations de causalité sont encore à établir pour un certain nombre d’entre eux et notamment pour les microconstituants comme les caroténoïdes et les polyphénols. La présence de ces micronutriments/microconstituants dans le plasma devrait être interprété comme biomarqueur d’exposition plutôt que de biomarqueurs d’effets. Pour établir ces derniers, d’autres études sont nécessaires, notamment pour décrire le métabolisme de ces composés, en sachant que l’identification de leurs métabolites peut aider à comprendre leurs mécanismes d’action. Au-delà de ces connaissances nécessaires pour chacune des molécules d’intérêt, il semble aussi qu’un intérêt certain réside dans l’analyse et la compréhension des actions synergiques et/ou additionnelles de ces micronutriments, particulièrement ceux trouvés simultanément dans un certain nombre d’aliments, notamment du règne végétal. Une telle connaissance permettra à l’avenir de mieux conseiller la population pour se prémunir des pathologies en vogue dans la société moderne au travers d’apport d’aliments spécifiques plutôt que de micronutriments isolés.

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POLYPHENOLS ALIMENTAIRES ET PROTECTION