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Les fruits d’agrumes présentent des compositions complexes et variées en caroténoïdes. Ces compositions en caroténoïdes sont des déterminants majeurs de la qualité organoleptique et nutritionnelle des fruits frais et des jus. Par ailleurs, la biochimie des caroténoïdes a été étudiée et les gènes de biosynthèse sont connus. Cependant, l’origine de la diversité des compositions en caroténoïdes des jus d’agrumes reste mal comprise à ce jour. Il est d’abord nécessaire de comprendre quel est le rôle des facteurs génétiques et d’évaluer quelle part de la variabilité phénotypique est due à la diversité allélique des gènes de biosynthèse des caroténoïdes et quelle part est contrôlée par le niveau d’expression de ces mêmes gènes. La présence de différents allèles peut se traduire par des variations d’activités enzymatiques ou des variations d’expressions des gènes. Ces deux facteurs (variabilité allélique et diversité d’expression) sont deux mécanismes importants de régulation de la biosynthèse des caroténoïdes. L’analyse du polymorphisme entre les différents allèles d’un même gène de biosynthèse et de l’implication de ce polymorphisme dans la diversité phénotypique n’a fait l’objet d’aucune étude à notre connaissance chez les agrumes. Peu de travaux ont analysé la régulation au niveau transcriptionnel dans les jus d’agrumes et nous manquons encore d’information sur ce mécanisme. La compréhension des facteurs génétiques déterminant la diversité des compositions en caroténoïdes est essentielle pour l’orientation des programmes d’amélioration variétale.

Pour apporter des éléments de réponse concernant la compréhension de la régulation de la biosynthèse des caroténoïdes des agrumes nous distinguons trois objectifs principaux.

1. Le premier objectif correspond à l’analyse de la diversité des compositions en caroténoïdes des fruits d’agrumes en étudiant 25 génotypes appartenant à 8 groupes différents. Etude, pour la première fois à notre connaissance, de 25 génotypes représentant les différentes espèces cultivées d’agrumes en récoltant des fruits sur des arbres issus de la même zone géographique (collection de la Station de Recherche Agronomique de San Giuliano) et soumis aux mêmes pratiques culturales. Les sous-objectifs sont : (1) étude qualitative et quantitative en analysant par HPLC les caroténoïdes dans les jus de fruits récoltés à maturité commerciale ; (2) détermination des espèces et variétés les plus intéressantes d’un point de vue organoleptique et nutritionnelle ; (3) étude de l’importance du facteur génétique ; (4) détermination des étapes clés ou des principales étapes de la chaîne de biosynthèse des caroténoïdes potentiellement impliquées dans la diversité des compositions en caroténoïdes.

Introduction, Problématique et Objectifs

61 2. Le deuxième objectif concerne l’analyse de la diversité allélique des principaux gènes de biosynthèse des caroténoïdes pour les 25 génotypes appartenant au genre Citrus (analyse au niveau inter et intraspécifique). Cette étude est abordée par l’utilisation de marqueurs RFLP et SSR pour la détermination du nombre de copies des principaux gènes de biosynthèse et l’analyse phylogénétique des différents génotypes au niveau de ces gènes. Ces démarches seront complétées par des analyses DHPLC et ecotilling et par des amplifications des séquences des gènes en utilisant l’ADN génomique, clonages et séquençages.

3. Enfin, le troisième objectif correspond à l’analyse de l’expression des principaux gènes de biosynthèse des caroténoïdes. Cet objectif concerne l’étude des régulations au niveau intraspécifique en analysant le niveau d’expression des gènes par PCR en temps réel dans les sacs à jus de quatre variétés d’oranges (C. sinensis, cultivars Shamouti, Sanguinelli, Cara Cara navel et Huang pi Chen) au cours de la maturation des fruits et en déterminant en parallèle les teneurs en caroténoïdes dans les jus de ces quatre génotypes. Parmi ces quatre variétés nous signalons que l’orange Cara Cara navel est un mutant de l’orange Washington navel dont la pulpe présente une coloration saumon particulière tandis que la variété Huang pi Chen est une orange dont la pulpe reste jaune pâle à maturité. Cet objectif consiste aussi à analyser les différences interspécifiques par la détermination des quantités d’ARNm des principaux gènes de biosynthèse des caroténoïdes dans les sacs à jus de trois espèces : C.

Matériels et Méthodes

63 II.1. ANALYSES DES CAROTENOÏDES

II.1.1. Matériel végétal

Nous avons étudié 25 génotypes appartenant au genre Citrus (voir Tableau 1, 1er article, chapitre III.1). Tous les fruits ont été récoltés à la Station de Recherches Agronomiques (SRA) INRA-CIRAD de San Giuliano située sur la côte orientale de la Corse. Les fruits ont été prélevés sur des arbres adultes, indemnes de maladies transmissibles connues et soumis aux mêmes conditions culturales (eau, fertilisants et traitements phytosanitaires). Pour chaque génotype, 45 fruits ont été récoltés sur 3 arbres à maturité commerciale. Les jus ont été pressés le jour même, filtrés avec un tamis de maille 1 mm et placés dans des flacons en verre ambré sous atmosphère d’azote et conservés à – 20°C. Le stade de maturité des fruits a été déterminé en utilisant les indicateurs préconisés : le pourcentage de jus, l’acidité titrable, le degré Brix et l’index de maturité (SANSON, 1986; DAVIES et ALBRIGO, 1994). L’acidité titrable a été déterminée par titrage de 5 mL de jus par une solution de soude 0,1 N pour atteindre un pH de 8,2 ; elle est exprimée en pourcentage d’acide citrique. Le degré Brix (pourcentage de solides dissous) a été mesuré par un réfractomètre calibré à 20°C. L’index de maturité a été calculé par le rapport degré Brix/acidité titrable (voir Tableau 2, 1er article, chapitre III.1).

II.1.2. Analyse des caroténoïdes par HPLC

II.1.2.1. Extraction-saponification des caroténoïdes des fruits

Les caroténoïdes ont été extraits selon la méthode détaillée par DHUIQUE-MAYER et al. (2005) (voir 1er article, chapitre III.1). Les caroténoïdes étant des molécules sensibles à la lumière et à l’oxygène, toutes les étapes ont été conduites en lumière inactinique et les extraits transférés dans des flacons en verre ambré sous atmosphère d’azote.

Les caroténoïdes sont extraits à partir de 20 g de jus auxquels sont ajoutés 120 mg de carbonate de magnésium pour neutraliser les acides et 35 mL d’un mélange de solvants de polarités différentes : éthanol/hexane (4/3, v/v) contenant 0,1% de ter-butylhydroxytoluène (BHT) utilisé comme antioxydant. Un étalon interne est ajouté au jus : du lycopène (4,5 mg.L

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) ou du β-apo-8’-caroténal (2 mg.L-1). Le mélange est filtré sous vide avec un entonnoir en verre fritté (porosité 2). Le résidu est réextrait avec le mélange de solvant précédant puis avec 30 mL d’éthanol puis 30 mL d’hexane. Les extraits sont transférés dans une ampoule à décanter et sont lavés deux fois avec une solution de chlorure de sodium 10% et trois fois

avec de l’eau distillée. La phase organique est séparée de la phase aqueuse. Elle est séchée par l’utilisation de sulfate de sodium anhydre puis évaporée à 40°C dans un Rotavapor. Le résidu est dissout dans 500 µ L de dichlorométhane et 500 µL d’un mélange dichlorométhane/méthanol (80/20, v/v). Cet extrait peut être dilué jusqu’à six fois avec le mélange dichlorométhane/méthanol (80/20, v/v), selon les échantillons, avant injection.

Une saponification est réalisée dans les conditions suivantes pour éviter les dégradations de caroténoïdes : les caroténoïdes étant dissous dans de l’hexane, un volume égal d’une solution d’hydroxyde de potassium méthanolique 10% est ajouté ; la réaction est réalisée pendant 14 heures dans l’obscurité, à température ambiante et sous atmosphère d’azote. Le mélange est ensuite transféré dans une ampoule à décanter pour une séparation de la phase hexanique et de la phase d’hydroxyde de potassium méthanolique. La phase hexanique est lavée avec de l’eau distillée à neutralité. Les caroténoïdes présents dans la phase d’hydroxyde de potassium méthanolique sont réextraits par ajout de dichlorométhane. Ces extraits sont également lavés avec de l’eau distillée à neutralité. Les extraits réunis sont séchés, filtrés et évaporés dans un Rotavapor. Le résidu est repris dans un mélange de solvants dichlorométhane/méthanol dans les proportions décrites ci-dessus.

II.1.2.2. Analyses chromatographiques ; identification et quantification des molécules

Les caroténoïdes ont été analysés par chromatographie liquide haute performance (HPLC) en phase inverse avec un appareil agilent 1100 system (Massy, France). Les caroténoïdes ont été séparés sur une colonne C30 de caractéristiques 250 x 4,6 mm, diamètre interne 5µ m YMC (Europ GMBH, Germany). La phase mobile était constituée de trois éluants : H2O comme éluant A, le méthanol comme éluant B et le MTBE comme éluant C. Le gradient d’élution est détaillé dans le 1er article, chapitre III.1. Le débit a été fixé à 1 mL.min-1 et la température de la colonne à 25°C. L’ HPLC était munie d’un détecteur à barrette de diodes enregistrant les signaux aux longueurs d’onde suivantes : 290 nm, 350 nm, 400 nm, 450 nm et 470 nm. Les chromatogrammes ont été enregistrés dans l’UV et le visible et intégrés par le logiciel Agilent Chemstation®.

Les caroténoïdes ont été identifiés par comparaison de leur temps de rétention et de leur spectre d’absorption dans l’UV et le visible avec ceux de standards. Les spectres décrits dans la bibliographie et obtenus dans les mêmes conditions chromatographiques et sur le même matériel végétal ont aussi été utilisés (voir Tableau 3, 1er article, partie III.1). Les composés ont été quantifiés par détermination de courbes de calibration pour les standards disponibles :

Matériels et Méthodes

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β-carotène, β-cryptoxanthine, lutéine, zéaxanthine, lycopène et β-apo-8’-caroténal. Les

courbes de calibration ont été obtenues en utilisant 5 concentrations ; les coefficients de corrélations variaient de 0,994 à 0,998. Tous les autres caroténoïdes isolés ont été quantifiés en β-carotène équivalent. Pour chaque caroténoïde, l’aire a été enregistrée à 290 ou 350 ou 400 ou 450 ou 470 nm en fonction de la longueur d’onde maximum du spectre. Le rendement a été déterminé par l’ajout d’un étalon interne (lycopène ou β-apo-8’-caroténal) dans chaque échantillon avant extraction. Le rendement a été utilisé pour corriger les teneurs déterminées. Pour chaque caroténoïde, les concentrations sont exprimées en mg.L-1 et elles correspondent à la moyenne de trois valeurs. Pour un échantillon (même variété et même arbre), la séquence extraction-saponification-analyse HPLC a été répétée 3 fois. Quel que soit le composé, le coefficient de variation calculé à partir des répétions est inférieur ou égal à 5%. Les limites de détection (LOD) et de quantification (LOQ) ont été déterminées pour les caroténoïdes dont nous disposions d’un standard à partir de séries de dilution de ce standard et de plusieurs injections de chaque point de dilution. Ces limites ont été calculées avec les équations suivantes : LOD = 3 × S/a et LOQ = 10 × S/a où S est l’écart type de l’ordonnée à l’origine et a le coefficient de la droite de calibration obtenue avec les points de dilution (MELENDEZ-MARTINEZ et al., 2003).